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LE CARTOPHILION
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18 novembre 2024

Prise de guerre d’un aéroplane allemand à Berrwiller, lors de l’offensive française en Haute Alsace, en août 1914; il fut exposé à Belfort (2e partie)

MAJ le 5 mai 2025

 

Dans une première partie de l'article, j’ai présenté le contexte et le début de la Première Guerre Mondiale avec les deux premières offensives françaises en Haute Alsace annexée, en août 1914. Le quartier général était installé à Belfort, centre de commandement de la Place forte de la Trouée.

 

Elle permet de dérouler ce deuxième article, consacré à la présentation d’une prise de guerre pendant la deuxième offensive, un aéroplane qui fut exposé sur la place d’Armes de Belfort, toujours en ce mois d’août, il y a 110 ans !

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand exposé
(coll. JM)

 

NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder à l’article concernant la description des deux premières offensives en Haute-Alsace.

 

Deuxième partie de l'article

 

Préambule

 

L’histoire de la prise de cet avion n’a pas fait couler beaucoup d’encre, du moins l’encre qui a coulé est fortement brouillée, c’est à dire que suivant les plumes qui ont couché les informations sur ce sujet, elles sont assez contradictoires !

Il est même écrit dans un livre de bonne tenue que deux aéroplanes furent pris à Cernay. J’ai tenté de contacter avec pugnacité le rédacteur, sans y parvenir, pour connaître ses sources.

 

Cet article un peu détaillé est aussi grandement dû à mon ami Philippe, qui a effectué de nombreuses recherches sur la toile, apportant des informations pertinentes, en parallèle des miennes s’appuyant sur de nombreux livres (voir le paragraphe Référentiel). J’ai même contacté les maires des communes du secteur où fut abattu et tombé cet aéroplane.

 

Pour mémoire

 

Suite à la déconvenue de la première offensive menée par le général Louis Bonneau, l’armée française avait dû rejoindre ces positions arrières pour ne pas être encerclée, le général Joseph Joffre nomma le 13 août 1914, le général Paul Pau, à la tête de l’Armée d’Alsace nouvellement créée, 2 jours plus tôt.

Carte postale Général Paul Pau (coll. privée)

 

Informé du retrait des troupes allemandes lors de la journée du jeudi 13 août après leur contre-offensive, il décida de lancer la deuxième offensive imposée par le quartier général. Elle débuta le vendredi 14 août 1914, mais avec un front moins étendu que la première, surtout qu’à cette date, l’Armée d’Alsace reposait principalement sur la 7e Corps d’armée, les autres divisions prévues n‘étant pas encore à pied d’œuvre.

 

L’offensive sur Cernay

 

Si la 41e Division d’infanterie, cantonnée vers Belfort, fut chargée de reprendre Cernay, ce n’est pas celle-ci qui fut concernée par cette prise de l’aéroplane, du moins, si je me réfère à un journal de marche, celui du 12e Bataillon des chasseurs alpins !

Tenue d’un Chasseur alpin du 12e Bataillon (coll. privée)

 

Ce Bataillon d’un peu plus de 100 hommes, constitué de 6 compagnies, sous les ordres du lieutenant-colonel Jules Gratier, n’avait pas participé à la première offensive. À cette période, il était cantonné à Guillestre, commune des Hautes-Alpes, et dans les environs.

 

Le samedi 8 août, il fut regroupé à Embrun, toujours dans le même département, mais possédant une gare, pour finaliser les préparatifs de mobilisation de ce régiment. Il fut acheminé sous la forme de deux groupes, du 11 au 13 août, sur Remiremont en passant par Besançon et Épinal.

Carte postale Embrun La gare (coll. privée)

 

Rassemblé, le bataillon fut acheminé le 14 août sur Bussang, où il rejoignit le 22e Bataillon de chasseurs alpins. Les deux régiments avaient pour mission de libérer Thann, en passant par le col du Rossberg (1 130 mètres).

 

Jeudi 14 août 1914

 

Ce premier objectif fut atteint vers 14 heures, sans escarmouche. Pourtant cette ville fut peu de temps auparavant, le lieu où se tenait l’État-major de la 15e Corps d’Armée allemande !

 

Les deux bataillons se séparèrent, le 22e en direction de Vieux-Thann et le 12e sur Bischwiller qui fut atteint vers 19 heures, sans rencontrer de résistance, il y cantonna pour la nuit.

Carte postale Bischwiller L’église (coll. privée)

 

Le lendemain, les Compagnies renforcèrent leurs positions sur leur secteur respectif assigné.

 

Dimanche 16 août 1914

 

Le 12e Bataillon quitta Thann, le dimanche 16 août, pour rejoindre Cernay, appelée Sennheim en allemand, commune distante d’environ 5 kilomètres, centre à centre, toujours sans rencontrer de résistance.

Carte postale Souvenir de Cernay ou Sennheim (coll. privée)

 

Les compagnies se dispersèrent et s’installèrent de nouveau en position défensive jusqu’au lendemain.

 

Mardi 18 août 1914

 

Nouvel objectif pour le Bataillon, le 18 août, qui fut chargé de prendre Wattwiller, la 1ère Compagnie fermait la marche. Elle fut affectée à sécuriser Bernwiller.

Carte postale Bernwiller Multivues (coll. privée)

 

À 12h15, des chasseurs alpins firent feu sur un aéroplane allemand en reconnaissance, et l’abattirent.

 

D’après le compte-rendu du journaliste présent dans le journal La Frontière "Ce biplan était monté par le pilote Birkner et l’observateur Neubaur, lieutenant im Iaeger Régiment zu Pferde ar. 13, c’est-à-dire par le lieutenant Neubaur du 13e Régiment de chasseurs à cheval."

 

Il poursuivit en donnant des informations "Ce biplan qui survolait la Haute-Alsace a essuyé le feu des armes françaises entre Cernay et Pont d’Aspach. L’observateur atteint d’une balle dans l’anus se mit à tourner de l’œil ; ce que voyant, le pilote Birkner atterrit, il fut pris, ainsi que son appareil."

 

Il compléta "Sur la place d’Armes, les ailes de l’avion furent replacées. Le fuselage est en tôle d’aluminium, le moteur est d’une force de 120 chevaux. Sur le gouvernail de direction et sous les ailes inférieures figure la croix noire de Malte."

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand exposé
(coll. JM)

 

Apparemment le journaliste était très bien informé ou de trop ? A-t-il eu accès au rapport militaire ? Donc il existe… du moins il a existé ! Mais pas trouvé…

 

Le biplan abattu

 

L’aéroplane allemand abattu fut ramené de Berrwiller (ou lieu proche) à Belfort par l’escadrille BL 10 de l’aviation française, non point par vol, quoi que, on leur a tout de même volé ! Il fut rapatrié par la route, les ailes furent démontées pour permettre le convoyage par camion, pour s’affranchir de tout problème de gabarit.

 

Existe-t-il un Journal de marche pour la BL 10 ? Une partie des archives de l’aviation furent brûlées en 1940, donc là aussi, pas de source fiable concernant ce rapatriement.

 

Escadrille BL 10

 

En 1914, l’escadrille BL 10 était installé au Parc d'aviation, sur le Champ de Mars de la Cité du Lion. Elle fut créée par le dédoublement de la BL 3, en 1913. Elle fut affectée au 7e Corps d’armée et était pourvue d’aéroplanes Blériot XI d’où son appellation "BL". Son premier commandant fut le capitaine Constantin Zaparoff.

Carte postale Aéroplane Blériot XI (coll. privée)

 

Elle y resta jusqu’au 22 août 1914 où elle rejoignit Épinal (Vosges) puis Méry-sur-Seine (Aube), le 28 août.

 

L’escadrille BL 3 fut créée à Pau en 1912, et fut affectée à Belfort après un passage par Nancy; elle fut commandée par le lieutenant Bellemois en 1913, succédant au lieutenant Jacquet. 

 

Les deux escadrilles participèrent aux deux offensives françaises, en effectuant des vols d’observations; la BL 10 fut même déportée à Pont d’Aspach le 8 août, à la demande du général Paul Bau. Elle dut quitter assez précipitamment ce lieu, très tôt le matin du 10 août, suite à la contre-attaque allemande. Elle y retourna le 19 août.

 

L’aéroplane exposé sur la place d’Armes

 

Le dimanche 23 août, vers 14 heures, l’aéroplane allemand fut déposé et installé par la BL 10 sur la place d’Armes de Belfort, près du monument Quand-Même, entouré par les 24 canons pris à Dornach, les 19 et 20 août 1914.

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand,
 les ailes ne sont pas encore remontées (coll. JM)

 

Il fut donc exposé, après remontage des ailes, à la population, mais en étant gardé par un peloton militaire.

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand,
 avec les ailes remontées (coll. JM)

 

On pouvait apercevoir des impacts de balles sur l’aéroplane.

 

NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder à l’article consacré à la prise de ces canons à Dornach.

 

Par contre, on ne connait pas quand l’avion fut retiré de la place d’exposition éphémère… et quelle destination a-t-il prise. Pour être exposé ou… pour servir d’avion espion, tout dépendait aussi son état pour cette deuxième hypothèse tiré par les cheveux !

 

Dans ses éphémérides, Louis Herbelin donne une information à la date du 29 août "On a enlevé de la place d’Armes l’aéroplane, les canons et les caissons allemands; je les ai vu emmener à la gare…"

 

Pour quelle destination du biplan ? À Paris pour être exposé ou autres ?

 

Le type d’aéroplane

 

Dans les légendes des cartes postales ou cartes photos, le terme utilisé pour définir le modèle de cet aéroplane est "Aviatic", par erreur, car en réalité, il s’agit bien d’un "LVG BI" dit "Modèle B"

 

*"LVG BI" : LuftVerkehrsGesellschaft BIplan

 

Ce modèle fut décliné en deux sous-versions

 

  - LVG BII destiné à la reconnaissance (1915)
  - LVG BIII destiné à l’entraînement.

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand (coll. JM)

 

Sa conception est dérivée des aéroplanes FARMAN. Il fut construit par l’ingénieur suisse Franz Schneider, qui avait travaillé pour Édouard Nieuport, en France.

 

Son premier vol se déroula en 1912, sa mise en service fut en 1914. Il fut construit à un peu plus de 1 000 exemplaires, jusqu’en 1917.

 

Sa description

 

Cet aéroplane possédait les principales caractéristiques suivantes

 

  - un moteur à six cylindres en ligne Daimler-Mercedes D.I. de 100 CV (ou 120 CV), refroidit par liquide,
  - mesurait 8,30 mètres de longueur et de 12,12 mètres d’envergure, 3,20 mètres de hauteur
  - pesait 726 kilogrammes à vide et pouvait accepter 1075 kilogrammes avec les deux aviateurs,
  - disposait d’une voilure de 35 mètres carrés, dont sa partie supérieure aux extrémités effilées avec une surface légèrement plus importante que celle de la partie inférieure avec des extrémités droites,
  - avait la capacité de replier les ailes pour le transporter par la route,
  - était équipé d’un train d’atterrissage classique fixe avec un empennage de petite taille de forme triangulaire
  - comportait un cockpit biplace, mais de configuration inégale,
  - pouvait atteindre 105 kilomètres par heure,
  - atteignait l’altitude de 800 mètres en 14 minutes
  - pouvait tenir environ 4 heures en vol,
  - ne possédait pas d’arme.

Photo Aéroplane allemand type LVG-BI (doc. Wikipédia)

 

Cet aéroplane était très maniable et apprécié des aviateurs allemands.

 

Concernant le biplan capturé, il possédait apparemment son fuselage renforcé d’un blindage de l’époque, en plus de celui d’origine, protégeant le moteur.

 

La croix de Malte

 

Le journaliste de La Frontière a écrit dans son article "Sur le gouvernail de direction et sous les ailes inférieures figure la croix noire de Malte." Et on retrouve cette information sur d’autres articles…

 

La couleur noire m’a titillé ! Au fait, la croix de Malte, qu’est-ce que c’est ?

 

La Croix de Malte ou Croix de Saint-Jean est composée de 4 branches et 8 pointes, est blanche d’origine. Les Huguenots attribuèrent aux pointes la symbolisation des 8 Béatitudes évoquées par le Christ dans son sermon sur la montagne : la vérité, la foi, le repentir, l'humilité, la justice, la charité, la sincérité et la résistance à la persécution, à partir de l’évangile selon l’apôtre Mathieu.

 

De base, elle est rouge sur fond blanc pour l’Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte.

Croix de Malte (doc. Wikipédia)

 

Elle fut utilisée avec plusieurs autres couleurs pour d’autres Ordres

 

   - verte sur fond blanc pour l’Ordre de Saint-Lazare de Jérusalem ou ordre des hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem
   - bleue pour l'hôpital-monastère Notre Dame d'Aubrac
   - moitié blanche sur fond rouge et moitié rouge sur fond blanc pour l'Ordre de Montjoie (ordre militaire et religieux catholique)

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Poursuivant ma défiance sur cette attribution, j’ai effectué des recherches qui m’ont permis de trouver la bonne appellation de cette croix sur l’aéroplane, il s’agit en réalité de la Croix de l’ordre Teutonique

 

Par sureté, j’ai consulté aussi deux experts en médailles et autres, qui ont confirmé mon identification.

Croix de l’ordre Teutonique (doc. Wikipédia)

 

L’ordre Teutonique est un ordre militaire chrétien créé à la fin du 12e siècle dans le cadre des croisades, en Terre Sainte et dans les croisades baltes, en territoire de la Prusse. Sa dénomination officielle est "Maison des Allemands de Sainte-Marie-de-Jérusalem" (Domus Hospitalis Sancte Marie Theutonicorum Hierosolymitani).

 

Décoration de l’aviateur Langlois

 

Le dimanche 23 août 1914, peu avant 19 heures, la place d’Armes de Belfort fut le théâtre d’une cérémonie militaire.

 

De nombreux officiers vinrent se positionner devant l’aéroplane et les canons. Ils furent rejoints par le général Paul Pau, accompagné d’un musicien pourvu d’une trompette et d’un militaire portant un fanion. Ils furent suivis par une compagnie de chasseurs à pied qui fit dégager la place jusqu’à la hauteur du kiosque à musique, et forma un carré avec les officiers, autour du général.

Carte postale Belfort Place d’Armes Aéroplane allemand (coll. JM)

 

La foule se massa sur la partie libre de la place et envahit le kiosque à musique.

 

Un capitaine des Dragons, le capitaine aviateur XXX Langlois sortit du rang des officiers et vint se positionner devant le général.

Illustration de la décoration (doc. Livre d'Or Enfants Belfort 1914-1918)

 

Après le "Présentez armes" et "Ouvrez le ban", la sonnerie du trompette provoqua le silence.

 

Le général fit une petite mais vibrante allocution "Capitaine Langlois, au nom du Gouvernement de la République, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous nomme chevalier de la Légion d’honneur, devant ces trophées pris à l’ennemi et je vous donne l’accolade avec ce sabre pris à un officier allemand."

 

Des applaudissements chaleureux vinrent du public.

 

NA : Malgré mes recherches et celles de mon ami Philippe, on n’a pas trouvé son prénom, son dossier pour cette récompense et à quelle escadrille, il appartenait. Est-ce le bon , du moins la bonne orthographe ?

 

Les éditions de cartes postales

 

Il existe plusieurs clichés et éditions concernant cette prise de guerre exposée sur la place d’Armes de Belfort.

 

Un chapitre est consacré à ces clichés dans la cinquième partie de l’article.

 

Fin de la deuxième partie

 

NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder au Sommaire, dont à la troisième partie de l’article.

 

Épilogue

 

La deuxième offensive française en Haute-Alsace fit de nombreuses prises de guerres allemandes, tant des prisonniers que de l’armement tels que des canons, des caissons, des armes… et même cet aéroplane du type LVG B1.

 

Une partie des prises fut exposée sur la place d’Armes de Belfort, dont ce biplan allemand, pris du côté de Berwiller, au milieu des canons pris à Dornach, lors de la deuxième offensive sur Mulhouse.

 

Il reste des informations manquantes, cet article provoquera peut-être des apports futurs complémentaires…

 

JM

 

Lien pour accéder à larticle cité

 

Sommaire de l’article : Cliquer ici

 

Référentiels Livres : Les Poilus de Mulhouse à la crête des Vosges, Guerre aérienne dans le ciel en Haute Alsace, 1914-1918 au ciel de Belfort, Bulletin de la Société Belfortaine d’Émulation appartenant à la Bibliothèque municipale de Belfort, personnel et autres.

 

Référentiels internet : Wikipédia, de nombreux sites dont le Journal de marche du 12e Bataillon de chasseurs alpins

 

Infos pratiques  

 

Vous pouvez laisser des commentaires sur cette présentation via le lien "Commentaires" en fin de l'article après la liste des tags.

 

En cliquant sur une photo ou un document, vous pouvez l’agrandir.

 

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