La genèse de la création de l'École pratique de Commerce et d'Industrie, à Belfort (2e partie : 1920-1922)

En 2023, on fête le 100^e anniversaire de l'inauguration d'un nouvel établissement scolaire créé à Belfort, l'École pratique de Commerce et d'Industrie de Belfort.

Comme annoncé dans la première partie de cet article traitant la période 1904-1919, il m’a semblé intéressant d’élargir mon propos en abordant la genèse de la création de ce nouvel établissement d’enseignement dans la Cité du Lion.

La cour de l’École pratique (photo, doc. AMB)

Cette deuxième partie est consacrée à la suite de la genèse du projet pour créer cette nouvelle École à Belfort, de 1920 à 1922.

NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder à la suite de cet article via le Sommaire.

1920, le projet pris forme

À la fin de l’année 1919, le projet était toujours dans les tuyaux, mais le problème était la longueur de ceux-ci.

Au tout début de l’année suivante, le sujet fut abordé à nouveau au conseil municipal du 7 février 1920, avec la présentation des rapports de Louis Guignot et René Birckel, chargés de faire un point sur la situation.

Extrait de la délibération du conseil municipal (doc. AMB)

Le premier rappela en synthèse que l’opinion publique réclamait depuis de nombreuses années, la création d’une école professionnelle à Belfort mais que les municipalités précédentes ne parvinrent pas à doter la ville de ce type d’établissement, faute de trouver un bâtiment.

 Extrait de la délibération du conseil municipal (doc. AMB)

 Le second rappela que depuis le 25 juin 1904, où le conseil municipal décida de créer une École professionnelle, l'antagonisme entre les deux ministères bloqua le projet.

Extrait de la délibération du conseil municipal (doc. AMB)

Date limite d'achat de l'entreprise Frey

Lors de la réunion du 25 février 1920, le conseil municipal fut informé que le notaire belfortain Jean Henriot, par lettre du 10 février 1920, rappelait que la promesse de vente faite à la ville en février 1919 par la famille Frey, pour la propriété du 112 faubourg des Vosges n’étant valable qu’un an, elle prenait fin, le 28 février.

Extrait courrier du notaire Jean Henriot (doc. AMB)

Le maire Léon Schwob rappela que les démarches effectuées, avec l’appui du préfet Maurice Anjubault, les parlementaires du département et René Birckel en charge du dossier, auprès du ministre de la Guerre pour obtenir la cession de la caserne Vauban, n’avaient à ce jour pas avancé et sans vision d’une réponse positive, ou négative, l’espoir de l’obtenir était léger !

Léon Schwob (photo Livre des maires de Belfort)

René Birckel, rapporteur de la Commission d’instruction publique, appuyé par le maire, proposa d’acquérir les lieux; le conseil municipal acta l’achat pour le montant de 255 000 francs de ladite propriété.

Vue aérienne 1924 de l’emplacement de la future École pratique

La décision fut approuvée par le secrétaire général délégué de la préfecture, Louis Bacalerie.

Projet aménagement de la propriété Frey

Le 28 mai 1920, l’architecte municipal Jean Passard* rendit au maire son rapport concernant le projet de réaménagement de la propriété Frey; il remit en cause le projet initial transformant les logements du pavillon en salles de classe car l’accueil potentiel des élèves serait limité à une vingtaine et les surfaces des fenêtres ne respectaient pas la réglementation applicable.

*Jean Passard décéda le 18 janvier 1921 (né le 15 juin 1860 à Montsengny (Haute-Saône).

Extrait du rapport de l’architecte municipal Jean Passard (doc. AMB)

Il proposait de

  - laisser le pavillon d’habitation comme logement du personnel
  - transformer les ateliers en salles de classe en montant des cloisons en brisque; les baies étant conformes permettaient de réaliser 8 classes (4 en RDC et 4 au 1^er étage)
  - construire des ateliers
  - construire des préaux pour rejoindre les différents lieux
  - créer une salle de gymnastique dans un local existant

Cette proposition permettait d’accueillir 70 élèves, donc d'atteindre le nombre de 210 élèves, lors de la rentrée de la 3^e année.

Il avait estimé le montant nécessaire à 260 000,00 francs pour la transformation des locaux, dont 24 500,00 francs pour les imprévus et divers, auquel s’ajoute le montant de 210 000,00 francs pour

   - le chauffage                                                           20 000,00
   - l’éclairage et le gaz                                               10 000,00
   - l’eau et les sanitaires                                             15 000,00
   - les vestiaires                                                          15 000,00
   - l’ameublement et l’outillage                               150 000,00

Ces dépenses pouvant être réparties sur deux années budgétaires.

Approbation du projet

À partir de ce rapport, l’adjoint René Birckel en charge du projet, put établir le rapport final pour le maire, d’un point de vue comptable, permettant au 1^er magistrat de la ville de présenter les conclusions, le 18 septembre 1920

   - Acquisition de la propriété Frey                          255 000,00
   - Aménagement des locaux                                    470 000,00
                                                                                  ---------------
                                                               Total           725 000,00

   - Montant budgété (décret 14.11.19119)                498 000,00

   - Montant restant à trouver                                     227 000,00

Ce montant pouvant entrer dans le budget 1921.

Le 18 septembre 1920, le nouveau maire, Noël Lapostolest, le présenta au conseil municipal qui décida à défaut d’un retour positif à l’acquisition de la caserne Vauban, d’adopter les plans, devis et cahier des charges établis par l’architecte de la ville, pour l’aménagement de l’ancienne usine Frey en Ecole pratique, en prévoyant une dépense s’élevant à 470 000 francs.

Noël Lapostolest (photo Livre des maires de Belfort)

Il acta aussi le montant complémentaire à prévoir sur le budget de l’année à venir pour boucler le projet d’un point de vue comptable.

Rapport de l’ingénieur en chef du ministère

Le préfet transmis le dossier au ministère pour avis décisionnaire.

À partir du dossier, un rapport fut établi le 21 novembre 1920, par l’ingénieur en chef XXX Marguery qui permet d’obtenir des informations sur la projection des futurs lieux pour accueillir les élèves; l’atelier de l’ancienne scierie transformé ainsi

  Au RDC

   - 4 salles de classe de 65, 50, 41 et 40 m²
   - une salle de 13 m² pour les collections
   - une pièce de 18 m² pour la bibliothèque

Entre les anciens ateliers et les nouveaux, les vestiaires et les lavabos.

Les nouveaux ateliers de 44 mètres et 15 mètres reçoivent les activités de bois (242 m²), de fer (335 m²) et la forge (82 m²) constitués par une succession de sheds* de 44 mètres de longueur.

*Un shed est une toiture à dents de scie (ou redans partiels) formé d’une succession de toits à deux versants de pente différente, le plus court étant généralement vitré.

Exemple de toit en sheds Usine de Danjoutin (coll. JM)

À la suite des ateliers, un préau de 172 mètres, les toilettes, un local de 154 m² pour la gymnastique; le petit bâtiment existant devenant la conciergerie.

  Au 1^er étage

   - 4 salles de classe, à l’identique de celles du RDC
   - une salle de réunion pour les maitres (au-dessus de la bibliothèque)

  Au 2^e étage

   - une salle de dessin de 155 m²

  Les remarques de l’ingénieur

   - que 2 m² par élève, donc faible
   - salle de dessin tronquée par la forme du toit, donc que 71 m² à 2,80 m de haut  

Malgré des montants non étayés pour une partie des devis, il donne un avis favorable.

Rapport de l’ingénieur ordinaire du conseil départemental

Le préfet transmis aussi le dossier le 15 décembre 1920, à l’entité des Ponts & Chaussées du Haut-Rhin pour avis.

Pour répondre à la demande, le Conseil départemental des travaux communaux s’était rendu, le 30 décembre 1920, pour évaluer les lieux choisis; il revint à l’ingénieur ordinaire XXX Brunet, d’établir le rapport. 

 Extrait du rapport de l’ingénieur ordinaire XXX Brunet (doc. AMB)

Les propositions

  - déplacer le couloir distribuant les salles de classe permettant d’améliorer les salles des collections et de la bibliothèque
  - ajouter du vitrage
  - conserver les hangars au lieu de les détruire pour en construire de nouveaux
  - simplifier l’installation des lavabos des vestiaires

La commission émit un avis favorable, le 5 janvier 1921.

1921, projet approuvé définitivement

Le rapporteur de la Commission d’instruction publique René Birckel, adjoint du maire, rapporta la situation au conseil municipal, lors de la séance du 22 février 1921, sur l'avancement du dossier.

Carte postale Belfort L’Hôtel de Ville (coll. JM)

Il informa que le préfet l’avait transmis à l’Inspecteur départemental de l’Enseignement technique, puis à la Commission départementale de l’Enseignement technique qui fut réunie le 14 décembre 1920, où il fut approuvé. Ensuite après ces deux étapes, il fut confié à l’ingénieur en chef des Ponts-et-chaussées puis fut examiné par le Conseil départemental des travaux communaux, le 23 décembre. Cette dernière entité effectua la visite des lieux le 30 décembre et émit des propositions de modifications au plan initial de l’architecte, concernant la disposition des salles de classes et la conservation des hangars pour les transformer en ateliers. De plus, elles permettaient de réaliser des économies sur le budget. 

Extrait de la délibération du 22 février 1921 (doc. AMB)

Le conseil municipal adopta les modifications proposées et le nouveau budget ramené à 435 000 francs, et autorisa la mise en adjudication des travaux.

Le secrétaire général délégué de la préfecture, Louis Bacalerie, approuva le 13 octobre 1921, les décisions prises lors de cette séance.

La décision finale revint au sous-secrétaire de l’Enseignement qui approuva le projet, le 7 octobre 1921.

1921, subvention votée par les députés

Le sous-secrétaire d’État à l’Enseignement technique, Gaston Vidal informa le préfet le 4 avril 1921, que le dossier reçu du projet de la construction d’une École pratique de commerce et d‘industrie de garçons, va être soumis à l’enquête administrative et technique règlementaire et à la Commission permanente du Conseil supérieur de l’enseignement technique prochainement. 

Extrait du courrier de Gaston Vidal du 4 avril 1921 (doc. AMB)

Il demanda des documents pour compléter le dossier, l’avis du Comité départemental de l’Enseignement technique, le rapport de l’architecte départemental et l’avis des administrations de l’enregistrement et des contributions directes.

La demande de subvention à l’État fut soumise lors d’examen des commissions compétentes du 20 au 30 juin 1921.

Le 11 août 1921, le sous-secrétaire d’État à l’Enseignement technique, Gaston Vidal informa le maire que le dossier était approuvé sous les réserves suivantes

   - Élever un mur entre la forge et l’atelier de fer pour éviter les dangers du feu dans des constructions en bois
   - Prévoir un local pour magasiner le stockage du bois et des fers
   - Regarder pour augmenter la partie dédiée à la section commerciale

Gaston Vidal (photo Gallica, BNF)

Suite aux remarques, il fut apporté les modifications demandées le 19 novembre 1921, sur un plan par le chargé du projet, René Birckel.

Plan modifié prenant en compte les demandes (doc. AMB)

1921-1922, subventions pour les Écoles pratiques

Le projet de loi n°3168 ayant pour objet, l’ouverture de crédit pour la construction d’Écoles pratiques dont celle de Belfort, instruit le 24 juillet 1921, fut voté le 31 décembre 1921.

Extrait du projet de loi "École pratique" du 24 juillet 1921 (doc. AMB)

Le décret d’application fut voté le 14 janvier 1922.

Les subventions par anuitées votées pour la création des Écoles pratiques s’élevèrent à 2 340 000,00 Francs, dont 173 000,00 francs pour Belfort.

 Extrait du Journal officiel du 14 janvier 1922 Art. 1 (doc. Gallica, BNF)

En complément à cette subvention, fut voté un crédit supplémentaire alloué au ministre de l’Enseignement et des beaux-arts montant pour l’exercice de 1921, de 1 35 900,00 francs.

Extrait du Journal officiel du 14 janvier 1922 Art. 2 (doc. Gallica, BNF)

Le 20 janvier 1922, le sous-secrétaire d’état de l’Enseignement technique, Gaston Vidal, informa par courrier le maire du vote des députés d’une subvention de l’État d’un montant de 173 000 francs, payable en cinq annuités.

 Extrait du courrier du 20 janvier 1922, budget état aloué (doc. AMB)

Le même jour, il informa aussi le maire qu’il avait accordé ce jour, le 20 janvier 1922, une subvention de 200 000,00 francs, pour l’acquisition du matériel et de l’outillage en faveur de l’École pratique de Belfort.

Extrait du courrier du 20 janvier 1922, allocation outillage (doc. AMB)

Fin de la 2e partie, la suite à découvrir via le Sommaire (lien ci-dessous).

Épilogue

Avec cette deuxième partie, on peut lire que le projet initié par une délibération du conseil municipal du 25 juin 1904, fut enfin réalité en 1922, car les subventions nécessaires, attendues de l’État, furent votées le 14 janvier.

Il ne restait plus qu’à transformer l’ancienne entreprise Frey en un nouveau site d’enseignement pour la Cité du Lion, l’École pratique du Commerce et d’Industrie.

JM

Lien pour accéder aux articles suivants

L’École pratique de Commerces et d’Industrie : Cliquer ici

Références : Dossier École pratique (Archives municipales de Belfort, AMB), Gallica (AMB)

Infos pratiques  

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