Marché Fréry de Belfort, un petit historique (1ère partie)
MAJ le 13 juin 2025
Suite au retour en 2025, des ornements sur la façade du Marché Fréry, et dans le cadre du 120e anniversaire de l’ouverture de la halle, à Belfort, le 5 juin 1905, je vous propose un petit historique.
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Projet façade principale, dessin Eugène Lux (doc. AMB)
Les ornements du Marché furent un point dans le cahier des charges du projet, laissant une part importante d’initiative au constructeur du bâtiment métallique.
Au regard de la documentation récupérée, j’ai choisi de présenter cet article en plusieurs parties. La première partie traite de l’idée du projet jusqu’au choix des entreprises intervenantes par le conseil municipal.
1ère partie
L’ancien lieu du Marché
Belfort ne possédait pas un bâtiment très adapté pour accueillir les commerçants de comestibles; ils utilisaient depuis 1875, du moins certaines catégories comme les bouchers, l’ancien Manège des Dragons. Mais son état était un souci pour la municipalité, car il nécessitait de grosses réparations, demandant un budget conséquent.
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Photo Le Manège (doc. CCTB)
Le Manège fut détruit en 1912, pour laisser la place à la construction de la Salle des Fêtes.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l’article consacré au Manège.
Dès 1820, la municipalité de l'époque avait émis un projet de construire un bâtiment spécifique pour installer un Marché couvert, plutôt une halle ouverte !
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Projet 1820 (doc. AD90)
Même si le projet fut dessiné, il ne fut pas mis à exécution.
1898, lancement du projet
En 1898, le projet de construire un Marché couvert fut lancé. Il fut demandé à la Commission des travaux municipaux d’en effectuer la pré étude chiffrée.
Apparemment, cet équipement était une demande récurrente de la population. Dans le cadre des élections municipales de mai 1896, la liste électorale de Charles Schneider l’aurait coché mais sans l’afficher réellement dans son programme.
Le 1er décembre 1898, au cours d’un conseil municipal extraordinaire, le maire Charles Schneider donna la parole au Rapporteur de la commission des travaux, sur ce projet. En voici les grandes lignes de son propos "Son implantation n’était pas encore définitivement choisie, mais notre intention est de placer cette construction entre la ville et les faubourgs. Le projet s’élève à la somme de 250 000 francs. Belfort doit se pourvoir d’un Marché couvert. Les emplacements actuels sont en plein vent et présentent de gros inconvénients…".
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Carte postale Belfort Hôtel de Ville avant 1904 (coll. JM)
Après délibérations, le conseil municipal approuva le projet. Le montant devant être prélevé sur les fonds à provenir de l’emprunt de 1 900 000 francs, prévu à se concrétiser à la fin de l’année.
En début 1900, l’emplacement et la surface du marché furent définis dans le cadre du projet de la reconfiguration du front de la Porte de France, celle-ci fut démolie en 1891; ces terrains déclassés furent cédés par le ministre des armées, après d'âpres discussions, à la municipalité belfortaine qui s’était positionnée comme acquéreuse.
Le projet global du Lotissement, terme usité à l’époque, fut présenté au conseil municipal du 21 février 1900, à partir du rapport de l’agent voyer (architecte municipal) Eugène Lux, dont les éléments concernant le Marché couvert ! La Commission des travaux l’avait adopté, le 19 janvier.
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Plan du Lotissement (doc. AMB)
Sur le plan, on peut voir que le Marché couvert fut prévu initialement orienté à 90° par rapport à sa construction future !
Le choix s’était porté sur une structure métallique, dans la continuité de la vague créée par la Tour Eiffel... et une volonté de la municipalité belfortaine de créer un quartier moderne sur ces nouveaux terrains.
Il fut prévu d’être positionné dans la partie nord de ces terrains à aménager, implanté sur une surface de 36 ares 54; le bâtiment occupant 18 ares, ayant comme dimensions, 30 mètres de largeur et 60 mètres de longueur. Le reste de la surface étant destiné à l’installation des camelots extérieurs.
Sur ce plan, la disposition du Marché couvert est dans son sens définitif, avec deux entrées principales. Une seule fut conservée, celle de gauche côté rue Fréry.
1902, la construction fut actée
Lors du conseil municipal du 11 août 1902, fut votée la construction d’un Marché couvert sur les terrains du déclassement des fortifications, à proximité du Palais de Justice. Un crédit de 270 000 francs fut affecté à cette construction, dont le début de travaux était prévu l’année suivante. Les fonds nécessaires devant être couverts par la vente en 1903, des terrains déclassés.
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Plan d’implantation du marché (doc. AMB)
Le 14 novembre 1902, le conseil municipal décida de mettre en adjudication la construction du Marché couvert, en début mars 1903. Il fut demandé à l’architecte municipal, Eugène Lux, de procéder à l’étude pour respecter cette date définie.
Lors du conseil municipal du 6 décembre, l’architecte demanda l’autorisation et l’obtint, de consulter des spécialistes en architecture métallique, pour lui permettre de poursuivre l’étude commandée. Il consulta plusieurs villes possédant un marché comme ceux ciblés, tels Auxerre, Dijon, Lyon, Nancy… pour élaborer le cahier des charges.
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NA : J’aurai voulu mettre la photo de l’architecte Eugène Lux, mais je ne l’ai pas trouvée. C'est surprenant... donc je suis preneur.
Dès janvier 1903, le 13 courant, le maire soumis au conseil municipal, le rapport de la Commission des travaux proposant un projet type et le cahier des charges provisoire pour la construction du Marché couvert. Par contre le montant estimé à l’origine fut significativement réévalué, passant de 270 000 à 500 000 francs; la partie non budgétée serait couverte par la vente prévue des terrains déclassés.
Décembre 1903, cahier des charges défini
Le projet prit du retard…
L’architecte municipal vint présenter au conseil municipal du 26 décembre 1903, le projet finalisé du cahier des charges, structuré et élaboré en sept points
1. Partie métallique
2. Maçonnerie des fondations au niveau du sol
3. Charpente et menuiserie en bois
4. Couverture, ferblanterie, zinguerie et plomberie
5. Peinture
6. Vitrerie
7. Poterie, terre cuite, céramique et objets de décoration
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Extrait de la délibération du 26 décembre 1903 (doc. AMB)
Les fondations et la maçonnerie étaient prises en charge par la municipalité.
Ce cahier des charges comprenait aussi des impositions, en voici les principales.
Il était imposé que le concurrent soit français et devait prouver la réalisation de projets similaires depuis moins de 5 ans
Chaque concurrent devait fournir à l’échelle 1/100e
- une élévation de chaque façade
- un plan
- une coupe transversale
- une coupe longitudinale
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Extrait du cahier des charges (doc. AMB)
Complétés des dessins de détails à l’échelle 0,05 centimètre / mètre, indiquant les principaux assemblages, les détails de décoration des façades et des entrées.
Par contre, toute latitude leur était laissée pour introduire dans les décorations, leurs idées personnelles.
Le concurrent devait fournir aussi
- un devis descriptif sur les conditions d’exécution des parties métalliques devant supporter pendant le processus
- un cahier des charges des calculs de résistance de toutes les parties métalliques
- un détail estimatif de tous les travaux
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Projet façade principale, dessin Eugène Lux (doc. AMB)
La structure métallique
La hauteur des façades devait être de 7,30 mètres à minima, et
- la toiture devait comporter un lanterneau vitré avec ventilation latérale
- les façades seraient pourvues de grands châssis vitrés dont une partie en lames disposées en persiennes
- la couverture sera en zinc n°14 posée sur un voligeage en sapin
- les cases de séparations métalliques auront 2 mètres de hauteur et seront disposées sur tout le pourtour
- du côté de la façade nord, deux postes équipés de 6 cabinets avec sièges à la turque
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Projet façade longitudinale, dessin Eugène Lux (doc. AMB)
La décoration & les équipements
La façade principale donnant sur la rue Fréry, avec sa porte principale, devant posséder un aspect monumental et être surmonté d’un campanile avec la cloche du marché. Une grande horloge à deux cadrans, un à l’extérieur et un à l’intérieur, devra être incluse dans la grande partie vitrée de cette façade.
Les façades latérales comporteront des entrées beaucoup plus simples avec fronton curviligne au-dessus.
La façade nord comportera une baie simple, munie d’une grille.
L’éclairage au gaz devra être prévu à l’intérieur et à l’extérieur, ainsi que l’eau.
Une échelle de visite devait permettre l’accès à la toiture via les deux côtés latéraux.
Le bâtiment sera pourvu d’un paratonnerre équipé pour le protéger.
Etc…
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Projet coupe transversale, dessin Eugène Lux (doc. AMB)
Sa construction devant être réalisée en un an maximum.
NA : Cette description peut paraître longue mais elle permet d’avoir une bonne perception de l’équipement attendu et qui sera réalisé.
L’aménagement intérieur
L’architecte Eugène Lux avait aussi établi un plan de la partie intérieure pour quantifier les emplacements.
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Plan de l’aménagement, dessin Eugène Lux (doc. AD90)
Le conseil municipal valida le cahier des charges présenté le 26 décembre 1903; il fut approuvé par le conseiller de la préfecture, XXX Maillefer, pour le préfet, le 2 février 1904.
La communication
L’avis du concours fut publié dans la presse locale à partir du 11 février, dans les journaux de "La Frontière", "Le Haut-Rhin Républicain", "Le Journal de Belfort".
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Extrait facture Journal de Belfort et du Haut-Rhin (doc. AMB)
Vu le contexte, une annonce fut aussi passée dans la presse spécialisée, "Le Journal des Travaux Publics".
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Extrait facture Journal des Travaux Publics (doc. AMB)
Une Commission fut nommée, en charge d’analyser les projets et les offres des constructeurs.
20 mai 1904, projet retenu
Lors du conseil municipal du 20 mai 1904, l’adjoint au maire, Xavier Houbre, présenta le rapport de la Commission chargée d’analyser les projets reçus des constructeurs, lors du concours. Elle avait retenu celui présenté par la société parisienne Schwartz et Meurer, dont le montant s’élevait à 240 000 francs.
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Extrait de la délibération du 20 mai 1904, actant le projet retenu
(doc. AMB)
Le conseil municipal se rangea à la proposition de la Commission, vu que le dossier présenté respectait les conditions imposées par le concours, les garanties apportées… Il autorisa le maire à passer un marché de gré à gré avec ce constructeur. La décision fut approuvée par le préfet, le 11 juillet 1904.
Schwartz et Meurer
L’entreprise parisienne possédait une grande expérience en la construction de structure en fer, type jardins d’hiver, serres monumentales, charpentes métalliques, orangeries, vérandas, verrières, kiosques, grilles monumentales, marquises…
Brochure de la Maison Schwartz & Meurer 1900 (doc. AMB)
Elle avait réalisé la charpente de la Bourse de commerce à Soissons, le marché couvert de la Corogne (Espagne), les verrières des magasins de la Samaritaine, la porte principale du Grand Palais à Paris en acier forgé et bronze, la galerie de l’Institut Pasteur, les grandes serres de Paris à Auteuil…
14 Juin 1904, marché de gré à gré
Le marché de gré à gré entre le maire de Belfort, représenté par son adjoint, et la société parisienne Schwartz et Meurer, fut signé le 14 juin 1904.
Cette signature anticipait l’approbation du préfet qui le fit officiellement le 11 juillet; le maire avait dû obtenir un accord verbal.
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Extrait du marché de gré à gré du 14 juin 1904 (doc. AMB)
Apparemment, un accord d’anticipation avait dû être contracté pour anticiper le lancement de la fabrication des éléments nécessaires à la construction de la structure, car par courrier du 10 juin, la société informait le maire que ces travaux de fabrication des pièces élémentaires, étaient bien avancés et qu’ils permettraient l’assemblage à Belfort très prochainement, vers le 15 juillet. Ce qui donnerait comme projection, une structure assemblée fin août et une fin de travaux mi-octobre, à la condition que le terrassement soit effectué pour mi-juillet.
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En-tête courrier Entreprise Schwartz & Meurer (doc. AMB)
Le contenu de ce courrier fut communiqué par l’adjoint au maire, lors du conseil municipal extraordinaire du 14 juin 1904. Car l’adjudication pour les travaux de maçonnerie étant prévu le 30 juin, la date du 15 juillet venait se télescoper avec les délais pour effectuer les travaux de maçonnerie.
Les conseillers confirmèrent leur décision du 20 mai, que les travaux de maçonnerie devaient être mis en adjudication, comme prévu. Il appartenait à la municipalité, au cas il n’y aurait pas d’offre de soumission, de trouver une solution à l’amiable.
Les travaux de maçonnerie (fondation…)
Lors du conseil municipal du 20 mai 1904, l’architecte Eugène Lux présenta le dossier concernant les travaux de maçonnerie pour la construction du Marché. Il comprenait le cahier des charges, les plans de fondations et d’ensemble, la petite maçonnerie et le dallage. Le devis estimatif s’élevait à 35 000 francs.
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Extrait de la délibération du 20 mai 1904 (doc. AMB)
Le conseil municipal, après délibération, adopta les plans et le devis. Il demanda que ces travaux soient attribués par adjudication. La décision fut approuvée par l’administrateur du Territoire de Belfort, Jean Théodore Fleury, le 8 juin.
L’adjudication des travaux de terrassement et de maçonnerie
Par voie de presse et via un affichage, la municipalité annonça la mise en adjudication des travaux de terrassement et de maçonnerie, le 10 juin 1904. Le montant des travaux était affiché à 31 457,07 francs.
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Extrait affiche de mise en adjudication des travaux (doc. AMB)
Les soumissionnaires pouvaient prendre connaissance du cahier des charges et des conditions auprès de l’architecte communal, Eugène Lux.
La date de l’adjudication était prévue le 30 juin 1904, à 15 heures, à la mairie.
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Extrait du procès-verbal de l'adjudication du 30 juin 1904 (doc. AMB)
À cette date, sous la responsabilité de l’adjoint au maire, Xavier Houbre, se déroula le classement des soumissions des entreprises belfortaines, au nombre de six, proposant un montant réduit de -10 à -23%.
1 : J. Tournesac -10%
2 : A. Genteix -11%
3 : J. Dimanche -12%
4 : S. Simonet -22%
5 : C. Paronelli -13%
6 : A. Guidon -23%
Donc l’entreprise Adrien Guidon, installée au 11 avenue de la Gare, remporta l’adjudication ayant proposé la ristourne la plus élevée (-23%) donc le montant le plus faible, à 24 221,95 au lieu de 31 457.07 francs.
Fin de la première partie
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire dont la 2e partie de cet article.
Épilogue
Il y a déjà quelque temps que je voulais rédiger un article sur le Marché couvert et j’avais calé sa diffusion sur le retour des ornements, toujours dans le concept de lier le présent et le passé…
Le Marché couvert fut important pour Belfort car la ville ne possédait pas un vrai bâtiment pour accueillir les commerçants de comestibles.
JM
Lien pour accéder à l’article cité
Le Manège, accueillit le marché : Cliquer ici
Le Marché couvert, le Sommaire : Cliquer ici
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