Tour de France 1930, Belfort & Ballon d'Alsace

MAJ le 9 septembre 2020

En cette année 2020, poursuivant le passage en revue des Tours de France aux millésimes finissant en "0", après 1910 et 1920, Belfort était à nouveau sur les routes de l'édition 1930.

La Cité du Lion était à nouveau ville étape pour la 4^e année consécutive.

 Illustration Tour de France 1930 Journal L'Auto (coll. Gallica, BNF)

Belfort était l'arrivée de la 17^e étape, les coureurs venant d'Évian.

Pour l'étape du lendemain, à destination de Metz, les coureurs devaient franchir le Ballon d'Alsace, une première dans ce sens !

Le Territoire de Belfort, offrent ses routes au Tour de France

Avec cette 24e édition, le Tour de France venait pour la 22e fois sur les routes du Territoire de Belfort avec Belfort comme ville de passage (10 fois) ou mieux ville étape (12 fois), et le Ballon d'Alsace (11 fois). 

Carte postale Souvenir de Belfort (coll. BF)

  - Belfort, ville de passage : 1905, 1906, 1919 à 1926
  - Belfort, ville étape : 1907 à 1914, 1927 à 1930
  - Ballon d'Alsace, sommet au programme : 1905 à 1914, 1930.

Tour de France, le parcours 1930

Pour cette 24^e édition, le Tour de France se déroula du 2 au 27 juillet 1930 sur un parcours de 4818 kilomètres en 21 étapes dans le sens antihoraire.

Tracé du Tour de France 1930 (création BF)

Comme pour les années précédentes, le Tour suit le contour du pays. Deux nouvelles villes furent pour la première fois, villes étapes avec Montpellier et Pau.

Le regroupement pour le départ s'effectua devant le siège de l'organisateur, le journal L'Auto, rue du Faubourg Montmartre.

Carte postale Paris Journal L'Auto (coll. privée)

Le peloton rejoignit le Vésinet pour le départ officiel. L'arrivée s'effectua au Parc des Princes comme traditionnellement.

Tour de France 1930, les nouveautés

Dès septembre 1929, Henri Desgranges décida pour casser la mainmise des équipes de marques sur l'épreuve, de modifier à nouveau le règlement. Car l'interdiction de l'entre aide était régulièrement bafouée !

Extrait livre Henri Desgranges L'homme qui créa le Tour

Lors du Tour 1929, la très riche formation française Alcyon avait fait gagner le belge Maurice De Waele qui fut poussé dans les cols… Face à ce verrouillage par les marques, il imposa que le Tour 1930 soit couru sous la forme d'équipes nationales. Il s'adjugea un droit de regard, voire plus, en pouvant refuser la participation d'un coureur !

L'organisateur, le journal L'Auto fournit même les vélos aux coureurs, de couleur jaune sans marque.

Les coureurs

Cinq équipes nationales participèrent : l'Allemagne (maillot jaune, ceinture noire et rouge), la Belgique (maillot noir, ceinture jaune et rouge),  l'Espagne (maillot rouge, ceinture jaune), la France (maillot bleu, ceinture blanche et rouge) et l'Italie (maillot vert, ceinture blanche et rouge), avec 8 coureurs chacune. L'organisation prenait en charge les frais de logement, de nourriture, de massage et ils étaient payés.

L'Équipe de France au départ (de gauche à droite) :
Pierre Magne, Joseph Mauclair, Antonin Magne, Jules Merviel, Charles Pélissier, Victor Fontan et André Leducq

 (Livre Tour de France Histoires extraordinaires des géants de la route, coll. BMB)

Les As étaient complétés d'une soixantaine de coureurs indépendants, des traditionnels "Touristes-routiers". Par contre eux, courraient à leur frais…

Parmi ceux-ci, certains étaient regroupés dans une des 9 équipes régionales : Alsace-Lorraine, Champagne, Côte d'Azur, Ile-de-France, Midi, Nord, Normandie, Provence et Sud-Est; formées de 3 à 5 coureurs.

Pour éviter le trop grand nombre d'abandons, 40 places furent réservées aux coureurs des années précédentes et 20 places aux coureurs ayant obtenu de bons résultats au cours de la saison.

Une idée subjacente était aussi de favoriser une victoire française du Tour; la dernière victoire tricolore remontait à 1923, avec Henri Pélissier. 

Afin de couvrir les frais dûs à la prise en charge des équipes nationales, il fallut trouver des nouvelles recettes; une redevance fut demandée aux villes étapes qui bénéficiaient de la publicité générant de l'activité hotellière et de restauration.

Mais cette recette n'était pas suffisante, une autre piste fut l'avènement de la caravane publicitaire qui va solutionner l'équation comptable !

La caravane publicitaire

En 1929, la société Menier (chocolat) fut autorisée à suivre les coureurs, mais derrière avec un décalage d'une heure, avec un véhicule publicitaire pour distribuer des échantillons et des objets publicitaires. Elle fut complétée de deux autres véhicules, le Lion Noir (cirage) et Bayard (réveil).

Pub Chocolat Menier (L'Auto, coll. Gallica, BNF)

L'année suivante, le directeur de la publicité chez Menier, Paul Thévenin, proposa à Henri Desgranges de faire passer les véhicules publicitaires avant les coureurs en payant une redevance de 5000 francs, la caravane publicitaire était née !

Elle fut composée de plusieurs véhicules, aux trois premières de l'année précédente s'ajouta les sociétés Graf (gruyère), Standard (café), Bel (fromage, Vache qui rit), Deft (biscotte), Noveltx (montres) et Esders (costumes).

Pub La vache qui rit (L'Auto, coll. Gallica, BNF)

Il fut créé un prix de la montagne subventionné aussi par les chocolats Menier, de 5000 francs, distribué au fur à mesure des sommets.

Concours de pronostics

Le journal L'Auto n'ayant pas proposé un concours de pronostics, ce qu'il avait fait certaines années, le relais fut pris par la société Graf, fabriquant de la crème de Gruyère*.

                                          

Carte postale Tour 1930 Concours Graf, illustration Joé Bridge (coll. privée)

La société créée en 1917, par une famille d'origine suisse-allemande, les frères Graf, s'installa à Dole (Jura), rue du Château d'eau. En 1919, un des frères, Gottfried, poursuivit l'activité et la développa.

*Crème de Gruyère : Elle fut inventée en Suisse par le docteur Gerber.

Maillot jaune des Touristes-routiers

Si le leader du Tour de France portait le maillot jaune, le leader des Touristes-routiers avait lui son maillot jaune… avec une bande noire verticale.

Les primes de L'Auto

 - Classement de l'étape pour les As : 1000, 80, 600, 400, 250, 200, 150 et 100 francs.
 - Classement de l'étape pour les Touristes-routiers : 250, 200, 150, 100, 100, 75 et 75 francs.
 - Classement général à l'étape pour les As : 1000 francs.
 - Classement général à l'étape pour les Touristes-routiers : 500 francs.
 - Classement général final pour les As : 12000, 6000, 5000, 4000, 3000, 2000, 1000, 1000, 1000 et 500 francs.
 - Prix de L'Auto au vainqueur : 25000 francs

Billet de 100 francs Merson 1921 (coll. privée)

De nombreux autres prix étaient offert par des sociétés présentes sur le Tour ainsi que des prix offerts dans les villes étapes par des municipalités, des commerçants, particuliers....

À noter, que du côté des coureurs de l'Équipe de France, ils avaient décidé de se partager les gains.

Belfort 1930, ville étape d’arrivée

Pour la 4^e année consécutive, Belfort recevait les coureurs du Tour de France, le mercredi 23 juillet. Comme en 1929, ils venaient de la ville d'eau, Évian, un présage ?

Un Comité d'organisation fut mis en place sous la direction de Charles Chaussin, le correspondant du journal L'Auto, assisté de membresde l'antenne locale de l'UVF (Union Vélocipédique de France) dont son vice-consul Jules Littot, le chef délégué sportif  XXX Dauer, le trésorier XXX Servin, le secrétaire XXX Baumeister… ainsi que les sociétés cyclistes prêtant leurs concours, Belfort Cycle, Le Vélo Club Valdoyen, L'Amicale Cycliste de Danjoutin, le Vélo Club de Grandvillars, le Vélo Club de Bavilliers…

Charles Chaussin avait confié l'organisation de l'arrivée de cette 17^e étape, à l'UVF.

Arrivée sur le stade du Champ de Mars

L'arrivée était prévue sur le stade du Champ de Mars* qui pour l'occasion reçut un lifting, pour accueillir les Géants de la route ! La piste fut cylindrée et les virages relevés par les municipaux grâce aux matériaux fournis par les Ponts et Chaussées sous l'action de M. XXX Carez. La tribune fut remise à neuf.

*Stade du Champ de Mars : Il fut construit en 1920 par les militaires et utilisé pour la 1^ère fois pour les Fêtes du 2 au 4 juillet 1920, qui furent le théâtre de la 1^er Concours Fédéral & International de gymnastique et de tir.

Vue aérienne Belfort Le stade du Champ de Mars (Réal. BF)

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à ces Fêtes.

Un poste haut-parleur fourni par la maison Braun, fut installé par MM Duvernoy et Knittel, il permettra au commentateur de donner tous les détails concernant les animations et l'arrivée des coureurs du Tour. La Poste fut aussi présente avec un poste téléphonique.

Venant de Danjoutin, par le faubourg de Montbéliard, pont Carnot, quai Vauban, route des forges et rue de l'Est, les coureurs étaient attendus vers 16h35 sur le stade pour effectuer deux tours de piste.

Itinéraire utilisé par les coureurs à Belfort (réal. BF)

Trois buvettes y furent installées et gérées par le personnel de la Brasserie Wagner sous les ordres de Joseph Grevillet, permettant de rafraichir les gosiers du public, avec leur fameuse bière.

Sous-bock Brasserie Wagner (coll. privée)

Un programme fut édité détaillant les coureurs engagés, les étapes… inclus un bulletin pour le concours de pronostics doté de 1000 francs. On y trouvait une préface consacrée à Henri Desgranges, le créateur du Tour.

Accès au stade

Afin de faciliter l'accueil du public au stade et éviter de longues queues pour acheter les tickets d'entrée, le Comité d'organisation décida de les mettre en prévente chez Charles Chaussin au 24 faubourg des Vosges, Jules Littot au 21 avenue Wilson, et à la permanence de l'UVF, Brasserie Servin, 41 quai Vauban.

Les tarifs étant :

  - Tribune : 8 francs
  - Pesage : 6 francs
  - Pourtour : 4 francs
  - Militaires et enfants : 2 francs

Des cartes de différentes couleurs ou des brassards donnaient accès aux officiels, aux organisateurs, aux journalistes, aux contrôleurs…

Courses au stade

Pour faire patienter les spectateurs attendus dont les alsaciens privés du passage du Tour, étaient prévues deux épreuves, une course internationale de vitesse (séries, demi-finales et finale) et une individuelle de 50 kilomètres. La réunion débutera à 14h30, avec plusieurs prix pour les meilleurs.

Sevrés depuis la fermeture de leur vélodrome* en 1928, les belfortains retrouvaient l'occasion de voir de belles compétitions courues sur piste.

*Vélodrome : Depuis 1924, Belfort possédait un vélodrome implanté au nord de la ville. Il fut inauguré les 20 & 21 avril 1924.

Vue aérienne de l’implantation du vélodrome entre 1924 et 1928

NA : Dans l’article consacré au Tour 1927, j’ai développé un peu son histoire. Un lien en fin de texte, permet d’y accéder.

La police municipale sous les ordres de M. Naudin assurera la sécurité en ville et le capitaine Mantion avec un peloton de gendarme à pied et cheval, celle du stade.

De nombreux coureurs locaux étaient attendus mais aussi des régionaux, dont ceux de Besançon avec leur crack Joseph Vuillemin.

Logement

Concernant le logement de l'ensemble de la caravane forte d'environ 130 personnes, les hôtels de la place avaient été réquisitionnés pour loger la caravane du tour. Les coureurs à l'Hôtel Américain et à l'Hôtel de Paris pour les As, le Modern Hôtel, l'Hôtel du Chalet, le Novel Hôtel et l'Hôtel Henri pour les Touristes-routiers, les officiels étant au Grand Hôtel du Tonneau d'Or et à l'Hôtel Américain.

Carte postale Belfort L'Hôtel Américain (coll. JM)

Quant aux mécaniciens, soigneurs et masseurs, ils étaient dispersés dans les autres hôtels.

Le garage Fierobe et Mettey fut mis à disposition pour les vélos des As.

Le Grand Garage Citroën fut réservé pour accueillir les véhicules de l'organisation (4 voitures, 4 camions et 2 camionnettes). Deux garages sur le Champ de Mars furent destinés aux vélos des Touristes-routiers et autres autos, grâce au concours du garage Schmitt Frères de l'avenue Wilson.

Carte postale Belfort Faubourg de France, garage Citroën à gauche (coll. JM)

Jean Goulème

Dans le Tour, Belfort était un peu représenté… par le coureur Jean Goulème, natif d'Ydes (Cantal) car il fut militaire au sein du 188^e RAL (Régiment d'Artillerie Lourde) en 1928-1929, à la caserne Béchaud.

Carte postale Belfort Bonjour du 188^e RAL (coll. privée)

En 1928, il fut le vainqueur de la course Belfort-Ballon d'Alsace. Dans le groupe des Touristes-routiers, il était en tête au classement général lors de la 11^e étape.

Le Comité d'organisation avait lancé une collecte à son attention que les belfortains pouvaient abonder en attendant sa venue, pour le féliciter. Les dons étaient récoltés à la Brasserie Servin, quai Vauban et au Café de l'Esplanade chez Thomann, 2 rue de Brasse.

La municipalité avait versé 300 francs à répartir entre le 1^er des As et le 1^er Touriste-routier.

23 juillet 1930, départ d'Évian

À Évian, les coureurs avaient bénéficié d'une journée de repos le 22 juillet, après l'étape Grenoble-Évian.

Carte postale Évian Le casino (coll. privée)

Au départ de la ville d'eau, André Leduc portait le maillot jaune, qui était en réalité argent, devançant au classement général :

  2. Learco Guerra (I) à 16mn 13s
  3. Antonin Magne à 18mn 3s
  4. Jef Demuysère (B) à 18mn 53s
  5. Marcel Bidot à 38mn 37s
  6. Benoit-Faure à 41mn 50s (1^er Touriste-routier)

Le leader du général avait dû batailler fort lors de l'étape Grenoble-Évian pour conserver son maillot acquis à Luchon, dès la 9^e étape, épaulé par ses coéquipiers.

Si le contrôle de signature s'effectua sur le quai de Blonay devant le Casino, le départ lui fut donné à 7 heures aux 63 coureurs restants, 28 As et 35 Touristes-routiers, pour accomplir cette 17^e étape, longue de 282 kilomètres. Le temps gris annonçait une journée pluvieuse…

Les autres contrôles étaient installés à Genève, Gex, Morez, Pontarlier avec le poste de ravitaillement, et Montbéliard.

Le parcours de la 17^e étape (L'Excelsior, Rétronews)

Après avoir traversé Genève (42^e km), 21 coureurs se présentèrent au pied de la difficulté de journée avec le col de la Faucille (71^e km, 1322 m), présent depuis 1926 au programme du Tour de France. Au milieu de la montée, ils n'étaient plus que quatorze où parmi les lâchés, le quatrième du général, le belge Jef Demuysère souffrant d'un poignet foulé !

Carte postale Jef Demuysère (coll. privée)

Ce groupe était formé de Antonin Magne, Marcel Mazeyrat, Learco Guerra (I), Louis Delannoy (B), Vicente Trueba (E), Oskar Thierbarch (D), Francesco Cepeda (E), Adolph Schön (D), Benoît Faure, Charles Pélissier, André Leduc, Frans Bonduel (B), Pierre Magne et Louis Péglion.

Mais dans la seconde partie de l'ascension, il va perdre des unités et voir aborder au sommet, détachés, Vicente Trueba, dit "La puce", devant Learco Guerra et Charles Pélissier. Ce dernier va dompter les velléités de l'espagnol. Leur avance était réduite sur les poursuivants qui franchirent le col avec un retard compris entre 15 secondes et une minute. Dans la descente, ils vont former un groupe de 10 coureurs, à la poursuite des trois échappées.

Mais Charles Pélissier va lâché ses deux adversaires dans la descente rejoint Morez (97^e km) avec 45 secondes devant 4 coureurs dont les allemands Adolph Schön,  Oskar Thierbach (D), 1mn 15s devant André Leducq et Pierre Magne…

Carte postale Morez (coll. privée)

Le déroulement de la course voit se former un groupe poursuivant les deux allemands, car Charles Pélissier a crevé. Ils vont être rejoints avant d'arriver à Saint-Hippolyte (231^e km). Il était formé des allemands Adolph Schön et Oskar Thierbach, des belges Frans Bonduel et Louis Delannoy, de l'espagnol Vicente Trueba, de l'italien Learco Guerra, et des français Benoît Faure, André Leducq, Pierre Magne, Jules Merviel, Louis Péglion, et Charles Pélissier.

La pluie qui fit son apparition déversa des trombes d'eau sur les coureurs et refroidit leurs intentions de se faire la belle. Tel Louis Péglion qui va être tétanisé, laissant partir les autres…

23 juillet 1930, arrivée à Belfort

Faisant bloc, hormis Louis Delannoy (B) qui a crevé, ils passèrent groupés Montbéliard (262^e km) et entrèrent dans le Territoire de Belfort par Châtenois-les-Forges pour foncer s'abriter à Belfort !

Toujours sous des trombes d'eau, les coureurs vont entrer sur le stade du Champ de Mars, archicomble malgré le temps exécrable; le plus fort fut le belge Frans Bonduel qui roula… le plus vite sur la piste et remporta le sprint devant trois français, Charles Pélissier, André Leducq et Antonin Magne, l'italien Learco Guerra la 5^e place.

Apparemment, il profita d'un flou sur le nombre de tours à effectuer sur la piste !

Frans Bonduel (photo Wikipédia)

Les coureurs furent très applaudis lors de leurs deux tours de pistes. À l'applaudimètre, André Leducq et Charles Pélissier avaient les faveurs des spectateurs. Le maillot jaune effectua un tour de piste supplémentaire et sans son imperméable !

Carte postale André Leducq (coll. privée)

Par contre, la piste glissante va être fatale au marseillais Louis Péglion qui va chuter lourdement et se relever avec une importante blessure à la tête. "Qu'est-ce que j'ai fait à la Bonne Mère", a-t-il dû se dire !

Contrôle de signature

Après l'arrivée et les tours d'honneurs, les coureurs devaient se rendre à la Grande Taverne, chez le "Chinois", faubourg de France, pour les opérations du contrôle de signature.

Carte postale Belfort La Grande Taverne (coll. JM)

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article sur la Grande Taverne.

Un itinéraire était balisé pour y accéder : Pont et rue de l'Est, avenue Jean Jaurès, faubourg des Ancêtres, place Corbis et faubourg de France.

La foule s'était agglutinée dans le secteur pour voir les Géants de la route; mais les reconnaître n'étaient pas évident vu les manteaux de boue portés par les coureurs... contre leur gré !

Les classements

Les 282 kilomètres de l'étape n'eurent peu d'impact sur le classement général des 10 premiers, seule l'inversion des positions des coureurs aux 5^e et 6^e places ! Le Touriste-routier Benoît Faure, 6^e de l'étape, entrait dans le Top 5 en lieu et place de Marcel Bidot.

Carte postale Benoît Faure (coll. privée)

Bien entendu André Leducq conservait sa tunique, rincée, mais bien présente à quatre étapes de la fin du Tour ! 

Image Panini André Leducq (coll. privée)

Au classement général international (ou par pays), la France dominait la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Elle avait près de 4 heures d'avance (3h 46mn).

Concernant les équipes régionales, le podium était tenu par le Sud-Est, suivi de la Champagne et du Midi. L'Alsace-Lorraine fermait la marche, leurs coureurs avaient-ils pris leurs vélos ? Ils avaient plus de 32 heures de retard !

Les belfortains d'adoption pour un temps…

Comme prévu, Jean Goulème eut un accueil triomphal des militaires du 188^e RAL et fut récompensé de 200 francs. Il termina à la 28e place de l'étape et se classait à la 26^e place du général.

Un autre coureur était passé apparemment aussi par Belfort en tant que militaire au 28e RAL, il s'agit de Charles Pélissier, dit "Charlot" ! Il reçut un Lion de la part des sous-officiers de ce régiment.

NA : Mes recherches n'ont pas abouti sur la période où il serait venu ! Il a effectué son service militaire, certainement entre 1923 et 1924, une grande partie au camp d'Avold puis à l'École militaire à Paris.

Les routes de l'étape

Les coureurs pour cette étape furent confrontés à des routes en très mauvaises état et extrêmement boueuses dans le Jura et le Haut-Doubs. Vu les critiques, Henri Desgranges a décidé de modifier le parcours pour l'édition future. Après Morez, les coureurs prendront la direction de Champagnole, Pontarlier, Besançon en direction de Belfort.

Résultats des pré courses 

Comme prévu, le programme concocté par le Comité d'organisation se déroula… sous une pluie tenace

  Course de vitesse

    1^ère Demi-finale : Alphonse Karm bat Détrie
    2^e Demi-finale : Stuber bat Mistreia
    Finale : Alphonse Karm du Vélo Club Valdoyen vainqueur

  Individuelle (14 concurrents)

    Finale : 1er Alphonse Karm, 2^e Émile Yelmini (militaire), 3^e Essner, 4^e Joseph Vuillemin

Alphonse Karm reçut les deux bouquets destinés aux vainqueurs et de nombreux prix récompensèrent les coureurs; prix offerts par les organisateurs, les commerçants et le public.

Lors de ces épreuves, la pluie et la piste ont transformés les coureurs en silhouette de boue !

24 juillet 1930, 18e étape Belfort-Metz (223 km)

Si pendant les années 1907 à 1910, une étape menait les coureurs de Metz à Belfort avec le franchissement du Ballon d'Alsace, en 1930 une nouveauté fut au programme de la 24^e édition du Tour; le départ s'effectua de Belfort en direction de Metz.

Le parcours de la 18^e étape (L'Excelsior, Rétronews)

Le jeudi 24 juillet, lors de 18^e étape, les coureurs avaient à escalader la face sud du Ballon d'Alsace (1256 m), donc une première !

D'après les spécialistes, la montée par ce versant est plus raide avec des rampes de 6 à 12 % !

Carte postale Le Ballon d'Alsace (coll. privée)

Les entités impliquées pour l'organisation mise en place pour l'arrivée de la veille, furent à nouveau sur le pont pour orchestrer le départ dans de bonnes conditions. A nouveau, la foule était au rendez-vous pour voir les Géants de la route quitter la Cité du Lion.

Le contrôle des signatures s'effectua à la permanence de l'UVF située à la Brasserie Vauban, au 41 du quai Vauban (aujourd'hui, le magasin Le grenier vert Biocoop au 3 de l'avenue Foch), à deux roues du pont...

Carte photo Brasserie Vauban (collection privée)

Seuls 61 coureurs se présentèrent au contrôle suite à l'abandon de Rudolf Wolke de l'équipe allemande et du français Fernand Fayolle (Touriste-routier). Par contre, Louis Péglion, malgré sa chute lors de l'arrivée, était présent au départ.

Il fut donné à 9 heures, peu après le pont Carnot pour effectuer 223 kilomètres pour rejoindre la ville messine vers 16 heures, via Saint-Maurice, Remiremont, Épinal, Nancy et Pont-à-Mousson.

Carte postale Belfort Pont Carnot (coll. JM)

L'itinéraire pour rejoindre le Ballon d'Alsace emprunta le quai Vauban, les Forges, la route de l'Arsot, Valdoie, Chaux, Giromagny, Lepuix pour arriver au pont de la Savoureuse, le début des 13 kilomètres de la montée du Ballon d'Alsace; mais les premières pentes débutèrent dès la côte de Valdoie !

L'Équipe de France au départ de Belfort Journal L'Auto (coll. Gallica, BNF)

Par un temps gris mais pluivieux, les coureurs effectuèrent les premiers kilomètres groupés, à une vitesse modérée, 20 kilomètres heure, voulant se réserver pour la montée; le pont de la Savoureuse fut atteint à 9h50. Les français dont André Leducq, menant le peloton, accélèrent le rythme mais sans chercher la rupture. Les lacets avalés, le sommet dans le brouillard fut atteint à 10h30 par un groupe d'une quarantaine d'unités emmené par Antonin Magne.

Carte postale Antonin Magne (coll. privée)

René Pottier, du moins sa stèle élevée en 1907, dut être surpris de voir les coureurs passer dans ce sens et surtout aussi groupés !

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article sur le premier coureur ayant franchi le sommet en 1905.

 Carte postale Ballon d'Alsace Stèle Pottier (coll. privée)

Le Ballon d'Alsace n'avait pas eu le résultat escompté par les organisateurs !

Les coureurs s'élancèrent dans la descente à destination de Saint-Maurice noyée dans le brouillard. Il était écrit que les coureurs ne voulaient pas lancer d'hostilités en cette journée… A Remiremont (67e km), ils étaient encore une quarantaine ainsi qu'à Épinal (95e km) après 4 heures de course. Le passage à Nancy (167e km) noir de monde, le dernier datant de 1914, fut avec le même peloton légèrement amaigri.

Après une étape des plus monotones, un peloton de 31 unités entra dans Metz où la victoire de l'étape se fit au sprint; Charles Pélissier fut le meilleur, devant André Leducq et Learco Guerra (I).

Carte poste Charles Pélissier (coll. privée)

Le vainqueur inscrivait son nom pour la 5^e fois sur les tablettes de ce Tour. Il avait remporté la 1^ère étape à Caen (avec le Maillot jaune), la 3^e à Brest, la 10^e à Perpignan et la 11^e à Montpelier. Il avait déjà gagné une étape en 1929, la 16^e.

Charles, le benjamin, honorait la famille Pélissier de la plus belle des manières car l'ainé, Henri avait collectionné les étapes, 1913 (3^e), 1914 (10e, 12e et 15^e, 2^e au général), 1919 (2^e), 1920 (3^e et 4^e), 1923 (3^e, 10^e et 11^e) avec le Maillot jaune (de la 11^e à la 15^e étape).

Dans la famille, il y avait aussi le cadet Francis qui s'illustra sur le Tour en 1919 (3^e étape) et 1927 (1^ère) avec le Maillot jaune (de la 1ère à la 5^e étape).

 

Carte poste Henri & Francis Pélissier (coll. privée)

Un changement dans le classement général, l'allemand Adolph Schön prit la 10^e place à Louis Péglion qui avait souffert dans cette étape, conséquence de sa chute violente sur la piste du stade à Belfort; il reculait d'une place.

Classement général final à Paris

André Leducq, bien épaulé par ses coéquipiers de L'équipe de France, qui avait ravi à l'italien Learco Guerra, le maillot jaune à Luchon lors de la 10^e étape, entra à Paris avec la tunique tant convoitée.

Carte postale André Leducq (coll. Privée)

Il entra dans Paris sous les acclamations du public qui lui firent une haie d'honneur sur des kilomètres… un triomphe ! Il faut dire que le dernier sacre d'un français remontait à 1923, avec Henri Pélissier, frère ainé de Charles Pélissier.

La victoire sur la piste du vélodrome du Parc des Princes revint à Charles Pélissier dit "Charlot" qui engrangeait sa 8^e victoire ! Un record. Il devançait l'italien Learco Guerra et André Leducq.

Le classement général

  1. André Leducq 172h 12mn 16s
  2. Learco Guerra (I) à 14mn 13s
  3. Antonin Magne à 16 mn 3s
  4. Jef Demuysère (B) à 26mn 34s
  5. Marcel Bidot à 41 mn 18s

La moyenne du leader fut de 28 kilomètres heure sur ces 4818 kilomètres, une belle performance.

Benoit Faure, dit "la Souris", 1^er Touriste-routier terminait dans le Top 10 à la 8^e place, à 58mn 34s; le 2^e étant Louis Péglion à la 14^e place et le 3^e, Marcel Mazeyrat à la 18^e place.

Jean Goulème termina à la 26^e place.

Le classement général du challenge international

  1. France 517h 34mn 09s
  2. Belgique à 1h 48mn 55s
  3. Allemagne à 5h 59 mn 59s
  4. Italie à 6h 32mn 42s
  5. Espagne à 6h 42 mn 50s

L'équipe de France (Journal L'Auto, coll Gallica, BNF)

Le classement des équipes régionales

  1. Sud-Est 524h 07mn 15s
  2. Champagne à 14h 21mn 50s
  3. Ile-de-France à 15h 45 mn 56s
  4. Côte d'Azur à 17h 3mn 29s
  5. Midi à 18h 12 mn 41s

Le vainqueur 1930

André Leducq est né à Saint-Ouen (75) le 27 février 1904, il décéda le 18 juin 1980 à Marseille.

Après avoir pratiqué la gymnastique, la musculation et le football, il acheta son premier vélo en vendant… son violon ! Il passa ses brevets cyclistes et signa au Club de Montmartre Sportif.

Après des débuts difficiles, il effectua des courses au Vélodrome d'hiver.

Carte postale André Leducq (coll. privée)

Il faut attendre 1922 où au sein du club Vélo Club de Levallois, il va progresser et obtenir ses premiers titres; Paris-Mantes-Paris, les Trophées du Petit Journal, le Grand Prix du Sporting et surtout le Champion de France sur route junior. L'année suivante, de nouveau les Trophées du Petit Journal, le Paris-Troyes et l'Etoile de Paris.

En 1924, il participa aux Jeux Olympiques de Paris sur la course contre-la-montre de 188 kilomètres, il termina 9^e malgré 3 crevaisons. Il devint Champion du Monde sur route amateur.

Ayant pu reporter d'un an son incorporation, il intégra le 90^e RI à Tours en 1925 et devint Champion de France amateur.

Il devint professionnel l'année suivante et entra dans l'équipe performante Alcyon-Dunlop en 1927 et fut engagé sur le Tour de France où il remporta 3 étapes et termina 4^e au général en tant que premier français.

Carte postale Publicité Alcyon André Leducq (coll. privée)

En 1928, il mit dans son escarcelle, le Paris-Le Havre et surtout le Paris-Roubaix. Au Tour de France, il gagna 4 nouvelles étapes dont celle de Belfort et monta sur la 2^e place du podium. Pour l'édition 1929, 4 victoires et la 11^e place.

Après la victoire sur le Paris-Caen, il va remporter son 1^er Tour de France en 1930 avec 2 étapes. L'année suivante, victoire sur le Paris-Tours et une 10^e place sur le Tour avec une étape. 1932, lui voit gagner son 2^e Tour de France avec 6 étapes. Deux nouvelles étapes en 1933 et une 31^e place, il remporta le Criterium national.

En 1934, il rejoint l'équipe Mercier-Hutchinson mais pas de Tour au programme. Il remporta le Critérium des As. Une seule victoire au Tour 1935 et 17^e place. Pas de Tour en 1936 et 1937. Il acquit en 1938 sa 25^e étapes sur les Tours, son dernier.

Après cette carrière exceptionnelle, il effectua plusieurs activités mais il dirigea l'Équipe de France lors du Tour d'Espagne en 1961.

Épilogue

Pour cette 24^e édition, le Tour de France 1930 retrouvait les routes du Ballon d'Alsace, après 16 ans d'absence et Belfort confirmait son retour comme ville étape après celles des trois années précédentes.

Même sous la pluie, les belfortains furent fidèles pour accueillir en très grand nombre, avec chaleur les coureurs. Par contre, ceux-ci ne mirent pas à l'honneur le Ballon d'Alsace… le franchissant groupés à petite allure pour rejoindre Metz !

JM

Liens pour accéder aux articles cités

Sommaire des Fêtes du 2 au 4 juillet 1920 : Cliquer ici

Article sur le Tour 1927 : Cliquer ici

Sommaire des articles sur le Tour de France : Cliquer ici

La Grande Taverne :Cliquer ici

René Pottier, 1^er coureur au Ballon d'Alsace : Cliquer ici

Références presse : Journaux La Frontière et L’Alsace (Collection Archives municipales de Belfort), Le Miroir des Sports, L’auto (BNF), L'Excelsior (Rétronews), Livre Tour de France Histoires extraordinaires des géants de la route (coll. Bibliothèque municipale Belfort, BMB)

Référence Web : Wikipédia, Site La Grande Boucle, Divers autres Sites…

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