Ronchamp Notre-Dame du Haut, de l’origine à la 2ème Guerre Mondiale (1ère partie)
MAJ le 23 oct. 2016
Profitant d’une après midi ensoleillée, une petite balade digestive nous a amené, entre Noël et Nouvel An, à la chapelle de Notre-Dame du Haut à Ronchamp (1) où étaient exposées des crèches de différents pays.
NA : Comme cette colline a une histoire se déroulant sur plus deux millénaires, j’ai découpé l’article en trois parties. En voici la première…
Notre-Dame du Haut (Photo JM)
L’exposition se déroulait du 16 novembre 2015 au 10 janvier 2016.
Crèche devant l’autel de la chapelle (Photo JM)
Cette visite en ce lieu m’a titillé et je vous propose un article sur cette chapelle mondialement connue et sur un homme qui en a fait sa notoriété, l’architecte suisse Le Corbusier.
Carte postale Ronchamp et son église (début 20ème siècle)
Avant de traiter le sujet sur la chapelle de Le Corbusier, il me semble intéressant de développer l’histoire de ce lieu de culte au fil du temps, tout au moins, en présenter les évènements significatifs…
La colline de Bourlémont
La chapelle de Notre-Dame du Haut est située sur la colline de Bourlémont (2) à 474 mètres d’altitude et domine l’ancienne ville minière de Ronchamp, commune sur la N19 entre Belfort et Lure (Haute-Saône).
Carte postale de Notre-Dame du Haut sur la colline de Bourlémont
Si l’exploitation débuta en 1744, il faut attendre un demi-siècle pour une extraction minière industrielle. Dès 1810 au puits Saint-Louis au hameau de la Houillère à la fermeture en 1958 du dernier puits, celui de l’Étançon, on y a extrait près de 17 millions de tonne de houille; pas moins de 28 puits ont été creusés sur le secteur Ronchamp-Champagney.
Carte postale Ronchamp Puits du Chânois (1895-1951)
Cette colline de Bourlémont aurait accueilli un site religieux depuis l’époque romaine où aurait été implanté un temple romain. Il aurait été édifié après la victoire des troupes de Jules César, lors de la bataille de l’Ochsenfeld (plaine s’étendant de Thann à l’est de Mulhouse), sur les hordes suèves d’Arioviste en l’an 58 avant JC.
NA : Tout est au conditionnel car aucune preuve n’est apportée pour confirmer ces informations.
Chromo Liebig Rencontre entre Jules César et Arioviste avant la bataille
Rome avait été sollicitée par les gaulois qui avaient subit une lourde défaite en 60 avant JC en Côte d’Or par ces mêmes germains s’appropriant de nombreux territoires tout en ayant encore, bien d’autres intentions expansionnistes.
Cartes postales des belligérants, défilé des romains et retrait des suèves
Le chemin de croix de la Chapelle en 15 dates
Pour devenir l’édifice qui a une renommée internationale, la chapelle de la colline de Bourlémont a su traverser l’histoire tumultueuse d’une quinzaine de siècles, portée par la foi de nombreux Hommes. En voici son histoire…
6ème siècle, naissance de la 1ère chapelle
Une chapelle dédiée à la Sainte Vierge aurait remplacée (le conditionnel est toujours de rigueur) les restes du temple lors de l’évangélisation de la région par des moines.
En 587, ils s’installèrent à Annegray, aujourd’hui lieu-dit de la commune de La Voivre, proche de Faucogney et construisirent leur monastère. A leur tête, un moine irlandais dénommé Colomban. Trois ans plus tard, ils édifièrent un nouveau monastère à Luxeuil. Un troisième monastère fut fondé à Fontaine-les-Luxeuil.
Image de la statue de Saint Colomban (Luxeuil)
NA : Concernant ce moine, il existe l’Association du Chemin de Saint-Colomban dont le but est de faire classer un itinéraire culturel européen partant de Bangor (Irlande du Nord, son lieu de naissance) à Bobio (Italie, son dernier monastère) en passant par Luxeuil (Haute-Saône, où il implanta 3 monastères).
Site Les Amis de Saint-Colomban : Cliquer ici
Ce serait un de ses disciples, Saint-Desle qui aurait implanté la chapelle. Il est attesté qu’au 7ème siècle, des pèlerinages à la Vierge se déroulent en ce lieu.
NA : J’ai lu aussi que la 1ère Chapelle aurait été construite dès le 4ème siècle mais sans y apporter un argumentaire étayé d’où mon article tablant sur une origine potentielle dans le cours du 6ème siècle.
1092, présence authentifiée de la première église
Beaucoup plus tard, en 1092, il est authentifié qu’une église catholique est présente sur le site, construite en ? A-t-elle été édifiée à partir des pierres restantes de la chapelle ?
Dans tous les cas, l’abbaye bénédictine Saint-Vincent de Besançon (église Notre-Dame) fondée en 1080 par l’archevêque Mgr Hugues II de Montfaucon, en reçoit la charge.
Carte postale Eglise Saint-Paul (à droite tour et porte de l’ancienne Abbaye)
L’église est boudée par le seigneur du lieu, Thomas de Ronchamp, qui veut un édifice religieux en son château car celle de la colline est pour lui trop éloignée et difficilement accessible surtout en hiver. Il obtient de l’archevêque Mgr Eudes de Rougemont le droit d’en construire une en son enceinte, la chapelle Saint-Hubert est construite dès 1269. Cet accord était conditionné à maintenir gite et victuailles au curé Gérard en charge du lieu du culte sur la colline.
Livre Ronchamp avant Le Corbusier
(Livret d'exposition des Archives Départementales de la Haute-Saône, 2005)
Très certainement l’église de la colline a été reconstruite en 1308, ou à minima, a subi une opération lourde de restauration. Une pierre portant cette date témoigne de ce fait probable.
Elle a été scellée dans la pierre de fondation de la nouvelle chapelle construite en 1954.
L’ancien sanctuaire de la colline tel qu’il était avant 1844
Au fil des siècles suivant, l’église (du bas) est peu ou pas entretenue par l’archevêché, hormis par des paroissiens qui en assurent le minima. D’ailleurs, l’archevêque de Besançon, Mgr Antoine-Pierre II de Grammont, acte la décision d’en construire une nouvelle le 27 mai 1737 à la place de la chapelle Saint-Hubert, sur un terrain appartenant au maire, Antoine Lallemand.
Plan implantation nouvelle église en 1741 (Doc. Archives Départ. de Haute-Saône)
L’église construite à partir de 1741 sous l’ère de l’abbé Jean-Claude Perney, devient l’église paroissiale du village sous le nom de Notre-Dame de Septembre, au détriment de l’église de la colline qui est déchue en simple chapelle dédiée au culte de la Vierge, rebaptisée Notre-Dame du Haut.
En 1864, une nouvelle église néogothique au style Eugène Viollet-le-Duc, sera édifiée pour répondre à l’augmentation de la population liée au développement des houillères de Ronchamp. Elle est due à l’architecte Jean-Baptiste Colard.
Carte postale Eglise Notre-Dame du Bas en 1910
De même, du côté de la colline, l’église n’est pas non plus dans un état mirobolant mais elle est défendue par les habitants des communautés de La Selle, Le Rhien, Mourière et Recologne qui forment la paroisse de Ronchamp avec le village. Ils refusent l’ordonnance prononcée par l’archevêque en 1738 entraînant la disparition de l’église de la colline. Leur lutte va être récompensée par la conservation de ce lieu de culte même déclassé en simple chapelle. Des réparations sont effectuées et un gardiennage y est assuré.
Carte postale
Suite au rapport effectué le 23 octobre 1738 par Antoine Bounder, entrepreneur vésulien (ou luxovien ?), missionné par l’archevêque, on a une idée précise des dimensions de l’édifice. L’église possède un clocher de base carré de 3,3 m de côté, haut de 5,60 m, qui précède le corps principal du bâtiment, lui, large de 8,80 m et haut de 5,10 m, composé d’une nef mesurant 12 m et un chœur de 7 m.
1797, la chapelle est en vente
La chapelle de Notre-Dame du Haut sera même vendue sous la révolution de 1789, le ronchampois Jean-Jacques Marsault l’achète le 28 janvier 1797 puis elle est acquise l’année suivante par un négociant luxovien, Claude-François Bailly; il voulait en tirer partie via la vente des pierres. Elle est sauvée de la démolition, grâce au concours de quarante-cinq familles de Ronchamp regroupant 168 paroissiens, qui se sont cotisées pour l’acheter le 2 juin 1799 devant François Joseph Ballay notaire à Ronchamp, sous l’égide du curé du village, l’abbé Beauchet. De même, quelques réparations sont effectuées par les paroissiens.
Peu après l’arrivée au diocèse de Besançon de l’archevêque Mgr Césaire Mathieu en 1834, l’organisation du culte de la chapelle revient sous l’autorité religieuse après en avoir été privée pendant une quarantaine d’années.
Archevêque Césaire Mathieu (Photo Pierre Petit)
Le 22 avril 1839, l’archevêque nomme un vicaire en charge de la chapelle sous l’autorité du curé de Ronchamp.
1844, la chapelle rénovée de l’abbé Vauchot
La chapelle qui a subit les outrages du temps et un entretien sommaire, va bénéficier enfin d’une rénovation bénéfique. De plus, à partir de 1844, adossée à elle, une nouvelle église de fort volume est construite sous la conduite et la volonté d’un homme, l’abbé Claude-Joseph Vauchot, né à Faucogney (commune distante d’une vingtaine de kilomètres). Dès 1843, il avait eu le soutien de l’archevêque de Besançon, Mgr Césaire Mathieu, pour la réalisation de ce projet nécessaire à la dévotion à la Vierge Marie.
Gravure 1847 Nouvelle Chapelle (Doc. Archives Départementales Haute-Saône)
Le nouveau sanctuaire dont les murs furent montés dès 1847, fut terminé en mai 1857. Forte de ses 20 mètres de long et large de 15 mètres, elle a la forme d’une croix grecque (vue de haut) pourvue de cinq toitures coniques en zinc dont le dôme central culmine à plus de 30 mètres de haut et où trône une vierge dorée.
Les quatre autres sont pourvues d’une flèche surmontée d’un ange en fonte, plus précisément un séraphin. Mais le constructeur ne mit point de paratonnerre, pourquoi ? Cette volonté ou oubli aura des conséquences importantes que nous verrons plus tard.
Carte postale de la chapelle (vue de la nouvelle partie)
A noter qu’à l’intérieur, quatre grands vitraux représentent la Vierge Marie de Sainte-Marie-Majeure de Rome, Notre-Dame de Lorette, Notre-Dame de Fourvière et Notre-Dame des Ermites. Ainsi que deux rosaces illustrant Marie dans son Assomption et la Vierge tenant l’enfant Jésus.
Carte postale de la chapelle (vue latérale)
Initialement, les deux sanctuaires n’étaient pas réunis, c’est le curé de Ronchamp, l’abbé Jean-Baptiste Faivre qui proposa la jonction et ce fut l’architecte M. Jean-Baptiste Colard de Lure qui se chargea d’établir les plans nécessaires pour les travaux à effectuer. La conception sous forme d’entretoise s’inscrit parfaitement et ne dénature en rien les deux ouvrages, bien au contraire, vue de l’intérieur, elle assure une continuité sous forme de nef.
Carte postale de la chapelle, un dimanche
L’abbé Vauchot mourut le 8 mai avant que la première messe y soit donnée. Toutefois, lors l’office du 8 septembre dédiée à la Vierge, une oraison funèbre fut prononcée par l’abbé Jean-François Tarby, curé de Vaufrey (commune du Doubs, en limite de la frontière Suisse, au nord-est de Saint-Hyppolite).
Carte postale de la chapelle
La nouvelle chapelle fut inaugurée et bénite le 27 octobre 1859 devant une belle assemblée. Le discours de l’abbé Pierre-François Guiron, le curé de Lure, fut très apprécié par son propos sur ce lieu dédié à la Vierge.
1873, le pèlerinage du 8 septembre
Dès sa création, la chapelle de Bourlémont est dédiée à la Vierge. Les pèlerins s’y rendent régulièrement à l’occasion des Fêtes de la Vierge dont le 15 août, fête de l’Assomption et surtout le 8 septembre, fête de la Nativité.
Carte postale illustrée de la chapelle au début du 20è siècle (avant 1913)
L’ampleur des pèlerinages va induire l’organisation de foires très importantes. Une charte du Comte Othon IV de Bourgogne datée du 8 septembre 1271, octroie un sauf-conduit aux marchands pour se rendre sur les lieux du pèlerinage de la Nativité de la Vierge.
Carte postale de la chapelle (vue côté ancienne chapelle)
Un des plus importants aurait eu lieu le 8 septembre 1873, déplaçant plus de 30 000 pèlerins venant de Franche-Comté, mais aussi d’Alsace et de Lorraine suite à l’annexion des deux provinces par les prussiens.
Ce fut le prélat franc-comtois né à Epeugey (commune au sud de Besançon), Mgr Theodore Legain, l’évêque Montauban qui officia pour la messe.
Image Mgr Theodore Legain
Il suppléait le Cardinal de Besançon, Mgr Césaire Mathieuappelé àune cérémonie de couronnement à Sion.
Image Souvenir d’un pèlerinage (collection CM)
Le discours fut prononcé par le vicaire général de Besançon, l’abbé Louis Besson.
Carte postale de l’Autel principal dominé par la Vierge
Carte postale de l’Autel dressé pour les pèlerinages
Pour mémoriser ce grandissime pèlerinage, une plaque commémorative fut gravée et placée au-dessus de l’entrée de l’ancienne chapelle.
Carte postale d’un pèlerinage à la chapelle
1913, l’incendie du 30 août
Mais la configuration de son toit et l’absence de paratonnerre ont malheureusement les faveurs de la foudre… l’orage violent de la fin de matinée du samedi 30 août 1913 va lui être fatal. Un éclair, plus puissant que les autres, accroche le clocheton central élancé de la toiture et la foudre provoque l’incendie de l’église rapportée.
Carte postale Les toits de l’adjonction sont partis en fumée
Par contre la chapelle, sous l’action de son curé Louis Morel et des habitants alertés, va échapper au désastre, la vierge a-t-elle protégé son sanctuaire ?
Carte postale L’ancienne chapelle n’a pas souffert de l’incendie
Pour entreprendre la réparation de la chapelle, il faut soulever des fonds importants; l’abbé Morel s’attèle à lancer une souscription régionale. Il se chargea aussi de faire réaliser les plans de la nouvelle chapelle et il retint le projet de l’architecte luron Alexandre Broutchoux, qui futapprouvé par l’archevêque de Besançon, Mgr François-Léon Gauthey.
Carte postale Plan de l’architecte Broutchoux
Il conserve l’ancienne chapelle, remplaçant la partie construite au milieu du 19ème siècle par une forme de croix latine avec un haut dôme central supportant une statue de la Vierge Marie.
Carte postale illustration du projet de l’architecte Broutchoux
Ce projet de reconstruction est plutôt grandiose, peut-être trop… l’église deviendrait une petite basilique à l’image du Sacré-Cœur de Paris !
NA : Rare, une vente anticipée d’une carte postale d’un projet mais qui n’abouti point !
1922, la chapelle de l’abbé Morel puis de l’abbé Belot
Mais la déclaration de la 1ère Guerre Mondiale, le 3 août 1914, va mettre à mal le projet, suspendu pendant le conflit, il va être totalement annulé car son coût ne peut plus être assumé après quatre années de conflit et des coûts explosés !
Manuel du pèlerin écrit par l’abbé Belot en 1938
Un projet beaucoup plus simple est présenté par l’architecte de Lure, il est accepté. Avec un style néogothique, l’édifice se compose d’un bâtiment en continuité du corps de l’ancienne chapelle avec un transept (nef transversale) au milieu de la nef prolongée.
Plan de 1922 Face avant de la nouvelle chapelle
(Doc. Archives Départementales de Haute-Saône)
Les travaux débutent dès juin 1922 sous la responsabilité de l’architecte Marius Gasser, un élève du concepteur du projet. L’abbé Morel ne va pas pouvoir voir l’édification de la nouvelle église car la maladie l’emporte le 22 octobre.
Ce fut l’abbé Lucien Belot,le curé de Gouhenans (commune proche),qui fut nommé et pris le relais pour l’édification de la nouvelle chapelle. Il fut aidé dans cette tâche par le vicaire de la paroisse, l’abbé Henriot.
A l’automne 1923, le transept et la nef sont terminés, toiture comprise.
Carte postale de la chapelle vers septembre 1923
Un porche de bonnes dimensions, appuyé sur l’extrémité de la nef, fut construit dans la foulée pour être terminé à l’été 1924. Il couvre en partie un vaste parvis tel un amphithéâtre, facilitant ainsi l’organisation de cérémonie à l’extérieur. Sa forme et ses ornements architecturaux donnent à l’ensemble une once de modernité au nouveau lieu de culte de la colline.
Carte postale de la chapelle où se terminent les travaux du porche
Les gros œuvres étant finis, les finitions furent entreprises comme le dallage de la nef en juin, le raccordement crucial des deux bâtiments pendant l’hiver. Ils se poursuivirent par la pose des vitraux de la maison Félix Gaudin (3) de Paris à partir d’avril 1925, suivirent le montage des portes en chêne massif, l’installation de la chaire en pierre blanche au début 1926 ainsi que la décoration.
Côté extérieur, deux plans inclinés sont réalisées pour accéder au porche; ils sont joliment agrémentés de balustres.
Carte postale Vue du porche et des balustres (en 1927)
Les deux séraphins qui sont installés sur l’avant du porche encadrant la vierge et les deux installés en chaque extrémité du toit du transept sont ceux qui étaient sur le toit de l’église incendiée le 30 août 1913.
Carte postale Vue du porche et des balustres (après 1930)
La nouvelle chapelle a été inaugurée le 5 juin 1926, le jour de la Fête-Dieupar l’archevêque de Besançon, Mgr Joseph-Marie Humbrecht (4).
Carte postale Vue lors du jour de l’inauguration, le 5 juin 1926
Pour cette inauguration, la foule des grands jours s’est rassemblée autour du lieu de culte, plus de 10 000 pèlerins.
Carte postale Vue lors du jour de l’inauguration, le 5 juin 1926
La chapelle n’attire pas que pour les pèlerinages, chaque dimanche, elle reçoit la visite de nombreux paroissiens, pèlerins et simples curieux.
Carte postale Les fidèles viennent voir la chapelle terminée
Pendant sa mission en tant que gardien du site à partir de 1923, Just Chippaux a édité plusieurs cartes postales pour promouvoir la nouvelle Chapelle reconstruite à partir de 1922.
Carte postale éditée par Just Chippaux
Un nouveau clocher
Si la nouvelle chapelle avait forte belle allure, l’ancien sanctuaire dépareillait et portait difficilement les ans. Après l’inauguration, l’abbé Belot demanda à l’architecte de Lure, Marius Grasser, qui avait assuré le suivi des travaux précédents pour Alexandre Broutchoux, de proposer un projet de rénovation de l’ancienne chapelle. Le sujet avait déjà par ailleurs été abordé entre les deux hommes lors de la construction de la nouvelle partie.
L’architecte proposa un projet qui fut accepté par l’abbé et validé par le cardinal Mgr Charles Binet.
Le cardinal Mgr Charles Binet (source Wikipédia)
La première pierre de la rénovation fut bénite le 21 avril 1930 par le Chanoine Paul-Louis Camuset, l’archiprêtre de Lure sous délégation du Cardinal Charles Binet.
Carte postale Esquisse du projet de l’architecte Grasser
Les travaux sont effectués par la Société Française d’Entreprises de Paris qui entreprend deux modifications significatives, d’une part l’ancien clocher comtois doit être remplacé par un de forme néogothique et beaucoup plus haut, atteignant les 34 mètres.
Carte postale de la chapelle (après 1930)
D’autre part, l’ancienne nef, elle, doit être surélevée pour être alignée à l’ensemble constitué par la nouvelle nef et le transept construits en 1922-23.
Cartes de la grande nef et du chœur avec l’autel
Malgré des conditions climatiques difficiles lors d’une période très pluvieuse, l’entreprise mène les travaux avec célérité car au dernier jour d’août le clocher et ses attributs sont terminés.
Carte postale de la Chapelle modifiée en 1930
La suite de la rénovation concernant l’élévation de l’ancienne nef, le repositionnement des fenêtres et la toiture va se dérouler suivant l’attendu pour permettre le réaménagement intérieur.
Cartes des vitraux nord et sud du transept
Les travaux réalisés redonnent une homogénéité architecturale à l’ensemble avec un clocher se dressant dans le ciel. Il peut tenir la comparaison avec celui de l’église du village.
Deux nouvelles cloches
L’abbé Belot n’est pas totalement satisfait par cette nouvelle chapelle qui vient pourtant d’acquérir une nouvelle jeunesse… il lui manque des sonorités ! Il reprend son bâton de pèlerin qu’il n’a en fin de compte jamais posé, pour lever des fonds pour l’achat de deux nouvelles cloches pour accompagner l’aïeule de 1869, Marie Marguerite Florentine.
Les deux novices sont acquises en 1936 auprès des établissements des Frères Paccard d’Annecy-le-Vieux, spécialistes pour la fonte de cloches. Elles rejoignent la colline de Bourlémont le 12 août.
Carte postale Atelier des établissements Frères Paccard à Annecy-le-Vieux
Initialement, leur bénédiction devait être assurée par le cardinal Mgr Charles Binet mais il décéda le 15 juillet. Ce fut l’évêque de Marseille Mgr Maurice-Louis Dubourg* qui le suppléa et baptisa le 15 août 1936 devant une belle assemblée, les deux nouvelles cloches.
*Par ailleurs, il prit la succession du cardinal à Besançon le 9 décembre.
Comme toute cloche qui a été achetée grâce à des dons, elle a des parrains ou/et marraines dont on utilise leurs prénoms, Anne-Marie Alfrède Bernadette et Jeanne-Bernadette-Adèle-Françoise. Les prénoms masculins sont féminisés (ex : Alfred => Alfrède).
Carte postale des deux nouvelles cloches (texte central d’origine)
A noter, que dans un premier, la bénédiction devait être effectuée par le chanoine de Lure, l’archiprêtre Dromard, quand les autorités religieuses décidèrent de déléguer une autorité supérieure pour effectuer le baptême des cloches.
Carte postale des deux nouvelles cloches (texte central modifié)
NA : A travers les 2 cartes ci-dessus ont peut voir le changement d’intervenant opéré pour la bénédiction, via le texte central.
Sur la 1ère carte, le texte attribue la bénédiction au chanoine de Lure, l’archiprêtre Dromard. La couleur des cloches est sépia.
Sur la 2ème carte, le texte a été modifié pour attribuer la bénédiction à celui qui l’a réellement effectuée, l’archevêque Mgr Maurice-Louis Dubourg. La couleur des cloches est dorée.
Carte postale de l’intérieur de la Chapelle (1935 environ)
1944, la chapelle est prise pour cible
Une nouvelle fois, les éléments contraires vont se déchaîner sur la chapelle nouvellement rénovée ! En septembre 1944, la colline de Bourlémont est le poste d’observation de l’artillerie de l’armée allemande donc elle va être la cible des obus de la 1ère DFL (1ère Division Française Libre) qui entreprend la libération de Ronchamp.
Ce sont les Zouaves qui vont s’emparer de la colline le 28 septembre et vont tenir la position, renforcés du 1er Choc; malgré les assauts des soldats allemands et de leur artillerie.
Insignes des 2 régiments : Zouave et Choc
D’une part, le clocher de la chapelle va devenir leur cible et être détruit, d’autre part ses autres murs ont souffert suite aux nombreux impacts dus aux obus reçus.
Photo de la chapelle après les bombardements de 1944
(Collection Les Amis du Musée de la Mine de Ronchamp)
Une des deux cloches bénites le 15 août 1936 ne résista pas aux bombardements allemands, Anne-Marie Alfrède Bernadette est détruite.
Après la fin de la guerre, une réparation sommaire est réalisée pour mettre la chapelle hors d’eau en attendant une décision finale de son devenir, restauration ou construction d’une nouvelle ?
Photo de la chapelle après les réparations
(Collection Les Amis du Musée de la Mine de Ronchamp)
La statue de la Vierge à l’enfant
La statue de la Vierge à l’enfant serait du 14ème voire du 13ème siècle; haute d’environ 1,30 mètre, elle est sculptée dans du bois, au demeurant, un bois assez dur qui a permis à son créateur de lui donner une expression. Elle porte son enfant sur son bras gauche et le regarde avec tendresse. Drapée d’un vêtement orné de broderies, elle porte un cœur étincelant comme l’enfant. Il tient dans sa main, un globe de petites dimensions. Les deux possèdent une couronne.
Cartes postales de la Vierge à l’enfant avec ses apparats
Lors du pèlerinage du 8 septembre 1873, une procession emmena la statue à l’église du bas et la ramena à sa place.
En septembre 1944, suite aux combats, la statue de la Vierge a été sauvée et descendue de son piédestal par le sacristain Louis Begey aidé par un voisin de la cure, Auguste Glantzmann pour être mise à l’abri; grand bien lui fit vu les tirs d’obus reçus par la chapelle !
Cartes postales de la Vierge à l’enfant
La vierge à l’enfant sera le seul élément de l’ancienne chapelle que Le Corbusier va intégrer dans son projet, il va lui construire, en quelque sorte, un lieu de culte à sa dévotion. Elle fut restaurée dans les ateliers* d’Echenoz-la-Méline sous la responsabilité de l’aumônier Marcel Ferry.
*Mes recherches à ce jour (18 mars), me font supposer que la personne ayant effectué cette restauration serait Marcel Pécheur, ébéniste-menuisier.
Elle est installée sobrement dans une niche au-dessus de l’autel car lors de sa restauration, on lui a enlevé sa couronne et son manteau royal. Par contre, elle est aussi visible de l’extérieur.
Carte postale de la Vierge à l’enfant
On attribue à la Vierge des faits miraculeux.
Epilogue
Comme on peut le voir avec cette première partie de cet article, l’histoire de ce lieu n’est pas un long fleuve tranquille !
Pour découvrir la suite : Cliquer ici
JM
Remerciements à tous ceux qui m'ont apporté aides et donné des informations pour me permettre de rédiger cet article.
Références
Ouvrages :Livret du pèlerin (Abbé Belot, 1939), Ronchamp Notre-Dame du Haut Le Corbusier (Françoise Ascal, 2005), Ronchamp avant Corbusier (Archives départementales de la Haute-Saône, 2005), Le Corbusier Ronchamp (Maria Antonietta Cripa, 2014),
Site Web : Wikipédia, Les Amis du Musée de la Mine de Ronchamp, La Fondation Le Corbusier, Colline Notre-Dame du Haut (Ronchamp), Autres sites
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Légendes
(1) Ronchamp : Ce village de moins de 3000 âmes en 2015, a compté jusqu’à 3 800 habitants au début du siècle dernier. L’étymologie de son nom serait latine, Romanorum campus, camp, champ des romains.
Carte poste Ronchamp en haut à gauche, la Chapelle domine
Situé sur l’ancienne voie romaine reliant Langres au Rhin, avec sa colline, le village détenait une position stratégique pour les romains, les burgondes… jusqu’au allemands en 1944.
Si la Chapelle a apporté incontestablement la renommée à Ronchamp, la commune a eu aussi une forte attractivité par son sol où fut exploitée, du 18ème au 20ème, la houille qui occasionna aussi son lot de catastrophes minières entraînant près de 150 morts au 19ème siècle, dont un tiers au puits Saint-Louis. Le musée de la mine Marcel-Maulini, construit en 1976, retrace, par ses collections, l’histoire des mineurs des Houillères.
Photo Musée de la mine
(2) Bourlémont : D’où vient le nom de cette colline, de l’époque des Burgondes fort probablement. Même si l’étymologie du mot bourg fait débat entre les historiens pro racine germanique et les linguistes qui penchent eux, pour une racine latine, la tendance va tout de même pour la première hypothèse. Le Burg est la résidence pour eux. Le mot évolue au fil du temps, devient le Bourg.
Au 18ème siècle, sur la carte de Cassini est porté la mention ‘’Notre-Dame-de-Bourg-les-monts’’. Un siècle plus tard, le même lieu est nommé ‘’Bourg les Monts’’.
La colline avec ses implantations (vue aérienne Google Earth 2012)
De Bourg les Monts à Boulémont, le pas à franchir est aisé même si la pente est rude pour y parvenir.
A noter qu’il existait une famille lorraine, la seigneurie de Boulémont établie depuis le 12ème siècle dans les Vosges.
L’accès à la colline se fait par le centre du village par une route d’environ deux kilomètres. Il existe un autre chemin, un sentier plus court, qui passe sous le tunnel passant sous la voie ferrée au pied de la gare, il rejoint la colline en longeant le cimetière et en traversant des fouillis. Il servit comme chemin de croix par le passé ancien.
Carte IGN, accès à la colline : la route en orange et le chemin en jaune
La potence
Sur le flanc sud de la colline, était présent au 18ème siècle une potence. Elle était utilisée pour pendre les condamnés à mort de la seigneurie. Deux pierres de soutien sont encore visibles.
(3) Félix Gaudin : Né à Paris le 10 février 1851, il fut un maître peintre-verrier et mosaïste. Militaire de carrière, il bénéficie d’un bel héritage lui permettant d’acquérir en 1879, une importante manufacture de vitrail à Clermont-Ferrand, qu’il va développer.
Il s’installe à Paris en 1890 et privilégie de réaliser des vitraux de belles qualités artistiques. D’ailleurs, il obtient un grand prix et deux médailles à l’Exposition Universelle de Paris en 1900.
Livre de JF Luneau sur Félix Gaudin
Il apporte des innovations en utilisant de nouveaux matériaux tel le verre dit ‘’américain’’ (verre translucide et laiteux).
Il décède le 15 septembre 1930.
(4) Joseph-Marie Humbrecht : Né dans une famille de vigneron le 24 août 1853, il entre dans le clergé et, est nommé prêtre en 1877. Il exerça quelques années comme curé à Belfort avant de partir à Besançon comme vicaire en 1904.
Avant d’être nommé archevêque de Besançon le 14 septembre 1918, il fut évêque pendant 7 ans à Poitiers.
Image de Joseph-Marie Humbrecht
Il décède le 28 juin 1927
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