Ronchamp Notre-Dame du Haut, la colline entre dans le 21ème siècle (3ème partie)
Avec cette dernière partie, se termine l’article rédigé sur la colline de Bourlémont à travers 16 siècles de son histoire, un véritable chemin de croix en 15 dates…
Après avoir traité, dans une première partie, la période comprise entre la création du premier sanctuaire à la Seconde Guerre Mondiale.
Pour consulter cette première partie : Cliquer ici
La seconde partie était centrée, elle, sur l’histoire de la Chapelle de Le Corbusier et des hommes qui ont œuvré à son édification.
Pour consulter cette seconde partie : Cliquer ici
La visite se termine... pas tout à fait (photo JM)
Cette 3ème partie évoque l’évolution de la colline pour entrer dans le 21ème siècle avec la modernisation des lieux en tant qu’accueil tout en conservant voir en amplifiant la spiritualité des lieux.
2011, la colline renforce sa spiritualité
Depuis plusieurs années, l’idée était née de faire évoluer l’environnement du sanctuaire de la colline, idée ré-abordée en 2005 lors du cinquantenaire; il est vrai que le site n’a pas un abord attirant en ce début du 21ème siècle et s’y ajoute la difficulté de gérer les flux de touristes.
Maquette de la colline (photo JM)
C’est en 2007 que le projet prend forme. Il consiste d’une part à construire un monastère, la Fraternité, pour accueillir les Clarisses de Besançon afin de conforter la spiritualité de la colline, d’autre part de substituer à la bâtisse actuelle, un véritable bâtiment, la Porterie, destiné à l’accueil du public et à l’administration des lieux. A ces deux constructions, était demandé un ré aménagement d’une aire de stationnement intégrée à son environnement.
Le projet fut confié de l’association Œuvre Notre-Dame-du-Haut, représenté par son président Jean-François Mathey, et l’associationdes Amis de Sainte Colette représenté par la Sœur Brigitte de Singly, à l’architecte italien Renzo Piano renforcé du paysagiste Michel Corajoud.
Sœur Brigitte et Jean-François Mathey
Une première démarche initiée par l’association n’avait pas abouti, l’architecte refusant de s’inscrire dans le projet.
NA : L’association des Amis de Sainte Colette, fondée le 13 juillet 1970, a pour objet la propriété, la gestion et l'entretien de biens immobiliers mis à la disposition de l'œuvre dite Monastère Sainte Claire.
Ce projet fut aussi très critiqué et même refusé par la Fondation Le Corbusier en l’état qui demanda son annulation à la ministre de la Culture. Par son président, Jean-Pierre Duport, elle demandait que soit effectuée au préalable une étude historique des lieux, l’éloignement des bâtiments de la Chapelle et de ses annexes et leur intégration complète dans le paysage, leur architecture en adéquation avec l’œuvre de Le Corbusier. Elle soulignait le risque pour le dossier devant être présenté à l’Unesco pour être retenu dans la liste du Patrimoine mondial !
Il est vrai que déjà à la fin des années 50, des projets de constructions avaient été sévèrement retoqués par Le Corbusier qui voulait conserver un lieu spirituel et non créer un deuxième Lourdes !
Par contre la Commission national des monuments historiques donna son accord le 28 juin 2007 permettant au maire de Ronchamp, Raymond Massinger, de signer les permis de construire les 11 et 13 mars 2008.
Ces signatures ré-allumèrent le feu et provoquèrent l’organisation de pétitions contre le projet contrebalancées par des contre-pétitions.
Poster de la pétition pour le projet en 2008
Pour calmer le jeu, l’architecte italien amenda son projet dans le sens demandé par la Fondation, en déplaçant les bâtiments plus en retrait de la Chapelle et en réduisant leur hauteur tout en les intégrant davantage dans le paysage; les rendant invisibles du sommet de la colline.
Le projet corrigé, représenté à la Commission nationale des monuments historiques, a obtenu un accord favorable le 5 février 2009. Accord confirmé par la ministre de la Culture Christine Albanel. Il peut être lancé dans sa phase de construction.
La maquette de la colline dans sa nouvelle configuration
Les travaux de construction, sous la conduite de l’architecte Paul Vincent de l’agence Renzo Piano, confiés à la société danjoutinoise Albizzati (90), débutèrent en novembre 2009 et les fondations en janvier 2010.
Plan de coupe de la colline (document Renzo Piano)
Elle a du faire face aux contraintes liées à la configuration semi-enterrée des bâtiments et aux exigences qualitatives du cahier des charges (le béton restant brut…). Les structures métalliques sont dues de la société haute-saônoise Trincat d’Amblans et de Velotte.
La Fraternité ou Monastère Sainte-Claire
Le monastère est constituée par deux bâtiments sur deux terrasses dissociées situées l’une au-dessus de l’autre. D’environ 1 000 m², il comprend en autre 14 cellules pour loger les sœurs des Clarisses, un oratoire, un réfectoire, des lieux communs et des locaux pour l’hébergement de pèlerins…
La fraternité (photo JM)
Comme souhaité voir imposé, les bâtiments formant le monastère sont complètement intégrés, voir fondus, dans la partie ouest de la colline. Si le béton est en harmonie avec l’œuvre de Le Corbusier, les façades marient l’aluminium et le verre avec une modernité apaisée en total communion avec le site.
NA : Pour trouver le grain et la couleur du béton, l’entreprise Albizzati a du effectuer plusieurs essais pour retenir le ‘’roulé du Rhin’’ qui répondait à l’attente du cahier des charges.
Seul un petit clocheton avec une croix dépasse la hauteur du toit, un clin d’œil au Campanile de Jean Prouvé.
Le clocheton (collection Les Clarisses)
Plusieurs sociétés ont participé généreusement à l’équipement du monastère telle la société italienne Casalgrande Padana pour le carrelage, les sociétés allemande Vitra et italienne Riva pour le mobilier…
L’oratoire du monastère (photo JM)
Devant l’oratoire du monastère, la statue de Joseph veille aussi sur la vallée. Précédemment installée à l’entrée de l’ancienne résidence des Clarisses à Besançon, les sœurs ont voulu qu’elle soit présente à Ronchamp.
Statue de Joseph (photo JM)
La Porterie
Ce bâtiment édifié remplace l’ancien qui a été démoli, mais plus vaste (359 m²) pour permettre l’accueil du public, effectuer la billetterie, mettre à disposition une boutique, un lieu de restauration, des salles de réunion et d’exposition, posséder un lieu pour les archives, loger les locaux techniques.
L’entrée de la Porterie (photo JM)
La Porterie est, elle aussi, parfaitement encastrée dans la déclivité de la colline et parfaitement fondue dans le paysage. Elle fait face au nouveau parking déplacé et réaménagé pour un stationnement mieux géré.
Inauguration de la Fraternité et de la Porterie
L’objectif fixé pour la fin des travaux qui était la date de l’inauguration prévue le 8 septembre, jour du traditionnel pèlerinage, fut difficile à atteindre mais fut finalement respecté au gros soulagement du président de l’Association Œuvre de Notre-Dame du Haut, Jean-François Mathey, le fils de François.
Jean-François Mathey, Dominique Claudius Petit, Renzo Piano et l’abbé Louis Mauvais ont accueilli les invités et visiteurs (photo Le Pays)
Avant l’inauguration de la Fraternité et de la Porterie, se déroula la messe à la Chapelle où officia l’archevêque de Besançon, Mgr André Lacrampe accompagné par l’évêque du diocèse de Belfort-Montbéliard, Mgr Claude Schockert et une quarantaine de prêtres.
Mgr Lucien Daloz, Mgr ??? et Mgr André Lacrampe (photo France 3)
La foule s’était entassée sur la butte pour participer à l’office religieux.
De 1500 à 2000 personnes étaient présentes (photo Le Pays)
Après l’office, sous la conduite de l’architecte Renzo Piano et des Clarisses emmenées par leur supérieure Sœur Brigitte, les autorités ecclésiastiques se rendirent au monastère où Mgr Lacrampe bénit ce nouveau lieu dédié à la spiritualité, déjà occupé par les sœurs.
Les bords de la Chapelle étaient pris d’assaut (photo Est Républicain)
Le lendemain, toujours sous la conduite de l’architecte, fut consacré à l’inauguration civile des nouvelles constructions par les autorités préfectorales, régionales, départementales et communales en présence des financeurs et des représentants des entreprises ayant participé à la construction des nouveaux lieux.
Les Clarisses ouvrent le chemin pour prsenter leur monastère (photo Le Pèlerin)
Dans le cadre de ces quatre journées, la musique était aussi une invitée de marque via plusieurs concerts pour donner une couleur musicale à l’évènement.
Harmonie de Ronchamp (photo Le Pays)
Dans la continuité des inaugurations, le nonce apostolique, Mgr Luigi Ventura, bénit le nouvel oratoire le 2 octobre 2011 et sa cloche qui sonne désormais allègrement.
Les Clarisses
L’ordre des Clarisses ou ordre des Pauvres Dames fut créé par Sainte-Claire d’Assise en 1212, à la demande de François d’Assisse.
L’ordre va se développer rapidement et va s’installer dans de nombreux pays. En France, de nombreuses villes vont accueillir les Clarisses dont Besançon dès le 13ème siècle.
Carte postale de l’autel du monastère de Besançon
Elles en seront chassées en 1792 par la Révolution. Des sœurs du monastère de Poligny ne reviendront dans la cité comtoise qu’à partir de 1879 dans une maison, rue de chapitre, donnée par l’archevêché.
Carte postale du monastère de Besançon
Au début des années 2000, elles souhaitent s’installer dans un lieu propice à la spiritualité et la colline de Bourlémont répond à cette attente. A leur tête, sœur Brigitte de Singly quiva s’impliquer dans ce projet de création d’un monastère en ces lieux. Le 8 octobre 2009, elles s’installent provisoirement sur la colline dans les maisons du Chapelain et des Pèlerins, avant de prendre possession de leur nouveau monastère le 5 septembre 2011.
Les Clarisses (photo Lettre automne-hiver 2015)
Lors de la remise de la clef du monastère, l’architecte Renzo Piano adressa ces mots à l’abbesse sœur Brigitte :
‘’On a ouvert la colline, on a mis les sœurs dedans et maintenant la nature, le silence et la prière reprennent leurs droits.’’
Renzo Piano
L’architecte italien Renzo Piano est né à Gênes le 14 septembre 1937. Il obtient son diplôme d’architecte à l’Ecole Polytechnique de Milan en 1964.
Comme Le Corbusier, pour approfondir sa formation, il va effectuer de nombreux voyages de recherches principalement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis tout en travaillant avec son père et l’architecte designer Franco Albani.
Renzo Piano (photo 20 minutes)
Dès 1971, il fondait à Londres son étude avec Richard Rogers et remportèrent dans la foulée le concours, arbitré par ailleurs par Jean Prouvé, de la construction du Centre Beaubourg voulu par Georges Pompidou.
Carte postale Centre Beaubourg
Ce projet va être sa carte de visite qui va le conduire à réaliser de nombreux musées en Suisse (Bâle et Berne), Etats-Unis (Chicago, Houston, Los Angeles et San Francisco), Italie (Gênes et Turin)…
L’architecte est le concepteur de nombreux autres types de projets dont on peut citer le Centre Jean-Marie Tjibaou de Nouméa, la tour du New York Times, le nouveau sanctuaire dédié au Padre Pio de Pietrelcina à San Giovanni Rotondo (Italie), le stade San Nicola de Bari…
Carte postale Nouméa, le Centre Tjibaou
Le projet qui fut confié à Renzo Piano vint dans une période où l’architecte était dans une phase de renouvellement dans la conception de ses projets. Il proposait des formes rectilignes plus classiques en privilégiant le blanc comme couleur. On retrouve cette démarche dans les bâtiments construits sur la colline.
Façade du monastère (photo JM)
L’architecte a reçu de nombreuses récompenses pour ses réalisations à travers le monde (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Japon…).
Michel Corajoud
Le paysagiste Michel Corajoud est né à Annecy le 14 juillet 1937. Pour payer sa formation à l’ENSAD (l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs) de Paris, il travaille chez l’ancien collaborateur de Le Corbusier,Bernard Rousseau et il va rencontrer l’architecte paysagiste Jacques Simon.
Après l’obtention de son diplôme en 1964, il le rejoint et va obtenir du maître en quelque sorte les clés du métier de paysagiste.
Michel Corajoud (Photo France 3)
Après avoir rejoint l’AUA (l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture) en 1966, il s’associe en 1975 avec son épouse, paysagiste, elle aussi, pour créer sa propre agence avant qu’elle ne devienne une fondation en 1999 par l’apport d’autres métiers au service de l’urbanisme paysager.
Plan du Parc de Sausset entre Aulnay et Villepinte
Dans un premier temps, ils vont se consacrer à la conception de parcs, puis d’aménagements d’espaces publics et urbains. Quelques unes de leurs réalisations majeures sont les parcs de Sausset (1981-2005) en Seine-Saint-Denis et de Gerland (1999-2006) à Lyon, le réaménagement de la rive gauche de Bordeaux (2000-2008) avec l’éblouissant ‘’Miroir d’eau’’.
Carte postale Bordeaux Place de la Bourse avec son miroir d’eau
Auteur de publications, il enseigna à l’ENSP (l’École Nationale Supérieure du Paysage) de Versailles, pendant 37 ans.
Dans le cadre du projet de l’adjonction du monastère et de la Porterie, Michel Corajoud va apporter son concours éclairé pour réaliser un véritable écrin autour de la Chapelle tout en intégrant les nouveaux bâtiments et les accès dans le paysage.
Vue depuis le parking (photo JM)
Voir la vidéo (8’30) ‘’A la découverte de la colline’’ avec le paysagiste : Cliquer ici
Toute sa vie, il s’est battu pour la reconnaissance de son métier comme un fondement ou un passage obligé de l’urbanisme; il a obtenu d’ailleurs le Grand Prix de l’Urbanisme en 2003.
Livre Michel Corajoud, paysagiste de Véra Prozynska
Ce paysagiste talentueux nous quitte le 29 octobre 2014 à Paris.
Un double anniversaire (2015)
En cette année 2015, il fut fêté les soixante ans de la Chapelle & le cinquantenaire du décès de son créateur, Le Corbusier.
Affiche du 60ème anniversaire pour les 25, 27 et 28 juin
Pour ce double anniversaire, le site de la Chapelle proposa, à partir du mois de mars, un très beau programme pour communier ce double évènement avec une exposition intitulé ‘’Une Chapelle inspirée : Les sources de le Corbusier pour Ronchamp’’, des visites thématiques, la découverte de quelques trésors, du théâtre, de nombreuses conférences, des séjours spirituels, des concerts, une exposition de crèches.
Timbre édité en 2013
Les crèches
Comme signalé au début de cet article, une exposition de 40 crèches du monde était présente sur le site du 16 novembre 2015 au 11 janvier 2016, pour la deuxième année consécutive; en voici quelques clichés.
Ticket d’entrée 2015 (8 euros / pers), n’a plus le même attrait que celui de 1956 !
Crèches d’Europe
Italie (feuille de maïs et bois) et (bouchons de champagne et polystyrène)
Crèche d’Amérique du Nord
Etats-Unis (bois)
Crèches d’Amérique du Sud
Pérou (en papier mâché) & Mexique (aluminium)
Crèche d’Asie
Sri Lanka (bois)
Crèches d’Afrique
Burkina Faso (bronze) & Niger (bois)
NA : Les photos des crèches sont de la propriété de l’auteur de cet article.
Toutes ces crèches sont issues de la collection ‘’Noël du Monde’’ de Paul Chaland, journaliste et ancien rédacteur en chef de Paris Match, qui depuis 1976, avait rassemblé avec patience plusieurs centaines de crèches et de théâtres d’automates.
Paul Chaland (photo Primfil International)
La première, réalisée par Primo Filippuci, fut acquise à Noël 1976 à Milan où elle était exposée à la cathédrale de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge (le Duomo) depuis 1943. Elle sera exposée au Trocadéro de Paris en 1981.
La collection complète de Paul Chaland, près de 600 pièces, fut acquise en 2009 par la société Primfil Europe, aujourd’hui Primfil International, fondée à Rethel (Ardennes).
Epilogue
Au lieu de proposer une conclusion pas toujours évidente, hormis que cette chapelle est un lieu exceptionnel qui mérite le détour même si c’est un lieu commun de l’écrire, et qui peut ne pas être appropriée… je préfère proposer une petite histoire mignonette en relation avec l’article !
Un petit garçon demande à sa mère
- Dit maman, qu’elle était son métier à Marie ?
- Elle n’en avait pas, elle était femme au foyer, comme moi.
- Si elle ne travaillait pas, pourquoi mettait-elle alors Jésus à la crèche ?
Un dernier regard apaisé sur la colline (JM)
Références
Ouvrages : Ronchamp Notre-Dame du Haut Le Corbusier (Françoise Ascal, 2005), Le Corbusier Ronchamp (Maria Antonietta Cripa, 2014).
Presse : Le Pays, L’Est Républicain
Site Web : Wikipédia, Colline Notre-Damedu Haut (Ronchamp), Les Clarisses à Ronchamp, autres...
Remerciements à tous ceux qui m'ont apporté aides et donné des informations pour me permettre de rédiger cet article.
JM
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