Tour de France 1910, Ballon d’Alsace & Belfort

27 juillet 2020

Tour de France 1910, Ballon d’Alsace & Belfort

Comme en 1909, le Territoire de Belfort reçut le Tour de France venant de Metz avec l'arrivée à Belfort lors de la 3^e étape, avec passage par le Ballon d’Alsace, le 7 juillet 1910.

Annonce Tour de France 1910 (doc. L'Auto, Gallica BNF)

Le Tour de France, depuis 1907 faisait étape à Belfort après n'avoir fait que traverser la Cité du Lion en 1905 et 1906.

Le départ était prévu le surlendemain à Danjoutin pour rejoindre Lyon.

NA : En fin de texte un lien permet d'accéder au Sommaire recensant les articles sur le Tour de France.

Le Tour et le Ballon d’Alsace, un passage obligé…

Dès la 3e édition, en 1905, les organisateurs du Tour de France décidèrent d'emprunter les routes du Ballon d'Alsace, en montant le versant vosgien pour parvenir à Belfort. Il fut le tout premier col à gravir pour les coureurs. Cette difficulté ayant répondu à leur attente, fut reconduite, offrant aux concurrents un terrain idéal pour s'expliquer !

Carte postale Ballon d’Alsace Statue Jeanne d'Arc (coll. BF)

NA : Dans l’article traitant le Tour de 1907, j’ai listé les passages (20) ou arrivées au sommet (4), un lien en fin du texte vous permet d’y accéder.

Tour de France 1910, 6e visite dans le Territoire de Belfort

Lors de cette 8e édition du Tour de France, 4737 kilomètres étaient au programme des 110 coureurs dont 29 au sein de 3 équipes (Alcyon, Le Globe et Lelagno) et 81 indépendants.

Tracé du Tour de France 1910 (création BF)

Le parcours s'articulait toujours autour de 15 étapes avec un départ le 3 juillet à Paris, depuis le quai d’Asnières vers le Pont de l’Ile de la Jatte et une arrivée le 1er août au Parc des Princes à (Boulogne) Paris.

Une nouveauté importante pour cette édition avec le passage par les cols des Pyrénées, apportant de nouvelles difficultés à franchir. Il s'agit des cols du Portet d'Aspet (1069 m), Peyresourde (1569 m), Aspin (1489), Tourmalet (2115 m) et Aubisque (1709 m); les 4 derniers cols lors de l'étape Luchon-Bayonne !

Carte postale Luchon (coll. privée)

Une nouvelle ville fut à l'honneur du passage du Tour, en étant ville étape dans les Pyrénées, Luchon qui fut ville d'arrivée pour la 9e étape venant de Perpignan et départ pour la 10^e étape vers Bayonne.

Quelques infos… sur le règlement

Pour le Tour 1910, les coureurs avaient droit à une seule bicyclette, par ailleurs identifiée par poinçonnage par les organisateurs pour s'assurer du respect de ce point du règlement.

Exemple de bicyclette (Journal L’Auto, doc. Gallica BNF)

Pour le classement général, le système retenu fut le comptage par point. Les coureurs cumulaient les places obtenues à chaque étape; le vainqueur était celui qui avait récolté le moins de points, donc les meilleures places.

Le changement de vitesse fut utilisé par 5 coureurs : Alavoine, Brocco, Cornet, Pavesse et Petit-Breton.

A l'occasion de ce Tour, fut adjointe une voiture balai.

Les premières étapes…

1^ère étape : Paris-Roubaix

Le départ de l'édition 1910 s'effectua du Pont de l'île de Jatte à 5 heures à destination de Roubaix. La victoire revint à Charles Crupelandt de l'équipe Le Globe, le natif de… Roubaix, après 8h54 de course pour effectuer les 272 kilomètres de l'étape !

À Amiens, il s'était échappé avec Octave Lapize et Alphonse Charpiot d'un groupe de 19 coureurs précédant le peloton de 7 minutes. Charpiot va être contraint de laisser ses deux compagnons suite à une rencontre impromptue avec un troupeau de vaches provoquant sa chute vers Albert puis ce fut au tour de Lapize d'être obligé de laisser partir le futur vainqueur, suite à une crevaison.

Carte photo Charles Crupelandt (doc. Wikipédia)

Il arriva à Roubaix avec près de 20 minutes d'avance sur le belge Cyriel Van Hauwaert et Octave Lapize. Il prenait la tête du classement général.

2e étape : Roubaix-Metz

Après une journée de repos, la 2^e étape du 5 juillet menait les coureurs de Roubaix à Metz, distants de 398 kilomètres. Le départ de l'enfant du pays, Charles Crupelandt, fut effectué devant un nombreux public, malgré l'heure matinale, venu applaudir le vainqueur de la 1^ère étape !

Carte postale Roubaix (coll. privée)

Le passage aux douanes allemandes et française se passa sans opération de contrôle; la vérification de l'inspection des plombs fut non effectuée.

La course se décanta à la hauteur de Hirson avec un groupe détaché emmené par l'équipe Alcyon avec André Blaise, François Faber, Gustave Garrigou, Octave Lapize, Cyriel Van Van Hauwaert où s'était joint l'italien Pierino Albini,. À Sedan, le groupe, qui avait perdu l'italien Albini et le français Blaise, possédait 20 minutes d'avance sur les poursuivants.

Le luxembourgeois François Faber, le plus fort, va lâcher ses adversaires pour arriver seul à Metz après 13h08 de course, en ayant subi averses et soleil, mais aussi crevaison.

Carte postale Metz L'arrivée (coll. privée)

Le vainqueur du jour récidivait ainsi, en gagnant cette même étape comme en 1909 !

La 2^e place revint à Gustave Garrigou à 7 minutes, puis Octave Lapize et le belge Cyriel Van Hauwaert à 17 minutes.

Carte postale François Faber (coll. privée)

François Faber prenait la tête du classement général.

3^e étape Metz Belfort par le Ballon d’Alsace

La 3^e étape du jeudi 7 juillet, reliait Metz à Belfort (259 km) avec comme plat de résistance pour les coureurs, la montée du Ballon d'Alsace.

François Faber allait-il faire la passe de trois après ses belles victoires en 1908 et 1909 ?

Le départ s'effectua à 3 heures, à partir de la Brasserie Landshull à Metz pour les 96 forçats de la route devant une foule importante malgré l'horaire matinal.

Carte postale Metz Henri Cornet félicité (coll. privée)

La météo prévue était tournée plus vers la pluie que vers le soleil. Les coureurs en eurent rapidement confirmation, le passage à Nancy s'effectua sous une averse tenue mais la présence d'un chaleureux public donna du tonus aux coureurs avec un premier peloton d'une quarantaine d'unités dont les principaux favoris.

Carte postale Nancy Souvenir (coll. privée)

Le 1^er peloton passa à Lunéville (60^e km) et à Baccarat (107^e km), sous quelques éclaircies, avec quelques minutes d'avance sur le reste des coureurs un peu éparpillé. Mais la pluie les rattrapa avant Épinal (149^e km) où une sélection s'était effectuée avec un groupe réduit comprenant François Faber, Maurice Brocco, Henri Cornet, Gustave Garrigou, Émile Georget, Octave Lapize, Lucien Petit-Breton et Cyriel Van Hauwaert.

Carte postale Georget au contrôle d'Epinal (coll. privée)

Au passage à Remiremont à 9h30, sous la pluie battante, les huit coureurs sont toujours ensemble après 176 kilomètres parcourus. Ils devançaient un autre groupe de 6 coureurs où se trouvaient Charles Cruchon, François Lafourcade, Ernest Paul, Augustin Ringeval et Constant Ménager. Ce dernier va quitter ce groupe pour rejoindre le précédent avant la difficulté de la journée.

Carte postale Augustin Ringeval (coll. Wikipédia)

À l'assaut du Ballon d'Alsace

Au pied du Ballon d'Alsace, à Saint Maurice (205^e km), ils ne sont plus que sept suite à la casse de leur chaîne pour Petit-Breton et Brocco. Mais peu après l'amorce de la montée, Georget mit pied à terre et remplaça son pignon pour s'adapter à la pente ! Malgré le temps nécessaire à l'opération, il rattrapa, un par un, les membres du groupe éparpillés dans la montée où Lapize avait pris un peu d'avance. Après Ménager, ce fut au tour de Van Hauwaert de voir passer un bolide, puis Cornet et Faber ne purent pas plus résister comme Garrigou ! Lapize qui croyait passer en tête au sommet dut déchanter quand il vit fondre sur lui Georget qui le laissa, comme sur place, pour franchir le col, à 11h25, et plonger dans la descente rendue très dangereuse par la pluie…

Carte postale Émile Georget (coll. privée)

Le plus stoïque, à son passage, fut René Pottier, du moins sa stèle, qui fut le premier à passer le col en 1905. Il apprécia la performance…

La stèle avec la nouvelle plaque (photo JM)

NA : Un lien en fin de texte permet d’accéder à l’article concernant cette inauguration du 18 juillet 1908.

La suite du classement au passage du sommet fut : 2^e Octave Lapize, 3^e Gustave Garrigou, 4^e Henri Cornet et 5^e François Faber; ce dernier ne put renouveler son exploit de 1909, ni Garrigou celui de 1907. Par contre Émile Georget inscrivait son nom pour la 2^e fois, après celui de 1907 rejoignant ainsi René Pottier (1905 & 1906).

Classement au sommet du Ballon d’Alsace (passage)

1905 : René Pottier

1906 : René Pottier

1907 : Émile Georget

1908 : Gustave Garrigou

1909 : François Faber

1910 : Émile Georget

Belfort, ville d’arrivée le 9 juillet

Depuis 1907, Belfort avait pris un abonnement avec le Tour de France après avoir été ville de passage en 1905 et 1906, où les coureurs devaient émarger leur passage à la table de contrôle.

Carte postale Le Lion de Belfort (coll. BF)

La météo sans être ensoleillée, fut clémente avec l'absence de pluie.

Comme toujours ou avec fidélité implicite, l'arrivée du Tour de France s'effectuait sur le quai Vauban où était implanté le magasin de Charles Chaussin, le représentant du journal L'Auto, l'organisateur de cette épreuve depuis 1903.

La sécurité était assurée conjointement par la police et les militaires qui tenaient le public derrière les cordes tirées sur les deux derniers hectomètres précédant l'arrivée.

Publicité parue dans le journal La Frontière (doc. AD90)

Comme pour chaque arrivée du Tour de France, le public s'était amassé le long du quai avec une importante délégation de militaires. À la hauteur de l'arrivée, il y avait des membres de l'organisation dont Georges Albran en charge des arrivées, secondé par Alphonse Steinès de L'Auto et Fernand Chaussin.

Bien entendu, l'organisateur Henri Desgrange était présent accompagné par ses journalistes de la rédaction Victor Breyer et (Sels).

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à un article consacré en parti à Henri Degranges.

En ce lieu étaient aussi de nombreuses personnalités dont Raoul Fauran, le conseiller général de la préfecture, des officiers des garnisons de la place, des commerçants, des industriels… dont Albert Pircker, Erhard, Henri Colas, Besançon, Emile Pelot, Touvet, le docteur Haas…

Carte postale Belfort Quai Vauban (coll. BF)

Émile Georget fort de sa toute petite avance au sommet du Ballon d'Alsace fonça dans la descente, ne laissant pas la possibilité à ses adversaires de revenir. Il arriva seul à Belfort, couvert de boue, franchissant la ligne d'arrivée à 12h07.

Le photographe et éditeur belfortain Henri Cardot photographia le vainqueur du jour.

Carte postale Émile Georget porté en vainqueur (coll. privée)

Le coureur récidivait donc après avoir gagné cette même étape lors du Tour 1907, qui fut pour la première fois, ville d'étape "Arrivée" dans la Cité du Lion; le début d'un long bail avec l'organisateur, le journal L'Auto !

Il avait ainsi relié Metz à Belfort avec le temps de 9 heures et 7 minutes améliorant le temps mis par François Faber, de 9h28 réalisé en 1909. Si la météo de ce Tour fut maussade, elle le fut un peu moins que l'année précédente, permettant un meilleur chrono sur l'étape.

Interviewer par le journaliste de L'Auto, Aphonse Steinès, il lui dit :

"J'ai lâché tous mes camarades dans le ballon d'Alsace que j'ai pourtant abordé après eux. J'en ai mis comme un sauvage. Je suis arrivé devant le monument Pottier avec une centaine de mètres d'avance. Dès lors, et à moins de crevaison, ils ne pouvaient plus espérer me revoir dans la descente. Enfin la guigne est finie…"

D'après le journaliste du journal L'Alsace, il montait une bicyclette patriotique, "La Française" malgré son appartenance à l'équipe italienne Legnano.

Carte postale Publicité bicyclette La Française (coll. privée)

NA : Je doute que ce soit cette marque de bicyclette qu'il utilisa, mais plutôt une italienne Legnano !

Le vainqueur de l'étape deux précédentes éditions (1908 & 1909), François Faber, ne passa que 5^e au sommet du Ballon d'Alsace. Il effectua une descente de feu pour prendre la 2^e place, terminant à 4 minutes du vainqueur avec sur ses talons, Gustave Garrigou à 1 minute.

Côté des indépendants, un tir groupé avec François Lafourcade qui arriva 8^e à 25 minutes de Georget battant Augustin Ringeval au sprint et Constant Ménager 10^e à 32 minutes.

Carte postale François Lafourcade (coll. privée)

La météo qui avait été clémente pour une petite moitié des premiers coureurs, fut de nouveau pluvieuse et glaçante, arrosant à nouveau les autres sans bulles de champagne !

Au classement général, Émile Georget effectua une belle remontée avec une 15e place lui qui était au départ 24e. François Ferber confortait sa 1^ère place avec 7 points devant le belge Cyriel Van Hauwaert (11 points) et Octave Lapize (12 points).

Charles Cruchon était le 1^er Indépendant avec une 6^e place.

Les enregistrements s’effectuaient à la Brasserie Danjean où œuvrait Charles Chaussin accompagné par MM. Maurice Monin et Paul Gasnet. Une partie du public était venue vers ce lieu pour mieux voir les forçats de la route, profitant que le cordon de sécurité était moins présent.

Carte postale Belfort La Brasserie Danjean (coll. JM)

L'orchestre Zamboni de la brasserie interpréta la Marseillaise pour honorer les 16 premiers coureurs.

Lors de cette étape, 13 concurrents furent éliminés soit par abandon où n'ayant pas rentré dans le délai imparti fixé à 19h45 calculé sur la vitesse de 15 kilomètre/heure. 83 coureurs franchirent la ligne avant l'horaire fatidique.

Par contre trois retardataires furent désappointés, car arrivés à moins de dix minutes après l'heure couperet… le règlement est le règlement, il fut appliqué par les juges droits dans leurs bottes. Les trois éliminés étaient des indépendants Célestin Guillermoz, Octave Doury et Adrien Melaye.

Douchés par la flotte, douchés par le règlement !

Les primes

À chaque étape, des primes étaient distribuées par l’organisateur du Tour, aux meilleurs coureurs de la journée. Pour cette étape, les 6 premiers coureurs par équipe étaient récompensés.

Extrait du journal L’auto (coll. BNF)

Concernant les "Isolés" (ou Indépendants), seuls les deux premiers recevaient une prime, 100 francs au premier et 40 francs au second.

D'autres récompenses fournies par des commerçants, industriels, sociétés… étaient attribuées en fonction des critères retenus par les donateurs. Par exemple, il fut donné 50 francs à Émile Georget passant au premier devant la stèle Potier au Ballon d'Alsace.

Les primes récoltées (doc L'Auto, Gallica BNF)

Un prix spécial, le prix Labor, concernait l'attribution d'une bicyclette Labor au premier "isolé" arrivant à Belfort.

Carte postale Publicité Labor (coll. privée)

Elle fut remportée par François Lafourcade.

Monsieur Mangold, propriétaire du Paris Bazar, offrit une carte géante de Belfort à tous les coureurs franchissant la ligne d'arrivée à Belfort.

Trois belfortains dans le Tour

Pour cette édition, trois belfortains participèrent à cette compétition :

Émile Abbeg, dossard n°139 sur bicyclette Alcyon. Il termina 43e de l'étape en 11h33. Il avait fini aux étapes précédentes 60^e, 50^e et 31^e. Mais il ne prit pas part au départ de la 4e étape, abandonnant..

Charles Clodi dossard n°157 sur bicyclette Alcyon, il ne termina pas cette 3e étape. Il avait fini aux étapes précédentes 61^e et 37^e.

André Herbelin dossard n°200 sur bicyclette Humbert Paris. Il termina 80e de l'étape en 14h15. Il avait fini aux étapes précédentes 90^e, 97^e et 65^e. Il abandonna lors de la 4e étape.

André Herbelin de Belfort (doc. L’Auto, coll. BNF)

Il avait participé à l'édition précédente, avec le dossard n°130. Il était arrivé dans sa ville à la… 90^e place ! Il termina à la 44e place au classement final.

Soirée de Gala

Le propriétaire de la Brasserie Danjean, Marcel Danjean, avait invité, à partir de 21h30, tous les coureurs à un champagne d'honneur accompagné de bulles de musique distillées par l'orchestre de la maison, Zamboni.

Les deux belfortains Abegg et Herbelin reçurent des cadeaux souvenirs et le trio vainqueur, Émile Georget, François Faber et Gustave Garrigou un très beau bouquet de fleurs.

Carte postale Belfort La Brasserie Danjean (coll. JM)

Pour fêter la victoire de François Faber et la présence du Tour dans la Cité du Lion, une soirée de gala fut organisée à la Brasserie Danjean. Après le concert, le vainqueur reçut une superbe gerbe de fleurs.

Vendredi 8 juillet, la journée de repos

Après cette journée très éprouvante par la difficulté du Ballon d'Alsace et des conditions météorologies exécrables avec une pluie glacée sur la plus grande partie de l'étape, les coureurs bénéficiaient d'une journée de repos bienvenu pour les organismes et remettre en état les bicyclettes.

NA : Pour cette édition comme pour les précédentes, une journée de repos était prévue après chaque journée de course.

Pour le gîte, les coureurs étaient répartis dans les hôtels de la ville, l'équipe Alcyon au Grand Hôtel Jeannin à la Vieille Ville, l'équipe Le Globe à l'Hôtel de la Gare et l'équipe Legnano à l'Hôtel Thiers.

Carte postale Belfort Grand Hôtel Jeannin (coll. JM)

Quant aux coureurs dits "isolés", ils s'étaient répartis au Lion d'Or rue Thiers, à l'Hôtel de France, devant la gare et à l'Hôtel Alsacien faubourg de France.

Une grande majorité des coureurs profitèrent de leur journée pour rendre une visite au Lion et à la foire; les vélos n'étaient pas de sortie !

Au travail, étaient les soigneurs au petit soin pour les coureurs et les mécaniciens pour nettoyer et effectuer les réparations des bicyclettes.

Samedi 9 juillet, 4^e étape Belfort-Lyon

Pour cette 4^e étape, entre la Cité du Lion et Lyon, la Cité des Gones, le départ s'effectua à partir de Danjoutin, le samedi 9 juillet.

Toutefois, l'enregistrement débuta à 2 heures du matin pour le contrôle du départ. Il s'effectua depuis la Brasserie Danjean, faubourg de Montbéliard à Belfort où le secteur était brillamment illuminé avec une foule enthousiaste.

Carte postale Belfort Faubourg de Montbéliard (coll. JM)

Émile Georget fut accueilli avec la Marseillaise et sous un tonnerre d'applaudissements. On lui remit à nouveau un bouquet de fleurs, bien embarrassant sur une bicyclette… les pétales, même en nombre, ne remplaçant pas les pédales !

Puis les coureurs se rendirent à Danjoutin pour le départ qui s'effectua depuis le café d'Émile Muller, le président du Cycle Belfortain.

NA : Je suis toujours à la recherche du lieu où se trouvait ce fameux Café Muller ! J'ai écrit un article sur ce sujet, en fin de texte, un lien permet d'y accéder.

Carte postale Danjoutin Route de Belfort (coll. BF)

Le contrôle s'effectua sous la responsabilité de Charles Chaussin assisté par les membres du Cycle Belfortain et des Sports Réunis.

Le départ

Après l'appel des coureurs, le départ fut donné à 3 heures tapantes par le starter aux 81 coureurs restants partis pour 309 kilomètres. Deux avaient finalement abandonné malgré leur qualification.

Les 17 premiers kilomètres pour rejoindre Montbéliard virent un groupe se former d'une cinquantaine de coureurs dont les premiers du classement général avec le leader, François Faber. Malgré l'heure matinale (3h40), une foule importante était sur le bord de la route pour applaudir les forçats de la route.

Carte postale Montbéliard Souvenir (coll. privée)

Au passage à Besançon (97^e km), la course s'était un peu décantée car le groupe s'était réduit à une petite trentaine de coureurs devançant de petits groupes.

À Lons-le-Saunier (185^e km), François Faber menait un petit groupe de 8 coureurs dont Lucien Petit-Breton, Émile Georget… ils avaient 5 minutes d'avance sur un 2^e groupe avec Louis Trousselier, Henri Cornet, Charles Cruchon…

Carte postale Lons-le-Saunier (coll. privée)

À Bourg en Bresse (247e km), un nouveau groupe s'était reformé avec Louis Trousselier qui avait rejoint François Faber, complété d'André Blaise, Aldo Bettini, les frères Azzini, l'enfant du pays Alphonse Charpiot et de Frédéric Saillot

L'arrivée à Lyon

À Lyon, si les feuilles de contrôle étaient prévues d'être signées au Café Maderni, le contrôle d'arrivée s'effectua sur la promenade du quai Saint-Clair, pour permettre aux coureurs de s'exprimer en cas de sprint massif .

Seulement six coureurs groupés arrivèrent en vue de la ligne d'arrivée qui vit François Faber gagner devant Ernesto Azzani, Louis Trousselier, Marcel Godivier, André Blaise et Aldo Bettini.

Carte postale François Faber (coll. privée)

Dans ce groupe, l'équipe Alcyon était en force avec cinq coureurs contre le seul italien de l'équipe Legnano, Ernesto Azzani.

Les suivants étaient relégués à 8 minutes voire 10 pour Gustave Garrigou.

Au classement général, François Faber confortait encore un peu plus sa première place avec seulement 8 points devant Gustave Garrigou (23 pts) et Cyriel Van Hauweart (31 pts).

François Faber gagnait ainsi 3 années de suite, l'étape Belfort-Lyon, avait-il mangé du Lion, le "Géant de Colombes" ?

À Belfort, le Tour est resté

Le samedi soir, la Brasserie Danjean fit de nouveau la fête à la Petite Reine car une représentation cinématographique fut au programme de la soirée à partir de 21 heures.

Carte postale Belfort Brasserie Danjean (coll. JM)

Elle fit accourir de nombreux curieux alléchés par la rétrospective sur les premières étapes du Tour de France dont l'arrivée de la 3^e étape belfortaine.

31 juillet, la dernière étape Caen-Paris

Au départ de la dernière étape à Caen, le leader du classement était Octave Lapize qui avait ravi cette première à François Faber lors de la 13e étape Nantes-Brest, ne possédait qu'une avance de 6 points et 21 points sur Gustave Garrigou.

Carte postale Le départ de la dernière étape (coll. privée)

Cet avantage va être annulé très rapidement car il va subir une crevaison au bout de 3 kilomètres, l'obligeant à laisser partir ses deux plus dangereux adversaires. À Deauville, il a encore 8 minutes de retard malgré ses efforts pour revenir sur la tête de la course emmenée par ses deux dauphins dont principalement François Faber.

À mi-course, à Rouen (129^e km), Octave Lapize a toujours 10 minutes de retard sur le second du classement, un peu moins sur Gustave Garrigou qui fut confronté à un problème mécanique peu avant cette ville.

À Vernon (185^e km) comme à Mantes (209 km), le retard passa à 13 minutes.

Mais peu avant Versailles, Faber va crever à son tour…

Comme pour les éditions précédentes, l’arrivée finale s’effectua sur la piste du vélodrome du Parc des Princes à Boulogne, le 31 juillet, devant une foule des grands jours, malgré la pluie.

Carte postale Le vélodrome du Parc des Princes à Boulogne-sur-Seine (coll. privée)

L'arrivée se joua en fin de compte entre 3 coureurs où l'italien Ernesto Azzini va dominer ses deux adversaires, Ernest Paul et Constant Ménager apportant une 2^e victoire à l'équipe Legnano avec celle de… Belfort par Émile Georget.

Carte postale Le vainqueur Ernesto Azzini (coll. privée)

François Faber pris tout de même la 4^e place à moins de 2 minutes, malgré sa crevaison mais Octave Lapize qui s'était refait un peu la cerise, arriva 6^e à un peu moins de 17 minutes, confirma sa victoire escomptée pour le classement général.

Donc le Tour de France 1910 revint à Octave Lapize avec 63 points devant François Faber (67 pts) et Gustave Garrigou (86 pts).

Carte postale Octave Lapize (coll. privée)

Il avait construit sa victoire finale par ses résultats avec 3 victoires dont les deux étapes dans les Pyrénées :

3 places de 1er (9e, 10e et 14e étape)

4 places de 3e (1ère, 2e, 7e et 8e étape)

1 place de 4e (12e étape)

1 place de 5e (13e étape)

2 places de 6^e (3^e et 15^e étape)

Avec cette victoire, il remporta une belle revanche suite à son abandon l'année précédente, dès la 5e étape, mais qu'il ne put renouveler lors des quatre éditions suivantes, abandonnant.

Il fut et il est le plus jeune vainqueur du Tour de France, à 21 ans.

Primes

Pour sa victoire finale, il remporta la somme d’environ 7525 francs offerts par L’Auto, complétée d'autres primes et cadeaux offerts par des commerçants et des particuliers.

Le vainqueur, Octave Lapize

Octave Lapize est né le 24 octobre 1887 à Paris, dans le quartier du Petit-Montrouge (14e arrondissement). Son père était brasseur et sa mère marchande de vins. Dès l'âge de 14 an, il travailla à la brasserie et effectua des sorties à bicyclette sans l'assentiment de son père.

En 1905, il signa une licence à l'Union Sportive du Xe arrondissement où il s'engagea pour obtenir des brevets sur les distances de 50, 100 et 150 kilomètres.

Fiche cyclisme Octave Lapize (coll. privée)

Il décrocha sa première victoire en 1906 sur le Grand Prix de Villiers.

L'année suivante, il gagna le Championnat de France de cross cyclo-pédestre sur 25 kilomètres, devant des professionnels. Il remporta Paris-Chartres (71 km). Il va enchaîner d'autres victoires ou places d'honneur comme le titre de Champion de France Amateur.

L'année suivante fut dans la même veine avec de belles victoires, il participa aux 100 km des Jeux Olympiques de Londres où il obtint la médaille de bronze. Il gagna le Paris-Auxerre, le Bol d'Or… Il améliora le record de l'heure de 5 km, avec 82,758 km.

Carte postale Octave Lapize (coll. privée)

Passé professionnel en 1909, il remporta le Paris-Roubaix ainsi que l'édition suivante.

Il fut Champion de France sur route en 1911, 1912 et 1913 et gagna les trois mêmes éditions du Paris-Bruxelles.

Il décéda le 14 juillet 1917 à Toul.

Ayant été le premier coureur passant le col du Tourmalet, la sculpture "Le Géant" fut baptisée "Octave" lors de l'inauguration du 26 juin 1999.

Carte postale Tourmalet La sculpture (coll. privée)

Elle fut réalisée par Jean-Bernard Métais représentant un coureur dit "en danseuse". D'une masse de 350 kilogrammes, elle mesure 2,40 m de long et 3 mètres de haut.

Tour des Indépendants

En 1910, eut lieu un autre Tour de France, le Tour des Indépendants (ou Tour de France Peugeot-Wolber) du 7 août au 4 septembre.

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à cette épreuve concurrente.

Épilogue

Octave Lapize inscrivit son nom sur les tablettes du Tour de France lors de cette édition 1910. Il avait battu son rival, François Faber sur la 2^e partie de l'épreuve.

Trois belfortains y participèrent mais n'allant pas plus loin que la 4^e étape !

Belfort honorait sa quatrième participation et le Ballon d'Alsace sa sixième, avec la victoire d'Émile Georget, par ailleurs premier au sommet.

Liens pour accéder aux articles cités

Sommaire des Tours de France : Cliquer ici

Tour de France, le Ballon d'alsace (Article 1907) : Cliquer ici

Inauguration stèle René Pottier (Article Pottier) : Cliquer ici

Henri Desgrange (Article 190X) : Cliquer ici

Tours de France Lieu de départs à Danjoutin : Cliquer ici

Tour des Indépendants : Cliquer ici

Références presse : Journaux La Frontière et L’Alsace (doc. Archives départementales du Territoire de Belfort), Journal L'Auto (doc. Gallica BNF)

Référence Web : Wikipédia, Site La Grande Boucle, Divers autres Sites…

Infos pratiques