La construction de la Salle des Fêtes de Belfort : Lot 6 Le chauffage

Mise à jour le 10 janvier 2024

Après une première phase de gros œuvres, comprenant la maçonnerie (Lot 1), les charpentes (Lot 2), les couvertures et la zinguerie (Lot 3), vint une seconde phase de finition des intérieurs, avec la menuiserie (Lot 2), la plomberie (Lot 3), la plâtrerie et la décoration (Lot 4), l'électricité (Lot 5). En complément à ces équipements, vint le Lot 6 avec le chauffage.

Exemple de chaudière basse pression
(extrait Traité pratique de Fumisterie & Chauffage, doc. Gallica)

Cette septième partie de l'article est donc consacrée au déroulement de l'installation du chauffage, dans la future Salle des Fêtes de Belfort.

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire des articles sur la Salle de Fêtes, dont ceux consacrés aux Lots 1 à 5.

Le devis du chauffage

À l'inverse des lots précédents, le Lot 6 ne fut point l'objet d'un devis mais d'une estimation par l'architecte municipal Charles Emond. Il avait prévu la somme de 12000,00 francs pour l'installation du chauffage dans la Salle des Fêtes, sur un budget total s'élevant à 245000 francs.

Adjudication du Lot 6

Comme pour les lots précédents, le Lot 6 fit partie de la démarche d'adjudication choisie et effectuée par la municipalité par voie d'affichage et de presse, mi-août 1911, pour l'ensemble des lots prévus pour la construction du futur bâtiment.

À la date d'ouverture prévue du 5 septembre, plusieurs lots furent sans offre ou avec des offres supérieures aux devis donc non acceptables au regard des règles applicables dans ce type de processus.

Extrait affiche annonçant l'adjudication du mardi 5 septembre 1911
(doc. AMB)

Face à cette situation, la municipalité décida de traiter de gré à gré avec les entreprises.

Pour ce Lot 6, à défaut d'offre, elle chargea l'architecte municipal d'organiser un concours pour sélectionner des entreprises pouvant assurer l'installation du chauffage; il établit un cahier des charges le 10 novembre 1911, relativement ouvert, leur permettant de proposer une installation pratique et la moins onéreuse possible.

Seules trois entreprises proposèrent un projet pour installer le chauffage

  - Bur et Cie, à Dijon : 15500 francs
  - Courtaud, Garnier, Gil et Cie successeurs, à Paris : 20000 francs
  - Société Anonyme des Bains et Lavoirs Municipaux, à Paris : 19000 francs

Au regard des montants, donc, les offres étaient très nettement supérieures à l'estimation envisagée (12000,00 francs), de prime abord.

L'architecte analysa les trois offres et en fit une synthèse pour la présenter au conseil municipal le 30 janvier 1912, réuni pour statuer sur le choix d'un projet

Extrait du rapport de l'architecte (doc. AMB)

  - La première entreprise proposa un chauffage à vapeur à basse pression avec radiateurs répartis dans les locaux; les chaudières en tôle paraissaient simples et robustes. Par contre les emplacements des radiateurs n'étaient pas judicieux dont ceux prévus dans la Grande salle, et sa ventilation faisait défaut suite au système de chauffage utilisé.

  - La deuxième proposa le même système de chauffage avec radiateurs hormis pour la Grande salle qui était chauffée via des gaines en sortie de chambres de chauffe, alimentées par des batteries de radiateurs. Il répondait mieux au besoin de ventilation mais les gaines importantes installées en sous-sol seraient gênantes et disgracieuses pour la salle inférieure, mais le principe pouvait être réétudié. Les chaudières verticales tubulaires étaient en tôle de 10 millimètres.

Extrait courrier Courtaud, Garnier, Gil et Cie successeurs (doc. AMB)

  - La troisième proposa un projet similaire à la deuxième mais avec des gaines intégrées dans le plafond donc non apparentes. Par contre, elle prévoyait des gaines d'arrivée d'air frais sur les piliers et, les chaudières étaient plus volumineuses demandant plus de place que prévue !

Extrait courrier Société Anonyme des Bains et Lavoirs Municipaux
(doc. AMB)

Donc aucun des projets ne répondait au cahier des charges et demandait une étude repensée; quant aux montants annoncés, ils demandaient un budget réévalué par rapport à l'estimation. Afin de prendre une décision sur le choix, le dossier fut aussi analysé par l'ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussée de Belfort ainsi que les Commissions des Travaux et des Finances.

Les entités consultées proposèrent au conseil municipal de choisir, tout de même, le projet de la Société parisienne Anonyme des Bains-Douches et Lavoirs Municipaux; le conseil municipal se rangea aux avis argumentés. Il vota pour ce projet le 17 février 1913, avec le complément de budget nécessaire pour le porter à 19000,00 francs.

Extrait de la délibération du conseil municipal (doc. AMB)

Il fut validé par l'administrateur du Territoire (le préfet), Louis-Ferdinand Fontanès, le 2 mai 1913.

Le marché de gré à gré fut passé à la Société Anonyme des Bains-douches et Lavoirs Municipaux, installée à Paris, le 11 juin 1912.

Extrait du marché de gré à gré du Lot 6 (doc. AMB) 

Il fut validé le 1^er décembre par le secrétaire général de la préfecture.

Cette société n'était pas inconnue à Belfort car elle avait livré dès 1912, les deux bâtiments bains-douches et lavoirs, le premier implanté dans le quartier du faubourg des Vosges, rue des Bains (actuelle rue Albert Thomas).

Carte postale Belfort Bains-douches quartier du faubourg des Vosges (coll. JM)

Le deuxième était situé rue du Docteur Fréry, à côté de la halle du marché.

NA : Dans le programme de cette année, il est prévu que j'écrive un article sur ces bâtiments publics, initialement dans le premier semestre mais plus probablement dans le second.

La description du matériel

Pour assurer le chauffage des locaux, les entrées, les escaliers et paliers, la grande salle, la scène, les loges des artistes et du concierge, l'étage, la salle du sous-sol, les toilettes… l'entreprise calcula qu'il était nécessaire que la production des chaudières fournissent environ 250000 calories.

 Tableau du calcul des calories à produire en fonction des lieux à chauffer (doc. AMB)

Cette quantité de calories définissait le type de générateur nécessaire pour les produire; l'entreprise choisit de proposer une installation avec deux chaudières de 16m² de surface mouillée (surface chauffante).

L'installation du chauffage s'appuyait sur cette liste de matériel

  - 2 chaudières tubulaires, en tôle d'acier Martin-Siemens, à grand magasin de combustible extérieur avec ses accessoires, grille amovible, robinets de jauge, manomètre, régulateur automatique de pression et de combustion…
  - 2 raccordements en tôle au conduit de fumée avec portes de ramonage
  - 1 dispositif de sécurité à siphon double formant soupape hydraulique de sureté à réamorçage automatique
  - 2 robinets de vidange à boisseaux
  - 1 séparateur de vapeur formant collecteur

Extrait livret de l'entreprise Bains Douches et Lavoirs Municipaux
(doc. AMB)

Ce type de chaudière à très basse pression équipée de son régulateur permettait un réglage efficace et sensible, soit de modérer son régime ou soit de l'élever selon les besoins. Elles étaient maçonnées assurant un bon rendement et formant le calorifuge le plus durable. Les chaudières étaient alimentées avec du charbon.

 Exemple de chaudière basse pression bétonnée
(extrait Traité pratique de Fumisterie & Chauffage, doc. Gallica)

Déroulement des travaux du Lot 6

Les travaux débutèrent soit fin juillet ou début août 1913.

Extrait plan de l'installation du chauffage en sous-sol (doc. AMB)

Avant de commencer l'installation du chauffage, il fallut faire de la maçonnerie.

Local chaufferie à reconfigurer

Comme signalé par l'architecte municipal, la volumétrie de l'installation des chaudières n'entrait pas dans l'emplacement prévu; il fut nécessaire de descendre le sol d'une profondeur de 3,50 mètres, entrainant par la même des travaux supplémentaires imprévus.

Plan exhaussement du sol de la chaufferie (doc. AMB)

Ils furent effectués par l'entreprise Tournesac qui avait effectué les gros œuvres de maçonnerie, pour un montant de 6600,00 francs.

Extrait courrier, les coordonnées de l'entreprise Tournesac (doc. AMB)

Le conseil municipal vota le budget nécessaire, le 22 juin 1913, approuvé par le secrétaire général de la préfecture, Raoul Fauran, le 19 juillet.

Extrait délibération du conseil municipal (doc. AMB)

Travaux supplémentaires

Lors de l'installation des équipements par l'entreprise, elle s'aperçut de l'absence d'ouvertures aménagées autour de la scène. Pour remédier à cette situation imprévue, la solution fut d'installer deux radiateurs des deux côtés de la porte d'entrée des décors; la tuyauterie en sous-sol fut raccordée aux batteries présentes sous le plancher de la scène.

Extrait courrier de l'entreprise proposant une solution au problème
(doc. AMB)

L'installation électrique fut opérationnelle en grande partie tout début janvier pour l'inauguration de la Salle des Fêtes, le 4 janvier 1914.

Mais l'installation ou autre, posa problème car la réception provisoire ne fut prononcée que le 6 octobre 1919.

Extrait du procès-verbal de réception provisoire (doc. AMB) 

J'avance une hypothèse… cette date tardive est-elle liée à ce que l'entreprise a déposé le bilan à une date inconnue; un liquidateur syndic fut nommé, H. Morin installé à Paris. Ce fut lui d'ailleurs qui signa le procès-verbal.

Extrait courrier du liquidateur H. Morin (doc. AMB) 

Comme toujours, une hypothèse avancée demande un minimum de vérifications voire de validations. Un moyen, comme souvent, est de sonder la toile internet. J'ai fait appel à nouveau à mon ami Philippe, expert en ce type de Recherches fructueuses.

La Société Anonyme des Bains-Douches et Lavoirs Municipaux a bien déposé le bilan suite à un gros chantier à Angers, la réalisation d'un établissement de bains-douches et lavoirs en tant que concessionnaire, contracté le 14 octobre 1912 avec la municipalité pour le montant de 102500,00 francs. Les travaux débutèrent en novembre 1913, mais dès juillet 1914, la société fut confrontée aux non-versements des acomptes prévus provoquant un manque de trésorerie. Les travaux ne reprirent qu'au printemps 1915… Tout début 1916, l'entreprise informa la municipalité de la mise à disposition des bains-douches très prochainement.

Carte postale Angers Multivues (coll. privées)

Par contre, elle ne reçut pas les termes de payements dus provoquant sa mise en liquidation le 27 février 1917, par le tribunal de commerce de la Seine; la municipalité devait la somme de 77 440,00 francs.

Bouches de ventilation

Il fut demandé à l’entreprise Belfortaine Émile Kern un devis pour fournir et installer les grilles de fermeture des panneaux de ventilation du plafond.

Le devis établi le 27 juin 1913, s’éleva au montant de 220,00 francs.

Extrait courrier de l’entreprise Kern (doc. AMB) 

Le 28 juin 1913, le conseil municipal après avis de la commission des finances et des travaux, décida de passer le marché de gré à gré avec l’entreprise Kern au montant du devis.

Extrait délibération du conseil municipal (doc. AMB)

L’entreprise Kern fabriqua et fixa les quatre panneaux doubles rectangulaires au format de 2,27 x 0,75 mètres, réalisés en fer plat de 25 x 7 millimètres et une toile de laiton n°10 en fil 3 fixée par boulons à tête fraisée, disposés tous les 20 centimètres.

Au regard des documents présents dans le dossier des Archives municipales de Belfort, seul le mémoire de l’entreprise permet de dater la fin des travaux, peu avant le 22 août 1913, en l’absence de procès-verbal de réception.

Bilan financier du Lot 6

Le montant des travaux effectués par l'entreprise Bains Douches et Lavoirs Municipaux fut supérieur au devis initial de 19000 francs, avec d'une part une plus-value de 671,72 francs liée à la modification du chauffage sur la scène et surtout la plus-value de 6600,00 francs versée à l'entreprise Tournesac pour créer la profondeur nécessaire à l'installation des deux chaudières.

Le montant du Lot 6 s'éleva donc à 26271,72 francs.

Le procès-verbal de réception définitive fut établi le 6 octobre 1919, à la même date que le procès-verbal de la réception provisoire.

Extrait du procès-verbal de la réception définitive des travaux (doc. AMB)

Fin de la 7^e partie, la suite à découvrir via le Sommaire (lien ci-dessous).

Épilogue

Les travaux du Lot 6 concernant l'installation du chauffage furent un peu plus compliqués que pensés par les travaux de fouille nécessaires pour installer les deux chaudières prévues par l'entreprise parisienne Bains Douches et Lavoirs Municipaux.

Via le Lot 6, la Salle des Fêtes reçut un équipement indispensable, le chauffage permettant son utilisation en toute saison.

JM

Liens pour accéder aux articles cités

Sommaire des articles sur la Salle des Fêtes : Cliquer ici

Références : Dossier Salle des Fêtes (Archives municipales de Belfort, AMB)

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