Un lion qui s’éclate au Sénégal
NA : Après Jocelyn, c’est Bernard qui vient proposer un article. Son sujet sort des sentiers battus de la Savane car il porte sur un Lion, pas sur un des Lions (1) de l’équipe nationale de football du Sénégal mais bien sur notre Lion celui de Belfort sis au pied du Château.
Sur les traces du Lion
Dernièrement est revenu du Sénégal, Claude, avec dans ses bagages une reproduction d’un emblème cher à notre cité, le Lion de Belfort. Il vient rejoindre ma collection et trôner au sein de ses congénères. Par son gabarit, il les domine tous et pas que de la tête et des épaules!
L’art africain, confronté à notre Lion
De ses précédents voyages, Claude m’avait montré des photos et des sculptures que les artistes locaux sénégalais réalisent avec une dextérité surprenante au regard des instruments utilisés...
A gauche, Claude nous invite à le suivre...
Sachant qu’il devait retourner au Sénégal et passionné par notre fauve local de grès rose, j’ai eu l’idée de lui confier une statuette pour qu’il en fasse réaliser une copie par un sculpteur du cru.
Localisation de Nianing sur la carte du Sénégal
Claude proposa à un sculpteur pratiquant son art à Nianing (2), Douga de son prénom, 20 ans de pratiques, de réaliser ce projet.
Claude avec le sculpteur Douga
Spécialiste de l’art africain, il travaille dehors, sur la plage. Il a beaucoup travaillé à Saly (3), le Saint-Tropez du Sénégal et depuis plusieurs années, son activité se déroule à Nianing bien qu’habitant à M’bour (4).
Il est plutôt spécialisé dans les têtes ou corps de femmes et dans les animaux typiques de son pays. Mais il réalise à la demande de Clients des sculptures.
L’artiste Douga avec ses réalisations
Il travaille essentiellement par inspiration et n’aime guère les reproductions, mais pour cette fois il a accepté de relever le défi que lui proposait Claude, mon émissaire.
Deux exemples des travaux traditionnels réalisés par le sculpteur Douga : un crocodile avec sa proie et un hippopotame
Douga choisit des troncs bruts qui ont déjà une forme rappelant ce qu’il doit sculpter. Il a un autre impératif à prendre en compte, le sens du fil du bois. Il commence son travail avec une pioche qu’il a conçu lui-même, assis par terre, en bloquant s’il le faut la pièce avec ses pieds nus.
Douga travaille plusieurs essences de bois.
Pour ce projet, il a choisi d’utiliser un tronc d’arbre d’environ un mètre de long et d’un bon 30 centimètres de diamètre.
Le tronc sélectionné
Ce bois, du teck mis longtemps à sécher et trouvé chez un grossiste du M bour (village de l’artiste), devait permettre de réaliser l’œuvre attendue. Il travaille également l’ébène, mais pour un cout plus élevé.
Trois jours plus tard après l’achat du tronc,
Douga attaque l’ébauche avec son outil, une simple pioche courte, assis en bordure de plage protégé du soleil par l’ombre projeté d’un cocotier.
Début de l’ébauche
Les coups de sa pioche sont précis et préparent le dégrossissage du tronc pour donner la forme attendue
L’artiste s’inspire du petit modèle posé devant lui
Le sculpteur travaille principalement pour les touristes ou pour des commerçants appelés ‘’Bana-Bana’’, ne s’arrêtant que pendant la morte saison, la saison des pluies en juillet et août.
Au quatrième jour de travail, l’ébauche est terminée.
La forme générale est là, mais pas encore le lion
Le dégrossissage étant terminé,
Douga commence à sculpter avec finesse le bois pour s’approcher de la forme du fauve en regard du modèle fourni.
Le morceau de bois est devenu lion
Douga travaille sur plusieurs projets en même temps. Suivant le sujet à sculpter et avec une expérience acquise au fil du temps, il peut le réaliser en quelques heures.
Dans le cas de cette commande, il passera beaucoup plus de temps; environ 4 fois le temps mis pour réaliser un crocodile d’un mètre de long !
Les derniers coups de pioches sont donnés à la fin du 13ème jour.
La forme du lion est là
Quand arrive la partie finition, Douga laisse sa pioche pour utiliser d’autres outils plus précis comme des ciseaux à bois et également une lime.
Il faut donner au lion sa prestance
La touche finale passe par le ponçage. Douga utilise un couteau et de la toile émeri pour lui apporter une texture lisse au touché.
En final, il passe une couche de cirage de couleur ou transparent pour faire briller et donner la teinte finale.
Le vernissage est terminé
Il est amené parfois à utiliser les services d’un assistant, finisseur et polisseur.
Le dernier travail de Douga est de graver sa signature sur l’œuvre unique qu’il a réalisé en ces mois d’avril-mai 2013.
La signature de l’artiste sous le socle du lion
Douga a mis environ un mois à sculpter ce lion, sachant qu’il travaille sur plusieurs sujets en même temps.
Douga est plutôt fier d’avoir réalisé cette commande un peu particulière, un lion de Belfort ! Tout au long de ces heures passées à donner vie à ce fauve, il a dû maîtriser les centaines coups portés avec sa pioche pour ne pas compromettre le bon déroulement de son travail.
Duo de fierté
Douga ne fait pas qu’exécuter des sculptures, il forme aussi des apprentis à cet art où la maîtrise du geste est impérative. Plusieurs sont maintenant à leurs comptes et perpétuent le savoir-faire sénégalais voir africain.
La face cachée du Lion
Ainsi se termine l’histoire de la réalisation de ce lion, d’une longueur de 48 centimètres sur 14 centimètres de large, pour une hauteur de 25 centimètres et un poids de 6 kilogrammes environ
Bernard
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Légendes
(1) Lion : Les footballeurs de l’équipe nationale du Sénégal sont appelés Les Lions. Parfois, à tort, ils sont appelés par les journalistes ‘’Les Lions de la Téranga’’. D’autres équipes nationales portent elles aussi le terme ’’les Lions’’ comme le Maroc avec les ‘’Lions de l’Atlas’’, le Cameroun avec les ‘’Lions Indomptables’’… La Fédération Sénégalaise utilise le terme de ‘’Mbarodi’’ qui veut dire Lion en langue peule (langue pratiquée par de nombreux pays d’Afrique).
Publicité pour les Lions du Sénégal
(2) Nianing : Village d’environ 6000 habitants sur la cote ouest (Petite Côte) au sud de Dakar. Autrefois, ce bourg était un grand port commercial d’où partaient coton et arachides. Aujourd’hui, la pêche et le tourisme y sont les premières ressources, avec l’élevage et l’agriculture.
(3) Saly (ou Saly Portudal) : Station balnéaire de 10000 habitants située sur la cote ouest (Petite Côte) au sud de Dakar. Comme le nom le sous entend, ce village à l’origine fut un comptoir portugais. La station a été créée de toutes pièces au début des années 80. La plage bordée de cocotiers est protégée par une baie. Elle fut le Saint-Tropez sénégalais. Mais au fil du temps, l’érosion réduit de façon significative la plage.
(4) M’bour : Ville de plus de 180 000 habitants sur la côte ouest (Petite Côte) à environ 80 kilomètres au sud de Dakar et à 5 kilomètres de Saly. M’bour est le deuxième port du Sénégal d’où on exporte du titane; la ville s’est construite autour de la mine. Ces ressources sont aussi le tourisme et la pêche. En 1987, la réserve écologique expérimentale de M’bour a été créée permettant la surveillance et la recherche à travers un écosystème réduit côtier comprenant une savane arbustive, un marigot-lagune et du litorral atlantique. La ville est jumelée avec Concarneau depuis 1974.
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