Les Grandes Fêtes patriotiques de 1919 à Belfort, les préparatifs (1ère partie)
MAJ le 21 aoît 2019
Les Fêtes de la Victoire furent célébrées le 14 juillet 1919, le jour de la première fête nationale après la fin de la Première Guerre Mondiale.
Si elles se déroulèrent aussi à Belfort à cette date, elles le furent réellement du 15 au 17 août, sous le titre Les Grandes Fêtes Patriotiques de 1919 !
Affiche annonçant les Grandes Fêtes Patriotiques (doc. AMB)
Pourquoi ?
Belfort ne pouvaient pas célébrer Les Fêtes de la Victoire sans la présence des Alsaciens qui n’étaient pas disponibles ce 14 juillet… car ils voulaient les fêter en ce jour de Fête nationale, sur leur territoire, enfin libéré du joug allemand !
L’article, suite à la densité des informations, est traité en plusieurs parties.
Cette première partie est consacrée à la genèse du projet et à la mise en place de l’organisation pour réaliser ces fêtes.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au sommaire où sont répertoriées toutes les parties de l'article.
Un peu d’histoire…
Suite au Traité de Francfort du 10 mai 1871, L’Alsace et une partie de la Lorraine furent annexées par l’Allemagne* en représailles de la défaite de la France lors de la guerre de 1870-1871 contre la Prusse.
*Allemagne : L’Empire allemand fut créé le 18 janvier 1871… en France, au Château de Versailles, dans la galerie des glaces ! Il fut formé de 25 états, à partir des anciens Royaumes dont la Prusse, des Grands-Duchés, des Duchés, des Principautés, des Villes libres et hanséatiques.
Image de la proclamation de l’Empire Allemand à Versailles (coll. JM)
Seul l’arrondissement de Belfort du Haut-Rhin resta français grâce, en particulier, à deux hommes. Le premier, le colonel Denfert-Rochereau qui tint tête avec ses hommes pendant 103 jours du Siège soumis par les armées du général Von Treskow et le second, Adolphe Thiers*, le chef du pouvoir exécutif français, qui négocia âprement cette disposition lors des négociations du Traité de Francfort.
*Adolphe Thiers : Il fut le premier Président de la 3e République nommé le 31 août 1871 par l’Assemblée.
Carte postale Centenaire du Siège Adolphe Thiers & Col Denfert (coll. JM)
En 1919, la Fête nationale devint la Fête de la Victoire faisant suite au traité de Versailles signé le 28 juin dans la Galerie des glaces du château de Versailles.
Carte postale Galerie des glaces Table utilisée pour le traité de Paix (coll. Privée)
NA : Le lieu et le choix de la date du traité étaient des symboles, ils permettaient d’effacer la défaite française de 1871 avec la proclamation de l’Empire allemand et commémorait l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914; l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier de l'Empire austro-hongrois, et de son épouse, fut l’élément déclencheur de la Première Guerre Mondiale.
Ainsi le défilé du 14 juillet devint le défilé de la Victoire en 1919. Il fut d’une très grande ampleur à Paris avec entre autre, la présence des armées alliées invitées. Dans toute la France, les défilés furent de grands moments de solennité et de joies.
Carte postale Paris Les Fêtes de la Victoire Le bas du cénotaphe (coll. Privée)
Belfort était représenté par des militaires des 35e, 42e, 235e, 242e Régiments d’infanterie et des 49e et 50e Régiments Territoriaux. Ils étaient accompagnés par des médaillés militaires et de titulaires de citations.
Les Fêtes de la Victoire en Alsace
Depuis cette séparation subite en 1871, à chaque grande fête organisée à Belfort, les alsaciens et alsaciennes venaient très nombreux participer aux événements proposés… qu’ils soient sportifs, musicaux ou autres !
Mais pour ce 14 juillet 1919, ils voulaient fêter ce moment d’union nationale chez eux, dans leur territoire libéré du joug allemand, redevenu français…
Carte postale Mulhouse 1ères Fêtes de la Victoire (coll. privée)
L’Alsace put célébrer, chez elle, la fête de la République et acclamer sur sa terre libérée les armées victorieuses.
Donc si Belfort célébra les Fêtes de le la Victoire en ce 14 juillet 1919, il manquait quelque chose d’où la volonté d’organiser un autre événement avec la présence du peuple alsacien !
29 juin, lancement du projet de Fêtes avec les Alsaciens
François-Xavier Houbre*, assurant la fonction de maire, réunit le conseil municipal le dimanche 29 juin, le Comité des fêtes et les présidents de plusieurs associations locales pour mettre en œuvre un projet patriotique dans cette optique de fraternité.
François-Xavier Houbre (photo AD90)
*François-Xavier Houbre : Peu après sa réélection, le maire Charles Schneider décéda le 8 décembre 1914. En tant que 1er adjoint, il fit fonction de maire. Aux élections suivantes en 1920, il ne fut pas élu !
Carte postale Hôtel de ville de Belfort (coll. JM)
L’idée proposée fut retenue car elle permettait de fêter la Victoire, la Paix retrouvée chèrement avec le retour de l’Alsace et la partie de la Lorraine à la France en la Cité du Lion ! Qui pouvait mieux que Belfort, seul lambeau d’Alsace resté français, renouer les relations étroites d’amitié et de fraternité ?
Le président de La Belfortaine*, Edouard Lévy-Grunwald suggéra d’organiser de grandes fêtes les 15, 16 et 17 août pour que Belfort accueille ses frères d’Alsace et célèbre ensemble ces Fêtes de la Victoire !
Edouard Lévy-Grunwald (Photo Livre Les Maires de Belfort)
*La Belfortaine : Société de gymnastique, créée en 1901, par Emile Parrot.
Louis Jeanneret, le président du Comité des fêtes, proposa d’organiser un grand défilé historique et allégorique impliquant des sociétés des deux entités démontrant ainsi la volonté de célébrer ensemble les Fêtes de la Victoire. Il accepta d’assurer la présidence de la Commission d’initiative en charge du projet.
Il fut même proposé un titre ‘’Les Fêtes du Haut-Rhin intégral’’ !
Carte postale Le Haut-Rhin (coll. BF)
Afin de mettre en œuvre ce projet, le conseil municipal s’engagea à voter un budget significatif très prochainement. Le délai était relativement court mais pas impossible. Une souscription fut lancée auprès des sociétés locales et alsaciennes pour abonder le budget.
Pour passer du concept à un projet structuré, il fut mis en place une organisation s’appuyant sur un Comité d’honneur composé du sénateur Laurent Thiéry, du député Louis Viellard, de conseillers municipaux, du préfet Maurice Anjubault et d’autorités militaires.
Trois conseillers municipaux furent choisis pour piloter le travail effectif, Louis Jeanneret fut nommé président du Comité d’organisation, Joseph Pelot comme secrétaire et Emile Py en tant que trésorier. Il fut décidé que toutes les sociétés participantes de Belfort auraient un membre en son sein.
Pour que ces fêtes soient à la hauteur de la volonté exprimée, il fut décidé de convier toutes les villes et communes de l’ancien Haut-Rhin à participer en venant avec leurs chars et cortèges exprimant leurs coutumes.
Carte du Haut-Rhin, la partie verte étant le Territoire resté français en 1871
De mêmes, toutes les sociétés locales qu’elles soient musicales, sportives, d’anciens militaires… devaient être sollicitées afin de donner de l’éclat à ces fêtes du souvenir, tout en démontrant notre solidarité envers nos frères d’Alsace.
1ère page du document envoyé pour présenter la démarche (doc. AMB)
La démarche fut aussi effectuée auprès des autorités militaires.
3 juillet, sollicitation des associations locales
Le 3 juillet, le conseil municipal entérina la constitution du Comité d’organisation comme proposé.
Suite à la réunion du 28 juin et la décision prise d’organiser Les Fêtes du Haut-Rhin intégral, le conseil municipal et les représentants de toutes les associations locales furent réunis à la mairie pour présenter le projet et solliciter leur participation au projet.
Courrier adressé par le président du Comité (doc. AMB)
Le 5 juillet, pour permettre de couvrir les frais à engager pour organiser cette manifestation, les conseillers municipaux votèrent un budget de 20000 francs.
Extrait du PV du Conseil municipal du 5 juillet 1919 (doc. AMB)
Le 6 juillet, le président du Comité adressa un courrier à tous les maires des communes du vieux département du Haut-Rhin, pour expliquer la démarche belfortaine, les conviant à partager ensemble ce grand moment de fraternité en toute liberté.
Courrier adressé aux maires par le président du Comité (doc. AMB)
8 juillet, première réunion plénière
A l’initiative du président du Comité d’organisation, une réunion de lancement se déroula le 8 juillet, à la mairie où étaient invitées toutes les forces de vives de la ville, associations, groupements, syndicats… des membres du conseil municipal et des personnalités de la ville.
Carte postale Belfort L’Hôtel de ville (coll. JM)
Louis Jeanneret leur présenta le projet, du moins le concept qui reçut l’approbation des participants.
Pour se répartir la charge de travail liée au projet face au délai court, il fut décidé de créer des sous-commissions et de les mettre au travail de suite. Chaque commission désigna son président :
- Commission des souscriptions : Edouard Lévy-Grunwald
- Commission de propagande : Jean-Baptiste Saget
- Commission du programme : Marc Dietsch
- Commission des chars et costumes : Georges Fierobe
- Commission de la décoration des rues : (Edmond) Passard
Elles définirent chacune leur plan d’action pour répondre au challenge car le temps était compté. En fin de réunion de travail, les résultats permirent de lancer les premières actions destinées à atteindre les objectifs assignés.
La commission des souscriptions dressa une première liste de quêteurs répartis par secteur. Ils effectueront les démarches auprès des habitants de la ville, des industriels et des personnalités de la région.
Quant à la commission de propagande, elle avait ciblé et listé tous les moyens devant être actionnés pour faire connaître le futur évènement patriotique de Belfort et susciter le maximum de participation.
Carte postale Belfort invite l'Alsace (coll. BF)
La commission du programme avait étudié la mise en place de projets attrayants pour animer les trois jours de fête dans les différents quartiers de la Cité du Lion. Toutefois, elle préféra ne pas communiquer sur ces idées dans un premier temps, temps nécessaire pour leur murissement.
Un véritable challenge reposait sur la commission des chars et des costumes car elle devait mettre en oeuvre le clou de ces Fêtes, le défilé. Elle avait dressé une liste très fournie des composantes qu’il fallait concrétiser pour finaliser le projet mais il passait par la participation des municipalités de l’ancien Haut-Rhin et des industriels qui devaient fournir des chars et des figurants.
Carte postale Belfort Festivités (coll. JM)
Sans oublier que Belfort et les communes environnantes devaient contribuer à apporter un grand nombre d’éléments au cortège grâce au concours des associations, des commerçants, des ouvriers, des agriculteurs...
Elle s’était donnée comme objectif de ficeler la composition du cartège au 20 juillet.
Pour la commission de la décoration des rues, du futur parcours et des lieux de réjouissance, elle avait défini le contour approximatif des moyens nécessaires pour remplir sa mission.
Carte postale Belfort Fêtes Patriotiques Fbg des Vosges (coll. JM)
La réussite de ce cortège passait aussi par la réalisation d'habits et il y aurait beaucoup de costumes à confectionner au regard de la volonté qu’il soit le plus important possible ! Il fallait donc mettre à contribution un maximum de dames pour réaliser les costumes mais aussi les décorations des chars… un appel par voix de presse fut lancé par Joseph Pelot.
Un communiqué détaillé du maire fut inséré dans la presse locale le 10 juillet pour informer les lecteurs donc la population de la démarche entreprise par la municipalité pour réunir l’ancien département du vieux Haut-Rhin les 15, 16 et 17 août lors des Fêtes de la Victoire et de la Paix.
Extrait du communiqué dans le journal La Frontière (coll. AD90)
Comme prévu, le Comité convia les autorités militaires à autoriser les régiments de Belfort et d’Héricourt à participer activement à la manifestation dont au défilé.
Epilogue
Le 29 juin 1919, la Ville de Belfort prit l’initiative d’organiser des Fêtes de la Victoire communes avec les Alsaciens du Haut-Rhin, à une date postérieure à la date officielle du 14 juillet où chacun les fêterait indépendamment.
L’objectif était de réunir les entités séparées en 1871, pour une grande manifestation de réconciliation tant attendue !.
15 jours après le Comité d’organisation était nommé ainsi qu’une organisation pour mettre en place ces Grandes Fêtes Patriotiques programmées pour les 15, 16 et 17 août 1919 !
JM
Lien pour accéder aux articles cités
Le sommaire des différentes parties de l’article : Cliquer ici
La 2e partie de l’article, L'élaboration du programme : Cliquer ici
Références textes : Dossier sur les Fête patriotiques des Archives Municipales de Belfort (AMB), Les journaux La Frontière et L’Alsace (collection Archives Départementales du 90 (AD90), Magazine Vivre le Territoire, Brochure du programme officiel (doc. AD90), Livre Les Maires de Belfort (C. Grudler)
Référence Web : Wikipédia, Divers autres Sites
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