Le dirigeable "Lieutenant Chauré" affecté à la place forte de Belfort, en remplacement du "République"

MAJ le 27 juin 2020

Ayant proposé tout récemment un article sur le dirigeable "Conté", je vous propose un article sur le premier dirigeable affecté à la Place forte de Belfort, le "Lieutenant Chauré".

Carte postale Belfort Dirigeable "Lieutenant Chauré (coll. JM)

Le dirigeable "Lieutenant Chauré" fut, lui aussi, attribué à la place de Belfort en 1913.

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à un historique des premiers dirigeables et au parc à dirigeables de Belfort, ainsi qu'à l'article sur le "Conté".

Le dirigeable "Lieutenant Chauré" à Épinal

Comme le "République", le dirigeable "Astra X" fut construit par la Société Astra des constructions aéronautiques, implantée à Issy-les-Moulineaux. Il effectua sa première sortie en 1910.

Dixième de rang, il fut baptisé "Lieutenant Chauré" par décision prise par l'Armée,  en mémoire du commandant en second du "République" tué lors de l'accident du 25 septembre 1909, avec les trois autres membres de l'équipage.

Chacun eut un dirigeable baptisé à son nom; pour le capitaine Lucien Marchal, ce fut celui offert par la société Lebaudy, quant aux adjudants Henri Vincenot et Albert Réau, ce furent respectivement un Clément-Bayard et un futur Astra (le numéro XI) offerts par le journal parisien Le Temps via une souscription lancée le 27 septembre, à la demande des lecteurs du quotidien.

 

Carte postale Dirigeable Henri Vincenot (coll. privée)

Suite à cette pénible tragédie, il fut décidé d'effectuer de nouvelles études pour sécuriser l'utilisation des dirigeables en renforçant leurs organes.

Un nouvel incident vint contrarier la sortie du dirigeable; le 19 décembre 1912 se déclara un incendie dans un des hangars de la Société Astra vers 10h30. Suite à l'intervention assez rapide des pompiers, le feu fut circoncis dans un périmètre réduit mais n'évitant pas la destruction de son enveloppe partiellement gonflée. Elle avait été offerte par le journal Le Temps.

L'enveloppe pliée du "Torrès" fut elle aussi détruite, le feu ayant pris en son sein, suite à une compression des gaz restants. La nacelle, pas utilisée depuis deux ans, fut aussi atteinte mais sans trop de dommage.

Carte postale Issy-les-Moulineaux, Hangar  (coll. privée)

Si d'autres éléments présents furent léchés par les flammes, heureusement, le dirigeable "Conté" aussi présent dans ce hangar n'eut aucun dommage.

Cette destruction fit que le montage du dirigeable fut transféré au Centre d'aviation d'Épinal, plus précisément au parc de Louvroie, implanté sur la commune de Golbey. Il était devenu un site de fabrication de ce type d'aérostat. Les pièces livrées fin mai 1913 permirent le début de l'assemblage du "Lieutenant Chauré".

Carte postale Épinal, les hangars de Louvroie (coll. privée)

Il fut terminé le 10 août prêt ou presque pour rejoindre son port d'attache affecté, celui de Belfort. Il fallait effectuer quelques essais pour valider le bon fonctionnement de l'aérostat.

Les caractéristiques du "Lieutenant Chauré" étaient :

 - Longueur : 85 mètres
 - Diamètre : 19 mètres environ
 - Hauteur avec la nacelle : 28 mètres
 - Enveloppe : 10000 mètres cubes (toile Hutchinson)
 - Moteur : 2 de 120 HP (chevaux), marque Panhard
 - Capacité : 20 personnes

Il effectua ses essais sous la responsabilité du capitaine Pierre de Chabot, nommé le 9 juin commandant du port d'attache de Belfort pour le 3^e Groupe de l'aéronautique.

Extrait carte postale Le capitaine Pierre de Chabot (coll. JM)

Il était accompagné par les lieutenants Edouard Surcouf, Georges de Vigouroux d'Arvieu, Raymond Bollack et Luchon. Lors de son premier vol au-dessus de la ville d'Épinal, le dirigeable fut très applaudi en hommage aux 4 militaires morts le 25 septembre 1909, dont le lieutenant Chauré.

Le 21 août, il quitta Épinal à 16 heures pour rejoindre son nouveau port d'attache, Belfort.

Le "Lieutenant Chauré" à Belfort

Dès le 9 juin 1913, Belfort attendait, avec impatience, l'arrivée de son dirigeable ! La place aurait dû avoir plus tôt un dirigeable, mais le "République" prévu fut victime de ce drame à Trévol, le 25 septembre 1909 !

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré au dirigeable "Conté".

La ville espérait qu'il puisse participer à la Revue du 14 juillet 1909… mais apparemment, il n'était pas dans les projets de l'Armée, une telle animation !

Carte postale Dirigeable "Lieutenant Chauré" (coll. AL)

Dans l'édition du 16 juillet du journal, L'Auto, le journaliste insinuait que ses œuvres vives* n'étaient pas celles d'origine car prélevées pour un autre dirigeable et remplacées par d'autres qui ne correspondent pas aux plans de construction !

*Œuvres vives : Dénomination des éléments de la partie supérieure d'un ballon, l'enveloppe avec ses adjonctions (exemple : ailerons…) et le gaz. La partie inférieure s'appelant "œuvres mortes" dont la nacelle.

Donc le journaliste parlait de l'enveloppe. L'information fut reprise dans le journal belfortain La Frontière, le 27 juillet.

On sait que le 19 décembre 1912, l'enveloppe du dirigeable fut détruite lors de l'incendie dans le hangar d'Issy-les-Moulineaux, donc imposant de fait son remplacement ! Où est-ce l'équipement avec une troisième que le journaliste rapporte ?

Arrivée du "Lieutenant Chauré"

Le dirigeable "Lieutenant Chauré", partit de Louvroie (Épinal) arriva sur Belfort le 21 août 1913 vers 17h30 via Le Mont, survola la Cité du Lion, certainement pour repérer son nouvel environnement, et atterrit sur le Champ de Mars à 18 heures.

Carte postale Dirigeable "Lieutenant Chauré" (coll. JM)

Il fut donc finalement le premier dirigeable affecté à la place de Belfort, un second croiseur vint le rejoindre, le "Conté", qui arriva le 31 octobre 1913.

Carte postale Dirigeable "Conté" (coll. JM)

Par contre, il ne fut pas le premier dirigeable à venir à Belfort, car le 10 septembre 1911, la Cité du Lion eut l'occasion d'accueillir l'aérostat "Astra-Torrès" qui vint dans le cadre des Grandes manœuvres du Nord du 5 au 15 septembre 1911.

NA : Un lien en fin de texte, permet d'accéder à l'article consacré au dirigeable "Torrès".

Il effectua son vol avec une vitesse proche des 80 kilomètres/heure.

Au sol, avaient été étendues de grandes toiles blanches pour indiquer au pilote où il devait venir déposer le dirigeable. À l'approche du sol, un filin fut lancé que les aérostiers et les fantassins du camp attrapèrent pour sécuriser l'atterrissage. La manœuvre se déroula avec précision malgré la volumétrie de l'aérostat qui se posa doucement sans l'aide des militaires au sol.

Carte postale Dirigeable "Lieutenant Chauré" (coll. BF)

Le dirigeable qui n'était pas passé inaperçu dans le ciel belfortain, fit accourir une foule nombreuse sur le Champ de Mars. Elle fut canalisée par les militaires, infanterie et dragons du 11^e régiment, par moment débordés tant le public voulait sinon toucher l'aérostat, tout au moins s'en approcher le plus possible…

Dans la nacelle du "Lieutenant-Chauré" avaient pris place, 10 militaires sous le commandement du 3^e groupe de l'aéronautique, le capitaine Pierre de Chabot, avec le chef de bord, le capitaine Autier appartenant au 159^e Régiment d'infanterie, les lieutenants Georges de Vigouroux d'Arcieu et Fernand Pichon, le sous-lieutenant Raymond Bollack, le lieutenant aviateur Jean Personne, chef du centre d'aviation d'Epinal-Dogneville, l'adjudant Legros, le maréchal des logis Heim, le sergent Bayeul et le caporal Guillerot.

 

Carte postale Dirigeable "Lieutenant Chauré" (coll. JM)

Très rapidement, il rejoignit son hangar grâce aux bras vigoureux, à défaut d'être gonflés, des militaires.

Précédemment, le constat fut que le hangar n'était pas suffisamment grand, pour recevoir le dirigeable, il avait fallu l'agrandir. Les travaux entrepris n'étaient pas totalement terminés à son arrivée.

Carte postale Les hangars à dirigeables (coll. JM)

Sa première sortie se déroula le 27 août, elle fut suivie de plusieurs autres destinées à effectuer des manœuvres dont certaines avec l'aviation du secteur comme le 13 septembre où il jouait tantôt le rôle de chassé et tantôt le chasseur.

Il partit le 24 septembre vers l'ouest puis obliqua vers le sud-ouest pour participer aux Grandes manœuvres du Sud-ouest où était incluse l'escadrille belfortaine.

Carte postale Grandes manœuvres 1913 (coll. privée)

Les vols se succédèrent, la cadence était de deux vols au minimum par semaine.

Le "Lieutenant Chauré" dans le ciel belfortain !

Il existe une carte postale du quai Vauban à Belfort où l'éditeur CLB signale la présence du "Lieutenant Chauré" dans le ciel !

Carte postale Belfort Quai Vauban (coll. JM)

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à cette carte postale insolite.

Le "Lieutenant Chauré" sorti des effectifs !

En début de l'année 1914, le dirigeable "Lieutenant Chauré" ne reprit point ses sorties, il avait été rayé du service actif de l'aéronautique militaire.

État des lieux en juillet 1914 des dirigeables en France

Quand la Première Guerre Mondiale éclata le 3 août 1914, la France possédait 11 dirigeables opérationnels dont le "Conté"; les dix autres étaient :

  "Le Temps" : Type Zodiac 1911, 2500 mètres cubes, Saint-Cyr

  "Fleurus" : Clément Bayard 1912, 6500 mètres cubes, Verdun

  "Capitaine Marchal" : Lebaudy 1911, 7500 mètres cubes, Châlons

  "Selle de Beauchamp" : Lebaudy 1911, 8000 mètres cubes, Châlons

  "Adjudant Vincenot" : Clément Bayard 1911, 9000 mètres cubes, Toul

  "Adjudant Réau" : Astra 1911, 9000 mètres cubes, Verdun

  "Capitaine Ferber" : Zodiac 1911, 9000 mètres cubes, Châlons

  "Commandant Courtelle" : Zodiac 1911, 9000 mètres cubes, Épinal

  "Dupuy de Lôme" : Clément Bayard 1912, 9000 m3, Maubeuge

  "Eugène Montgolfier" : Clément Bayard 1913, 6200 m3, Maubeuge

En perspective, il y avait aussi un nouveau type de dirigeable, le premier rigide français, le "Zodiac 12" baptisé le "Spiess", nom du donateur, l'ingénieur Joseph Spiess, en cours de reconfiguration.

Carte postale Dirigeable "Spiess" (coll. privée)

Avec une envergure de 113 mètres, 13,5 mètres de diamètre, un moteur Chenu de 200 chevaux, 2 hélices, 16000 mètres cubes, il pouvait atteindre 65 kilomètres/heure. Il effectua son premier vol le 13 avril 1913. Par contre, sa puissance fut jugée insuffisante.

Mais seuls les dirigeables "Adjudant Vincenot", "Conté", "Dupuy de Lôme", "Fleurus" et "Montgolfier" furent utilisés en 1914.

Carte postale Dirigeable "Montgolfier" (coll. privée)

Huit dirigeables de 23000 mètres cubes étaient en commande , aux sociétés Astra-Torrès, Clément-Bayard, Lebaudy et Zodiac, deux à chacune.

Épilogue

Initialement, la Place de Belfort devait recevoir le dirigeable "République" mais son accident du 25 septembre 1909, fit que l'attribution fut reportée. La Cité du Lion reçut en lieu et place, le "Lieutenant Chauré" mais que le 21 août 1913.

Il ne prit pas part au conflit de la Première Guerre Mondiale, il fut sorti des actifs au tout début 1914 (ou fin 1913).

JM

Lien pour accéder aux articles cités

Les premiers dirigeables & le Parc à dirigeables de Belfort : Cliquer ici

Le dirigeable "Conté" affecté à Belfort : Cliquer ici

Le dirigeable "République" : Cliquer ici

Visite du dirigeable "Torrès" à Belfort : Cliquer ici

Le "Lieutenant Chauré" dans le ciel belfortain : Cliquer ici

Références textes : Les journaux L’Alsace et la Frontière (coll. Archives Départementales du 90 ‘’AD90’’), Le Petit Parisien, L'Auto et autres journaux (Coll. Gallica), Livre L'aéronautique militaire Champ de Mars Belfort 1914-1918, La Vôge,

Références Internet : Wikipédia, Divers autres Sites…

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Comments

[klefdut]

Info d'un copain

Merci pour cette petite histoire des pionniers du dirigeable, intéressante et vraisemblablement assez méconnue

Ici il y a la base (qui est devenue un AIA) de Cuers-Pierrefeu qui a été dans le passé un centre de dirigeables. Les dirigeables étaient , il me semble, allemands au titre des compensations des dommages de la guerre 14-18.

Il y a un monument à Pierrefeu en mémoire au dernier dirigeable, le Dixmude, victime d’un orage en mer en 1923.

Je suis venu vers 1969 à la base de Cuers (c’était alors un atelier 3ème échelon de l’Aéronavale) pour l’Atar 8 et je me souviens avoir vu le monumental hangar, aujourd’hui disparu, pour dirigeables.