Fêtes de la Victoire à Belfort (2e partie), le 14 juillet 1919, journée nationale
MAJ le 5 mars 2025
Les Fêtes de la Victoire furent célébrées le 14 juillet 1919, le jour de la première Fête nationale après la fin de la Première Guerre Mondiale.
Extrait article journal La Frontière (doc. AD90)
Ces Fêtes se déroulèrent partout en France, bien entendu aussi à Belfort, elles se prolongèrent les 15, 16 et 17 août 1919 avec les Grandes Fêtes Patriotiques avec les Alsaciens, en quelques sorte des Fêtes de la Victoire du Haut-Rhin réunifié…
NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder au Sommaire des articles consacrés aux Grandes Fêtes Patriotiques.
Au regard du contenu, l’article est rédigé en deux parties.
Après une première partie consacrée à la présentation de ces Fêtes de la Victoire, et aux animations organisées par la municipalité belfortaine le samedi 12 juillet et le dimanche 13 juillet, la seconde partie est consacrée à la journée du lundi 14 juillet 1919.
NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder à la première partie de cet article.
2e partie
Lundi 14 juillet 1919 : La journée nationale
Le réveil du 14 juillet fut effectué en fanfare dans les différents quartiers militaires.
A 8h45, une salve espacée de 21 coups de canon fut tiré du Château.
Carte postale Belfort Le Château (coll. JM)
Elle fut suivie par la sonnerie de toutes les cloches des édifices religieux, en l'honneur de la Victoire et de la Liberté retrouvée.
La journée s'annonçait rayonnante, le soleil avait repris possession du ciel évacuant les nuages qui s'étaient amoncelés en fin de soirée du dimanche !
Revue des troupes
Avant la revue des troupes, une première cérémonie des médailles eut lieu devant l'Hôtel de Ville où l'adjoint faisant office de maire, François-Xavier Houbre remis la Médaille d'honneur de la ville à quatre sapeurs-pompiers, Pierre Niedergang, Joseph Kayser, Henri Devevey et X*.
*X : Nom illisible partiellement "Del.…r", dû à un problème d'impression de cette édition du journal L'Alsace.
François-Xavier Houbre (photo AD90)
Traditionnellement, les revues organisées dans la Cité du Lion avant la Première Guerre Mondiale, se déroulaient au Champ de Mars. Mais celui-ci envahit par les véhicules hors service, était devenu un cimetière en partie.
Donc cette revue du 14 juillet 1919, qui débuta à partir de 9h30, dut s'effectuer dans le secteur du boulevard Carnot et de la place de la République. Vu le nombre important de troupes participantes, elles furent positionnées aussi rue Fréry et quai Vauban.
Les Officiers sans troupe et officiers de complément stationnaient sur la place de la République quant aux musiques des 35e et 42e Régiments d'infanterie, elles étaient placées de chaque côté du portail de la préfecture.
Carte postale Belfort La Préfecture (coll. JM)
Les Sapeurs-pompiers, sans leur matériel, avaient pris position sur le boulevard Carnot, ainsi que le 89e R.A.L. à pied (Régiment d'Artillerie Lourde) et la Compagnie 7/1 du génie.
La rue Fréry accueillait le 107e R.A.L. avec ses pièces de 105 alignées.
Quant aux 35e et 42e Régiments d'infanterie, ils furent alignés par compagnie sur le quai Vauban.
La tribune officielle était installée sur la place de la République, face à la Préfecture, où avaient pris place, des membres du Conseil municipal, des représentants du commerce, de l'industrie, de la magistrature…
Les mutilés, les vétérans, les anciens médaillés militaires et les enfants des écoles sont placées sur les côtés et devant de la tribune.
A 9h25, le préfet Maurice Anjubault, François Liermann le vice-président du conseil de préfecture et le maire François-Xavier Houbre sortirent de la Préfecture et se dirigèrent vers la tribune entre une haie formée par les soldats du 42e RI qui rendirent les honneurs.
Ils saluèrent les mutilés avant de prendre place dans la tribune.
A 9h30, sous la direction du Chef de musique, M. Hambourg, les musiques des 35e et 42e Régiments d'infanterie jouèrent La Marseillaise, les troupes présentèrent les armes à l'arrivée du Général Bard, le commandant d'armes, accompagné de son État-major.
Il débuta le passage en revue des troupes présentées par le Général Petit, le commandant de la 14e Division d'infanterie.
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Les Généraux Bard et Petit (extrait Carte photo coll. AMB)
La revue avait déplacé un nombreux public qui s'était amassé tout le long du secteur où les troupes stationnaient avant de défiler. Balcons et fenêtres des immeubles, où flottaient les drapeaux, étaient tout aussi occupés par leurs habitants et invités.
Hommage aux morts
Après la revue, dans le programme de la journée, était prévu un grand moment de solennité avec un hommage aux morts devant le monument des Trois Sièges. Même si la Victoire avait un gout d'allégresse, il était impossible d'oublier qu'elle fut arrachée en provoquant plus d'un million et demi de morts, des millions de blessés et handicapés, d'une douleur ineffaçable pour les veuves éplorées et les orphelins meurtris; Belfort et le Territoire ont malheureusement contribué à cette situation funeste en perdant beaucoup d'enfants lors de ce conflit particulièrement meurtrier !
Carte photo Les généraux Bard et Petit Hommage aux morts
(coll. JM)
Ce grand moment de solennité eut son point d'orgue quand vinrent les premières notes de la "Marche funèbre" de Frédéric Chopin qui firent couler de nombreuses larmes dans l'assistance imprégnée du malheur apporté pendant ces cinq années de guerre…
L'émotion collective fut conservée quand le baryton Ferrus, appartenant à la musique symphonique de la 14e Brigade, chanta "Patrie" de Victorien Sardou pour les paroles et d'Emile Paladihle pour la musique.
Après ce morceau, Le Général Petit lança un vibrant
"Nous rendons hommage aux officiers, sous-officiers, caporaux et soldats morts pour la Patrie, morts au champ d'honneur."
Le chant patriotique "Hommage aux morts" accompagné par l'Orchestre symphonique de la 14e Divion d'Infanterie, précéda la remise de médailles.
Remise des décorations
A cette occasion, une remise de seize décorations dont deux Croix de la Légion d'Honneur, de Médailles militaires et de Croix de Guerre, fut procédé par le Général Bard.
Le Lieutenant Ferrez du 171e Régiment d'infanterie se chargea d'effectuer l'appel des récipiendaires et lut les citations décernées.
Les récipiendaires, alignés face à la tribune, furent :
- Légion d'Honneur Croix de guerre : Capitaine Coviaux du 172e RI et Lieutenant Pierre Dou du 42e RI
- Médaille militaire : Adjudant Charles Lejeune de la 5e Cie 49e R.I.T.
- Croix de guerre Ordre de l'Armée : Capitaine Marge du 42e RI, Lieutenant Fritz du 35e RI et Sous-lieutenant Joseph Brelot du 42e RI
Carte photo Remise Croix de guerre au Capitaine Marge (coll. JM)
- Croix de guerre Ordre du Corps d'Armée : Capitaine Wedrychowischi du 42e RI Lieutenant Demangel du 35e RI, Sergent Bichier du 42e RI et Canonnier Joseph Hoffner
- Croix de guerre Ordre de la Division : Caporal Meyer du 49e R.I.T.
- Croix de guerre Ordre de la Brigade : Capitaine Deshaie, le commandant des sapeurs-pompiers de Belfort et Soldat Paul Cythere
Carte photo Remise Croix de guerre au Capitaine Deshaie Pompier
(coll. privée)
- Croix de guerre Ordre du Régiment : Caporal Yves Le Gallic du 35e RI, Soldat Gabriel Maurras du 35e RI et Soldat Joseph Benoit du 35e RI
A chaque fois qu'une décoration était remise, le public applaudissait le récipiendaire.
Après cette cérémonie, les militaires décorés vinrent s'aligner devant la tribune, derrière le général Bard qui avait pris place, à cheval, face à la Préfecture.
Le défilé
La cérémonie fut suivie par le défilé des troupes qui s'étaient mises en colonne sur le boulevard Carnot et le quai Vauban.
Le général Bard à cheval avait pris place face à la Préfecture.
Carte photo Général Bard face à la Préfecture (coll. JM)
Les musiques des 35e et 42e Régiments d'infanterie étaient venues se placer devant, en tête de défilé, puis vinrent se positionner rue Bartholdi, entre la Préfecture et le Cercle Militaire.
Carte postale Belfort Cercle Militaire et Préfecture (coll. privée)
Elles jouèrent la "Marche de Sambre et Meuse" pendant tout le temps du déroulement du défilé.
NA : A l'origine, chant patriotique appelé "Le Régiment de Sambre-et-Meuse" composé par Robert Planquette, fut arrangé en marche militaire par François-Joseph Rauski. Elle est interprétée, chaque année, pour le 14 juillet.
Au commandement du Général Petit, à cheval, devant la Préfecture, le défilé débuta avec la compagnie des Sapeurs-pompiers coiffé du casque d'avant guerre avec à leur tête, ses officiers, Charles Wagner, Édouard Deshaie et Jules Letterlé et le porte-drapeau. Par ailleurs, seul ce drapeau fut présent dans les troupes défilant.
Carte photo Général Petit devant la Préfecture (coll. JM)
Ils furent suivis par les militaires du 9e RAL, de la Compagnie 7/1 du génie, des 35e et 42e régiments d'infanterie, et pour finir du 107e RAL avec ses pièces de 105.
Le Général Bard salua tous les fanions des compagnies passant devant lui..
Les troupes étaient équipées en tenue de campagne sans sac ni outil. Les officiers et les adjudants portaient vareuse, casque, baudrier et révolver.
Le Préfet félicita les deux généraux pour ce défilé des troupes parfaitement exécuté, par les Sapeurs-pompiers et les différents régiments.
Le dernier canon passé, la foule put envahir le secteur, longtemps cantonnée par le service d'ordre, à rester sur les trottoirs du secteur.
A midi, une nouvelle salve d'artillerie fut tirée du Château.
Animations au Champ de Mars
A 14 heures, sur la place d'Armes eut lieu le rassemblement des membres de la société de gymnastique La Belfortaine et de l'Harmonie des Usines qui devaient défiler pour rejoindre le Champ de Mars. Il se déroula sous l'acclamation du public présent sur le parcours.
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Carte postale Belfort Place d'Armes Saint Christophe (coll. FB)
Même si le Champ de Mars était envahi par des véhicules hors service, son étendu permettait tout de même d'organiser des animations et de recevoir du public.
En ce lieu, de nombreuses animations étaient programmées et elles avaient attiré un nombreux public qui s'était installé tout autour de la piste; certains spectateurs s'étaient juchés sur les voitures et camions stockés.
Dès 14h30, débutèrent des épreuves ludiques animées par les soldats de la 28e Brigade, accompagnées par la musique du 42e Régiment d'Infanterie.
Elles se déroulèrent sous la responsabilité du Capitaine Berger, de l’État-major de cette brigade, secondé entre autre par les Capitaines Jofflin et Gresset du 35e RI, des Capitaines Groscolas et Cornu, du Lieutenant Mauvais, tous trois du 42e RI.
De nombreux jeux étaient proposés comme courses au sac, le mât de cocagne, des jeux d'adresse, des courses de mulets avec ou sans obstacles dont l'une constituant le Grand Prix de Belfort, des courses attelées…
Carte postale humoristique Course en sacs (coll. privée)
Ils furent suivis d'une démonstration de gymnastique effectuée par les athlètes de La Belfortaine sous la responsabilité d'Emile Parrot, rythmée par des morceaux enlevés joués par la musique de l'Harmonie des Usines, elle-même sous la baguette du chef de musique, Marius Cabrol. Il va sans dire, que les figures des gymnastes furent très appréciées par le public.
Carte postale Marius Cabrol (coll. JM) et Photo Émile Parrot
L'après-midi se termina par un nouveau concert donné par la musique du 35e Régiment d'infanterie.
Fête foraine
Le tout Belfort ne s'était pas rendu uniquement au Champ de Mars, un grand nombre de personnes avait préféré se divertir à la fête foraine installée au Champ de Foire…
Les illuminations
A 20 heures, pour lancer la soirée, de nouveau, des salves d'artillerie furent tirées depuis le Château; suivit le retentissement des cloches de la ville.
Carte postale Belfort Le Château et le Lion (coll. JM)
Comme pour les soirées précédentes, le public put s'abreuver des lumières, à défaut de l'eau de la Savoureuse, provenant des illuminations des édifices publics et militaires.
Il fut vrai que des efforts significatifs avaient été entrepris pour que les bâtiments soient flamboyants avec les illuminations installées. Certains plus que d'autres, comme ceux de la place d'Armes avec l'Hôtel du Gouverneur, l'Hôtel de Ville, les deux tours de Saint-Christophe, comme ceux de la place de la République avec la Préfecture, le Cercle militaire, la Salle des Fêtes, le Palais de Justice, la Caisse d’Épargne.
Carte postale Belfort La Salle des Fêtes, un 14 juillet (coll. JM)
Aux illuminations des bâtiments, s'ajoutaient les cordons de lampions entourant les deux places et allant jusqu'à la gare en passant par le boulevard Carnot et le faubourg de France.
Dans d'autres lieux, mais plus dispersés, d'autres bâtiments s'étaient habillés de lumière comme la gendarmerie, l’École Supérieure de jeunes filles, l'hôpital militaire, la gare…
Certains commerces s'étaient joints à la démarche, comme la Société Générale, Gillet-Lafond, l'Hôtel de l'Ancienne Poste, la Brasserie Wagner, la Maison Bumsel, le Café du Commerce, le Café de la Bourse…
Carte postale Belfort Café du Commerce (coll. JM)
Les illuminations n'étaient pas les seuls éléments de décoration, il ne faut pas oublier que les bâtiments et les maisons étaient pavoisés avec les drapeaux des armées alliées.
Concerts et bals
Sur la place d'armes, la musique symphonique de la 14e Brigade proposa dès 21 heures, un concert. Comme la veille, elle avait attiré un grand nombre d'auditeurs voulant être bercés par les notes de musiques propagées par les instruments !
Les commerces de la nuit proposaient, eux aussi, des distractions à volonté, concerts et cinémas comme chez Danjean, à la Grande Taverne, Chez Charlie, au Kursaal, à la Brasserie Georges…
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Carte postale Belfort La Grande Taverne (coll. JM)
A 22 heures, deux bals furent organisés par les musiques des 35e et 42e RI, l'un sur la place d'Armes et l'autre sur la place du Marché, faubourg des Vosges. Ils permirent à de nombreux danseurs et danseuses de tournoyer jusqu'au bout de la nuit.
Communiqué du Général Bard
Le lendemain, le Général Bard, le Commandant d'Armes, fit paraître dans la presse locale un communiqué soulignant "la correction remarquable des troupes de la Garnison de Belfort qui ont défilé ce 14 juillet" et tint à leur adresser ses chaleureuses félicitations.
Carte postale Belfort Drapeau, Lion, Généraux Joffre & Pau
(coll. JM)
Il ajouta "la belle attitude pendant la prise d'armes, la bonne tenue tout le long de ces Fêtes de la Victoire, l'entrain avec lequel elle a apporté son entier concours, la troupe a montrée combien elle est profondément animée des sentiments que tout Français éprouve en ces jours de gloire…"
Épilogue
Ces Fêtes de la Victoire du 14 juillet 1919 furent une belle réussite grâce à la volonté de la municipalité et de ses services, à la contribution de l'autorité militaire avec l'implication d'officiers, de soldats, des deux musiques, ainsi que l'apport de la société de gymnastique La Belfortaine, des sociétés de musique La Lyre Belfortaine et L'Harmonie de Usines, et d'initiatives privées…
Les Belfortains et Belfortaines célébrèrent avec entrain les Fêtes de la Victoire, de la Paix et de la Liberté.
Une belle répétition avant le prochain évènement prévu les 15, 16 et 17 août !
JM
Liens pour accéder aux articles cités
Les Fêtes de la Victoire 1919, 1ère partie : Cliquer ici
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Références : Les journaux La Frontière et L'Alsace (collections Archives départementales du 90, AD90)
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