Pour cette septième année, non consécutive, car l'édition 2020 fut non pas givrée mais gelée, pour cause de la Covid 19, le Mois givré a repris ses droits en cette année 2021 avec un programme bien fourni.
Affichette du Mois givré
Même si les illuminations installées dans la ville se suffisent à elles-mêmes, pour que cet article ne soit pas seulement un reportage photographique, j'ai cherché un thème pour l'élaborer, en flashant sur un éclairage particulier…
Le programme 2021
Avant d'entrer dans le vif du sujet, quelques mots sur le programme où pas moins de 200 animations étaient proposées du 4 décembre 2021 au 2 janvier 2022.
L’hôtel de ville de Belfort (photo JM)
À chaque édition, une artiste est chargée de lancer les festivités associées à ce Mois givré; cette année, cette tâche fut confiée à la chanteuse Amel Bent.
Point de givre en ce samedi 4 décembre, ni de cordes de violon mais des cordes de pluie qui n'ont pas refroidi toutefois l'enthousiasme d'un nombreux public venu s'agglutiner sur la place d'Armes, pour voir et entendre la jurée de The Voice.
Le concert d'Amel Bent devant l'entrée de la mairie (photo BF)
En 2004, l'émission de télécrochet de M6, La Nouvelle Star, a révélée Amel Bent au public, où elle termina à la 3e place. Dans la foulée, elle sortit un album, en novembre, "Un jour d'été" dont un titre va l'imposer dans la scène musicale, "Ma philosophie".
Givrou avec une concurrente de charme (photo BF)
Si cette animation était relativement courte, une demi-heure de concert, d'autres étaient accessibles pendant toute la durée du Mois givré, la piste de luge devant le marché des Vosges, la patinoire devant le théâtre, le village des P'tits givrés place d'Armes où se trouve la Maison du Père-Noël, le manège des Lutins, le petit train, la petite roue…
D'autres animations ponctuelles comme plusieurs parades sont au programme, sans oublier la présence du parrain Brian Joubert, le dimanche 26 décembre, pour une exhibition avec la participation des clubs de patinage belfortains.
Le Mois givré sous la neige (coll. JM)
La dernière animation de l'année 2021 est un blind test géant sur la piste de danse un peu glissante car celle de la patinoire devant le théâtre, à partir de 21 heures. Le Mois givré n'étant pas terminé car deux jours sont encore au programme.
Les illuminations
La lumière pour construire cet article m'est venue en voyant la décoration présente dans l'entrée sud de ville ! Cette année, elle est sortie de son secteur traditionnel qu'on peut localiser "Centre-ville", pour s'étendre plus extramuros.
D'ailleurs, deux rennes illuminés sont présents dans l'ilot central séparant les deux flux de circulation, complétés de sapins. Apparemment... ils sont dépaysés, voire déboussolés, n'étant plus attelés à leur traineau…
Les deux rennes surpris par le flot des véhicules (photo BF)
Bref, cette présence m'a donné un angle d'attaque pour cet article, en mettant en valeur le monde animal présent dans les décorations des vitrines. Si la partie visuelle était actée, encore fallait-il trouver quel thème à associer pour le texte…
L'histoire étant bien faite, ne fête-t-on pas cette année le 400e anniversaire de la naissance de Jean de la Fontaine, né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry (Aisne) !
Carte postale Jean de la Fontaine (coll. privée)
Ne pouvait-il pas être l'écrivain le plus approprié pour la mise en scène des animaux ? Lui qui a écrit des centaines de fables avec pour comédiens, ceux-ci ?
Le contour étant défini, ne restait plus qu'à focaliser l'objectif sur les décorations illuminées ou pas, présentes dans la ville.
Les fables de Jean de la Fontaine
Donc comme vous le devinez, je vais utiliser des fables de Jean de la Fontaine pour agrémenter ce texte; il en a écrit près de 250, donc je devrai pouvoir m'en sortir…
L'ours polaire
Quand on parle de la fonte de la calotte glaciaire du Pôle Nord, ce constat n'est pas un vain fait… d'ailleurs la surface se réduisant, les ours blancs sont obligés d'immigrer ! Nombreux sont venus dans la Cité du Lion, sachant qu'ils seraient sous la protection du Roi des animaux…
Carte postale Famille ours blancs en Arctique (coll. privée)
Pour obtenir un titre de séjour, ils sont obligés d'avoir un travail d'où leur présence dans de nombreuses vitrines de la ville ! Ils ont de la chance d'avoir ce pelage blanc…
Revenons sérieux, quoi que, je l'étais !
Jean de la Fontaine a écrit deux fables mettant en scène ce plantigrade !
- L'ours et l'amateur des jardins
- L'ours et les deux compagnons
Elles vont permettre de textualiser le reportage photographique…
L'ours à Belfort
Si des rennes sont présents du côté sud de la ville, un ours illuminé est présent côté Est, au carrefour en bas de l'avenue d'Altkirch !
Un ours ayant trouvé un job en extérieur (photo BF)
Sa présence annonce que d'autres congénères sont présents en ville… Ils seront les vedettes de ce reportage.
L'ours et l'amateur des jardins
Cette fable fut éditée en 1678 dans le livre VIII de Jean de La Fontaine.
Il s'était basé sur la fable "D'un jardinier et d'un ours" extraite du "Livre des Lumières de Pilpay", traduction en 1644 par l'érudit Gilbert Gaulmin (1585-1665), de la version persane du recueil d'origine intitulé "Panchatantra".
Carte postale Fable L'ours et l'amateur des jardins (coll. privée)
Pilpay (ou Vichnou-Sarma) fut un écrivain indien moraliste qui vécut au 3e siècle avant JC.
La fable
Certain Ours montagnard, Ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon* vivait seul et caché :
Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés :
Il est bon de parler, et meilleur de se taire,
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
*Bellérophon : Fils de Poséidon ou de Glaucos, petit-fils de Sisyphe. Il dompta le cheval Pégase et tua la Chimère.
La vitrine du chocolatier Kleiber, faubourg de France (photo BF)
Nul animal n'avait affaire
Dans les lieux que l'Ours habitait ;
Si bien que tout Ours qu'il était
Il vint à s'ennuyer de cette triste vie.
Pendant qu'il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyait aussi de sa part.
Il aimait les jardins, était Prêtre de Flore*,
Il l'était de Pomone* encore :
Ces deux emplois sont beaux. Mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami.
*Flore : Déesse des fleurs.
*Pomone : Déesse des vergers.
La vitrine de Léon Habilleur, faubourg de France (photo BF)
Les jardins parlent peu , si ce n'est dans mon livre ;
De façon que, lassé de vivre
Avec des gens muets notre homme un beau matin
Va chercher compagnie, et se met en campagne.
L'Ours porté d'un même dessein
Venait de quitter sa montagne :
Tous deux, par un cas surprenant
Se rencontrent en un tournant.
L'homme eut peur : mais comment esquiver ; et que faire ?
Se tirer en Gascon* d'une semblable affaire
Est le mieux. Il sut donc dissimuler sa peur.
*Gascon : Fanfaron, hableur
La vitrine de la Pause Musicale, rue Jules Vallès (photo JM)
L'Ours très mauvais complimenteur,
Lui dit : Viens-t'en me voir. L'autre reprit : Seigneur,
Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire
Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas,
J'ai des fruits, j'ai du lait : Ce n'est peut-être pas
De nosseigneurs les Ours le manger ordinaire ;
Mais j'offre ce que j'ai. L'Ours l'accepte ; et d'aller.
Les voilà bons amis avant que d'arriver.
Les Galeries Lafayette, faubourg de France (photo JM)
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble ;
Et bien qu'on soit à ce qu'il semble
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots,
Comme l'Ours en un jour ne disait pas deux mots
L'Homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage.
L'Ours allait à la chasse, apportait du gibier,
Faisait son principal métier
D'être bon émoucheur*, écartait du visage
De son ami dormant, ce parasite ailé,
Que nous avons mouche appelé.
*Émoucheur : Celui qui chasse les mouches....
La vitrine de la boutique IKKS, faubourg de France (photo JM)
Un jour que le vieillard dormait d'un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer
Mit l'Ours au désespoir ; il eut beau la chasser.
Je t'attraperai bien, dit-il. Et voici comme.
Aussitôt fait que dit ; le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur,
Casse la tête à l'homme en écrasant la mouche,
Et non moins bon archer (5) que mauvais raisonneur :
Roide mort étendu sur la place il le couche.
Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ;
Mieux vaudrait un sage ennemi.
*Archer : Habile à viser
La vitrine de la boutique Acier poudré, faubourg des Ancêtres (photo JM)
La morale
La morale de cette fable se trouve exprimée dans les deux dernières lignes qui peuvent se traduire ainsi :
- Il faut savoir choisir ses amis !
- L'enfer est pavé de bonne intensions…
L'ours et les deux compagnons
Cette fable fut éditée en 1668 dans le livre V de Jean de La Fontaine.
Plusieurs hypothèses sont émises sur l'origine des sources de cette fable… Il peut s'agir des versions d'Ésope (recueil Névrelet) "Les voyageurs et l'ours" ou d'Abstémius "Le tanneur qui achetait à un chasseur la peau d'un ours, qu'il n'avait pas tué".
Carte postale Fable L'ours et les deux compagnons (coll. privée)
Jean de La Fontaine puisa aussi dans "Les Mémoires"du chroniqueur Philippe Commynes (1447-1511).
La fable
Deux Compagnons pressés d'argent
À leur voisin Fourreur vendirent
La peau d'un Ours encor vivant ;
Mais qu'ils tueraient bientôt, du moins à ce qu'ils dirent.
C'était le Roi des Ours, au conte de ces gens.
Le Marchand à sa peau devait faire fortune :
Elle garantirait des froids les plus cuisants ;
On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une.
La vitrine de la boutique Jujucadeaux, faubourg des Ancêtres (photo JM)
Dindenaut* prisait moins ses Moutons qu'eux leur Ours :
Leur, à leur compte, et non à celui de la Bête.
S'offrant de la livrer au plus tard dans deux jours,
Ils conviennent de prix, et se mettent en quête ;
Trouvent l'Ours qui s'avance, et vient vers eux au trot.
Voilà mes Gens frappés comme d'un coup de foudre.
Le marché ne tint pas ; il fallut le résoudre :
D'intérêts contre l'Ours, on n'en dit pas un mot.
L'un des deux Compagnons grimpe au faîte d'un arbre.
*Dindenaut : Marchand de moutons, dans Rabelais, il fait l'éloge de ses bêtes à Panurge pour lui vendre un vil prix. Mais ce dernier se vengea.
La vitrine de l'opticien Krys, faubourg de Montbéliard (photo JM)
L'autre, plus froid que n'est un marbre,
Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent*,
Ayant quelque part ouï dire
Que l'Ours s'acharne peu souvent
Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire.
Seigneur Ours, comme un sot, donna dans ce panneau.
Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie,
Et de peur de supercherie
Le tourne, le retourne, approche son museau,
Flaire aux passages de l'haleine.
*Son vent : Retiens son souffle.
La vitrine du Bureau de tabac Le Grand Turc, boulevard Carnot (photo JM)
C'est, dit-il, un cadavre : ôtons-nous, car il sent.
A ces mots, l'Ours s'en va dans la forêt prochaine.
L'un de nos deux Marchands de son arbre descend ;
Court à son Compagnon, lui dit que c'est merveille
Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal.
La vitrine de Gillet Lafond, boulevard Carnot (photo BF)
Et bien, ajouta-t-il, la peau de l'Animal ?
Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?
Car il s'approchait de bien près,
Te retournant avec sa serre.
Il m'a dit qu'il ne faut jamais
Vendre la peau de l'Ours qu'on ne l'ait mis par terre.
La vitrine du la supérette Caraffini, rue Fréry (photo JM)
La morale
Pour de cette seconde fable, la morale se tient en une seule ligne, implicite, se résumant ainsi, il faut mieux réfléchir avant d'agir.
Ours bruns
Si les ours blancs ont préféré les vitrines, par peur du froid ou de la Covid 19, leurs cousins moins frileux s'étaient volontairement exposés sur les lieux festifs…
Un ours au grand cœur et un venu de la Belle Province (photo JM)
Le froid n'avait pas de prise sur eux, ils résistaient aux pics du froid avec sérénité.
Le trio Givrou, Reno et Pain d'épice
Pendant tout le Mois givré, chaque jour, se déroulait la parade du trio fétiche des enfants, emmenée par l'ours star Givrou accompagné de ses deux compères, Pain d'épice et Reno.
Le trio pour la pose avant la pause (photo JM)
Quand j'écrivais que les ours blancs étaient omniprésents dans la Cité du Lion, cette année; leur ambassadeur est présent depuis 2014 !
Épilogue
Tradition oblige et réponse à une attente, et surtout il fallait essayer d'illuminer cette fin d'année un peu morose, tout en rendant un hommage à un poète fabuliste de grand talent, Jean de La Fontaine, qui a su si bien mettre en valeur les travers de l'Homme, souvent avide de pouvoir, via des scénettes en mettant en scène les animaux. Sans oublier qu'elles se terminent par une morale toujours très juste et pédagogique…
JM
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