La construction de la Salle des Fêtes de Belfort : L’inauguration
MAJ le 24 février 2024
En 2024, on fête, c’est le cas de l’écrire, le 110e anniversaire de l’inauguration d’un nouveau bâtiment construit sur la place de la République de Belfort, du côté nord, près du Palais de Justice.
Il s’agit de la nouvelle Salle des Fêtes qui fut inaugurée le 3 janvier 1914, après plus de 19 mois de travaux.
Carte postale Belfort La Salle des Fêtes (coll. JM)
Si elle était quasiment opérationnelle, il restait un certain nombre de finitions et d’aménagements à finaliser, dont la façade de l’entrée principale, avec sa structure en ferronnerie.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire des articles sur la Salle de Fêtes concernant le déroulement de sa construction et de son aménagement.
Pour mémoire, le Manège militaire
Les travaux débutèrent par l’arasement d’un autre bâtiment, le Manège militaire présent depuis 1766 et destiné principalement au 11e Hussard. Suite à la construction de leur caserne extra muros, la municipalité acquis ce bâtiment délaissé contre 30 hectares de terrain communal, pour permettre le déroulement des manœuvres, le futur Champ de Mars; l'échange fut signé le 26 mars 1876.
Le Palais de Justice et le Manège (photo CCTB)
Déjà depuis le 28 juin 1875, le marché avait pris possession des lieux, du moins principalement les bouchers et les charcutiers, et devant, sur la place du Manège, future place de la République. Il fut tout de même utilisé jusqu'en juin 1905, avant que le marché se déporte rue Fréry où fut construite la nouvelle halle à cette destination, par la Maison Schwartz et Maurer de Paris, à partir du projet de l'architecte municipal, Eugène Lux.
Carte postale Belfort Construction de la Halle du Marché Fréry (coll. JM)
Le 5 août 1911, la municipalité, à la demande du maire, Charles Schneider, décida la démolition du Manège militaire, d’une part, au regard de son état et d’autre part, au besoin d’un terrain pour construire une future Salle des Fêtes.
Les travaux de démolition, confiés à l'Entreprise des Travaux Publics Olivier Rupert débutèrent le samedi 3 février 1912.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire des articles sur la Salle de Fêtes, dont celui du Manège militaire.
La construction de la Salle des Fêtes
Dès 1909, le maire Charles Schneider et le conseil municipal eurent l'intention de créer une nouvelle Salle des Fêtes, car la Salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville était devenue trop petite pour les nombreuses animations de la ville.
Carte postale Belfort L'hôtel de Ville (coll. JM)
L'architecte municipal, Charles Emond en dressa le projet, les plans, le devis...
Après un premier projet non retenu, le second fut voté par le conseil municipal, le 3 mai 1910.
Façade principale donnant sur la place de la République (doc. AMB)
Le devis élaboré s’élevait à 245 000,00 francs. Il l’avait construit sous la forme de 9 lots en fonction de la nature de travaux
- Lot 1 : Maçonnerie en béton armé et enduits, grosses et petites serrureries
- Lot 2 : Charpente et menuiserie
- Lot 3 : Serrurerie
- Lot 4 : Couverture
- Lot 5 : Plâtreries et peinture
- Lot 6 : Éclairage
- Lot 7 : Chauffage
- Lot 8 : Ameublements et décors
- Lot 9 : Imprévus
Les lots furent attribués par adjudication.
L'entreprise Tournesac débuta les travaux mi-mai 1912 malgré une autorisation donnée le 27 mars, pour cause de remplacement de la chaux de Teil, prévu au devis, par du ciment de laitier jusqu'au niveau du sol et par de la chaux de Champagnole pour l'élévation du bâtiment.
Publicité de l’entreprise Tournesac (doc. AMB)
Les travaux prévus au devis s’enchaînèrent entre les entreprises, complétés d’autres non prévus ou liés à des modifications décidées…
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire des articles sur la Salle de Fêtes, dont ceux traitant des différentes étapes de sa construction.
Projet de l’inauguration
À fin novembre 1913, la situation de l’avancement des travaux permis de prévoir enfin son inauguration.
Lors du conseil municipal du 22 novembre 1913, l’adjoint Émile Py proposa que pour l’inauguration de la Salle des Fêtes "soit organisée une fête de bienfaisance, avec une soirée de gala et un grand bal, et d’y faire participer toutes les sociétés de la ville. A cette occasion, des cartes (postales ?) seraient vendues, ainsi chacun apporterait son obole à cette manifestation charitable dont le bureau de Bienfaisance et les pauvres tireraient le plus grand profit". Sa proposition fut adoptée.
Extrait du registre des délibérations du 22 novembre 1913 (doc. AMB)
La date du samedi 3 janvier 1914 fut arrêtée par la municipalité pour l’inauguration de la Salle des Fêtes.
Évolution du projet
Le 23 décembre, lors du conseil municipal, les conseillers Martin Wirth, Arthur Fels et Émile Gaillard demandèrent pourquoi "il n’avait pas été sollicité toutes les sociétés à participer au concert du 3 janvier à la Salle des Fêtes ?".
Paul Pelot, en tant que secrétaire d’organisation de ce concert, donna les explications suivantes "Ce concert est donné par la municipalité; c’est une remise officielle de cette salle aux représentants des sociétés."
Extrait du registre des délibérations du 23 décembre 1913 (doc. AMB)
Il annonça qu’étaient invités les conseillers municipaux, les présidents de toutes les sociétés, les fonctionnaires de la ville et du département, les corps constitués et l’autorité militaire.
Le concert de Bienfaisance initialement prévu pour cette inauguration fut reporté à une date future; il était prévu de solliciter toutes les sociétés à cette occasion pour y participer activement. Il servira d’inauguration définitive de la salle des Fêtes.
Le programme
Pour cet évènement, il fut choisi de proposer une soirée artistique avec un concert suivi d’un bal, entrecoupé d’un buffet préparé par un restaurateur.
Programme annoncé dans le journal L’Alsace (doc. AD90)
L’inauguration de la Salle des Fêtes
Les portes en bois* de la Salle des Fêtes s’ouvrirent pour le début de la soirée qui débuta à 20h30.
*Portes en bois : Au 3 janvier, l’ossature de la façade n’existait pas encore, il avait fallu que l’entreprise de charpenterie-menuiserie Jean-Baptiste Dupont installe ces portes pour fermer l’accès au bâtiment provisoirement, un provisoire qui dura tout de même quelques mois car au 14 juillet, la façade finale n’était pas encore installée.
Carte postale Belfort La Salle des Fêtes (coll. JM)
NA : Je reviendrai sur ce cliché lors d’un prochain article…
Premières impressions des lieux
Après avoir vu peu à peu s’édifier le nouveau bâtiment en remplacement de l’ancien Manège militaire, pour la première fois, le public avait la possibilité d’entrer dans cet édifice au style néo-baroque dédié aux animations concerts, théâtres, galas, bals…
Quelques marches de bonne taille présentes sur l’ensemble de la largeur du bâtiment, donnent accès à un grand hall d’accueil avec ses vestiaires, puis de nouveau quelques marches à franchir pour accéder à une vaste salle de spectacle, richement décorée, avec ses belles colonnes, ses plafonds travaillés, son éclairage électrique et sa scène de belles dimensions.
Le hall d’entrée, accès au balcon (photo BF, 2017)
L’heure tardive ne permit pas de faire une idée de clarté de jour pouvant pénétrer, mais vu les hautes et larges fenêtres, elles devaient apporter les flux de lumière nécessaire à un bon éclairement.
La scène était occupée en cette soirée d’inauguration, par un beau piano à queue, prété par le commerçant Tourniaire, d’autres instruments et des supports pour les partitions des musiciens; un décor représentait un paysage avec des teintes chaudes de végétations automnales.
À partir du palier d’accès à la salle de spectacle, un large escalier à droite et à gauche débouche sur un nouveau palier avec vestiaires, donnant accès au balcon, formé d’un central se poursuivant en deux latéraux qui surplombaient la grande salle.
La partie supérieure des portes d’entrée du balcon (photo BF, 2017)
Toujours du palier du hall d’entrée, deux escaliers, un de chaque côté, permettent d’accéder à une autre salle au sous-sol, avec des vestiaires, ainsi qu’aux toilettes avec lavabos pour le bâtiment.
L’accueil du public
L’ouverture des portes eut lieu à 20h30.
Si dans un premier moment, il fut craint que le nombre de places disponibles, 1200, ne permettent pas d’accueillir toutes les personnes invitées et voulant y assister, cette crainte fut non fondée, car des sièges restèrent vides.
Parmi les personnes venues à cette première de la nouvelle Salle des Fêtes, un fort aréopage de notables civils et militaires accompagnés de leurs dames aux toilettes recherchées mais sans chapeaux, du moins dans la salle, car la consigne fut donnée… pour éviter les apostrophes entre spectateurs lors du gala.
Article paru dans le journal L’Alsace (doc. AD90)
On pouvait remarquer, les adjoints au maire absent, François-Xavier Houbre et Auguste Masson, les conseillers municipaux, Bussières, Edouard Deshaie, Paul Dié, Arthur Fels, Paul Giroud, Julien Hantz, François Hosatte, Julien, Paul Marx, Joseph Pelot, Émile Py, Joseph Wagner…, le secrétaire général de la préfecture Raoul Fauran, le général Curé, les lieutenants-colonels Martinet et Richard, d’autres officiers, les présidents des sociétés de la ville, des fonctionnaires, des industriels, des entrepreneurs, des commerçants, des médecins, des avocats…
La municipalité avait missionné des commissaires pour le placement des spectateurs dans la salle de spectacle ou aux balcons.
Le gala
À 9 heures, les musiciens prirent possession de la scène.
Il revint à la Lyre Belfortaine d’ouvrir la soirée, sous la baguette de son chef, Alfred Moraweck, par l’exécution de l’ouverture de l’opéra du "Roi de Lahore" de Jules Massenet qui fut joué la première fois le 27 avril 1877, à l’Opéra de Paris.
Carte postale Belfort La Lyre Belfortaine (coll. JM)
Cette entrée en matière musicale, avec l’ensemble des cuivres et des bois au diapason, permit de constater la bonne qualité de l’acoustique de la salle.
Au programme, le public put goûter ensuite à la virtuosité du pianiste solo Maurice Yvain donnant souvent des concerts à Monte-Carlo, qui proposa la pièce de Franz Liszt "Saint-François de Paul marchant sur les flots", composée en 1862-1863. Il fut fort applaudi pour sa prestation de haut vol.
Gravure de Franz Liszt (Le Monde Illustré)
La Lyre Belfortaine poursuivit avec un extrait de l'opéra "Lohengrin", composé par Richard Wagner.
Le pianiste Maurice Yvain accompagna une autre artiste, la cantatrice Alice Hosatte qui proposa les morceaux "Air de l’archange" tiré de l’oratorio Rédemption de César Frank et "Arioso" de Léo Delibes. Elle aussi, reçut une belle acclamation du public ainsi qu’une splendide gerbe offerte par le conseil municipal, par l’entremise de l’adjoint Paul Marx. Enchantée par ces marques d’attention, elle revint sur scène, pour offrir un nouveau morceau "Le retour du pays" du poète alsacien Georges Spetz.
Vint ensuite, la fantaisie extraite du drame lyrique "Werther" de Jules Massenet toujours jouée par la Lyre Belfortaine et à la baguette, toujours son chef Alfred Moraweck.
Pour la suite du programme, le violoncelliste belfortain Van Campo proposa un concerto pour violon et piano, composé par Henri Vieuxtemps puis la "Danse hongroise" de Jeno Hubay; il était accompagné au piano par le fils du chef de musique de la Lyre Belfortaine.
Extrait vinyle Jeno Hubay (coll. privée)
Le concert se termina par une nouvelle prestation de cette société de musique avec un extrait du Grand opéra "Samson et Dalila" de Camille Saint-Saëns. Elle avait démontrée toute la soirée, sa grande qualité d’interprétation dans des morceaux pas toujours évidents à maîtriser !
Logo de la Lyre Belfortaine (extrait CPA, coll. JM)
Les spectateurs firent une grande ovation à l’harmonie et aux différents solistes ayant démontré une grande maîtrise, voire de la virtuosité lors de leurs prestations.
Entracte
Après le concert, il fut proposé au sous-sol de la Salle des Fêtes inaugurée, un buffet préparé par le cafetier Lucien Ott.
Extrait d’une facture de la Brasserie Jacquot (doc. AMB)
Il avait repris la succession de l’ancien propriétaire de la Brasserie Jacquot, située au 12 faubourg de France.
Carte photo Belfort Brasserie Jacquot (coll. JM)
Cet entracte permit d’évacuer les fauteuils de la salle de spectacle, pour la suite de la soirée.
Le bal
La soirée fut loin d’être terminée car la municipalité avait prévu une deuxième partie après le gala-concert, après cet entracte gustatif, un bal avec l’orchestre XXX qui emmena les danseurs et danseuses jusqu’à trois heures du matin.
La nouvelle Salle des Fêtes était inaugurée !
La première manifestation
Le premier évènement musical privé dans la Salle des Fêtes se déroula le dimanche 11 janvier 1914, dans le cadre de La Philharmonique. Elle accueillit l’audition de la Société des concerts du conservatoire de Paris, composée de 85 musiciens sous la direction d’André Messager.
Épilogue
Après de longs mois de travaux, la Salle des Fêtes fut inaugurée le 3 janvier 1914, il y a donc 110 ans. Elle remplaçait le vieux Manège militaire fermant la partie nord de la place de la République qui avait accueilli un autre édifice en 1912, le Monument des Trois Sièges.
La Salle des Fêtes est toujours aussi vaillante peut-être avec beaucoup moins de concerts car des salles plus adaptées furent créées, mais elle permet encore de recevoir de nombreuses manifestations comme celle du 21 janvier 2024 avec la 51e Bourse toutes collections, organisée par les Collectionneurs & Cartophiles du Territoire de Belfort.
JM
Liens pour accéder aux articles cités
Sommaire des articles sur la Salle des Fêtes : Cliquer ici
Références : Dossier Salle des Fêtes, Journal La Frontière (Archives municipales de Belfort, AMB)
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