Tour de France, René Pottier 1er coureur au Ballon d'Alsace
MAJ le 16 septembre 2021
Etant amené à citer régulièrement René Pottier lors des articles sur le Tour de France, j’ai décidé de lui en consacrer un, mais ciblé principalement, dans un premier temps sur ses exploits sur le Tour de France, dans le Territoire de Belfort.
Photo René Pottier (doc. Wikipédia)
René Pottier fut le premier coureur à franchir en tête le Ballon d’Alsace le jeudi 11 juillet 1905, lors de la 2e étape du 3e Tour de France, entre Nancy et Besançon.
René Pottier, un coureur d’exception
Fils de Léon et Anna Pottier, il est né 5 juin 1879 à Moret-sur-Loing, ancienne commune située au sud de la Seine-et-Marne. Il est le quatrième enfant de la famille. Il est précédé par son frère ainé Léon né en 1872, vint ensuite son deuxième frère Charles né en 1875 puis sa première sœur Berthe née en 1876. Après lui, naissent son frère André né 1882 et sa sœur Marguerite née en 1883.
Carte postale Moret-sur-Loing (coll. privée)
La famille étant assez fortunée, les enfants eurent rapidement une bicyclette, un luxe au début des années 1880 ! Les enfants Pottier vont participer rapidement à des épreuves cyclistes organisées localement, mais ce fut René le plus assidu et accroché par la Petite Reine…
Il effectue son service militaire, dans son département, au peloton cycliste du 76e Régiment d’infanterie de Coulommiers, qui durait trois ans à l’époque.
Carte postale Coulommiers Caserne du 76e RI (coll. privée)
En 1903, il s’installa à Paris où il rejoint son frère André. Tous deux vont intégrer le Vélo Club de Levallois, fondé en 1891. Ce club fut une pépinière du cyclisme français d’où vont éclore de belles pépites qui vont inscrire leurs noms sur les tablettes du Tour de France en tant que vainqueurs !
Sigle du Vélo Club de Levallois (coll. Privée)
René Pottier va effectuer ses armes en amateur où il remporta plusieurs belles courses, Bordeaux-Paris (???), Paris-Caen (1903), Paris-Provins-Paris (1904)… et se classa 2e du Championnat de France amateurs (1903) gagné par Marcel Cadolle*.
*Marcel Cadolle était un ami de René Pottier, ils s’étaient connus lors de leur service militaire au 76e Régiment d’infanterie de Coulommiers.
Carte postale Marcel Cadolle (coll. privée)
Toujours en 1903, une bonne année pour le coureur, il s’attaqua au record de l’heure où la distance parcourue, sur la piste du vélodrome Buffalo à Neuilly-sur-Seine, fut de 40,08 kilomètres. Il établissait la deuxième performance derrière l’américain Willie Hamilton, record établit le 9 juillet 1898 avec 40,781 kilomètres. Au passage, il battait le record de France détenue par… Marcel Cadolle, de plus d’1,6 kilomètre.
René Pottier au départ d’une course sur piste (La Vie au grand air)
La piste continua de l’attirer où il établit plusieurs records en 1904, le record du monde du kilomètre départ arrêté avec entraîneur en 1’ 8’’ 2/10e et le record mondial des 20 kilomètres départ arrêté avec entraîneur en 29’ 53’’ 2/10e. Il améliora son record de l’heure en 40,340 kilomètres.
En fin d’année 1903, il passa professionnel en tant que pro individuel.
Toujours amoureux de la piste, il participa à la saison hiver du vélodrome d’Hiver à Paris en gagnant très souvent en individuel comme en tandem.
Carte postale Paris Le vélodrome d’hiver (coll. privée)
Il termina 2e sur son premier Paris-Roubaix en 1905 et sur Bordeaux-Paris, battu par Hippolyte Aucouturier !
Tour de France 1905, sa première participation
Il participa du Tour de France 1905, la 3e édition sous les couleurs de Peugeot. Lors de la 2e étape Nancy-Besançon, l’organisateur du Tour fit passer les coureurs par le Ballon d’Alsace, une première, avec ses 12 kilomètres de montée, avec des pentes de 8 à 10%. Le départ s’effectua dans la nuit du 11 juillet, à 2 heures.
Carte postale Le Ballon d’Alsace (coll. BF)
René Pottier se présenta au pied du Ballon d’Alsace, après avoir déjà effectué 153 kilomètres, avec cinq concurrents, Hippolyte Aucouturier, Henri Cornet, Emile Georget, Lucien Petit-Breton et Louis Trousselier. Après un changement de bicyclette* pour attaquer cette nouveauté, les six coureurs vont s’affronter sur cette route aux pentes à forte déclivité. Les échappés effectuèrent les premiers kilomètres de cette ascension ensembles. Le premier à lancer les hostilités fut Henri Cornet, seul René Pottier le suivit. Ce dernier contra et partit seul à la conquête du sommet. Il passa seul le col du Ballon d’Alsace après 40 minutes d’effort. Il devança Henri Cornet et Hippolyte Aucouturier.
Carte postale René Pottier (coll. privée)
*Changement de bicyclette : Il permettait aux coureurs d’utiliser un plus petit développement d’environ 4,50 m, plus adaptée au profil de la montée. Arrivé au somment, nouveau changement.
Apparemment, il fut le seul à effectuer la montée sans descendre de sa machine ! Il inscrivait ainsi son nom sur les tablettes de cette difficulté et devint le premier Roi de la montagne !
Carte postale René Pottier Vainqueur au Ballon d’Alsace (coll. privée)
Dans sa lancée, il arriva en tête au contrôle établi à Belfort à 9h53’, établi devant l’Hôtel de l’Ancienne Poste, place Corbis, avec 2 minutes d’avance sur Hippolyte Aucouturier.
Le poste de controle était tenu par Charles Chaussin, correspondant de l’Auto, Jules Wolf, le président du Cycle Belfortain, Alfred Cerf, le président des Sports Réunis…
Carte postale Belfort Place Corbis
Il prit une collation rapide et ré enfourcha sa bicyclette pour rejoindre Besançon.
Mais victime d’un incident mécanique, il fut rattrapé par son éternel adversaire, Hippolyte Aucouturier qui remporta la victoire à Besançon avec 10 minutes d’avance, il était 13h11’. Louis Trousselier qui le suivait à 4 minutes, prit la 3e place de cette étape de 299 kilomètres et après plus de 10 heures de course.
Carte postale Hippolyte Aucouturier (coll. privée)
Il se consola avec la première place du classement général, il avait pris la 3e place à Nancy le 9 juillet. Il n’y avait pas encore de maillot distinctif attribué, il faut attendre 1919, pour que le coureur en tête du classement général reçoive le Maillot jaune.
Mais soufrant d’un tendon suite à une chute, il dut se résoudre à abandonner au départ de Besançon, n’effectuant pas la 3e étape et la suite du Tour.
Tour de France 1906, sa deuxième participation
Pour le Tour de France 1906, une étape s’intercala entre Paris et Nancy, Douai. Si pour la première étape, René Pottier se classa à la 4e place, lors de la 2e étape, entre Douai et Nancy, il va remporter l’étape lui donnant au passage, la tête du classement ex aequo avec Emile Georget.
La 3e étape reliait Nancy à Dijon le 8 juillet, distant de 416 kilomètres, avec le passage par le Ballon d’Alsace pour la deuxième année consécutive.
Carte postale Ballon d’Alsace La route du sommet (coll. privée)
Un petit peloton échappé de 19 coureurs arriva au pied du col pour s’engager dans la montée. Très rapidement, le groupe va se dissoudre suite à la cadence imposée par René Pottier; seuls deux concurrents, George Passerieu et Augustin Ringeval s’accrochèrent à ses roues pendant les premiers kilomètres. Mais il était beaucoup trop fort pour eux et il les lâcha après trois kilomètres d’ascension. Il poursuit seul les derniers kilomètres pourpasser seul au col, comme l'année précédente.
Par ailleurs, il va pulvériser son temps de 1905, en ne mettant que 27’ 8’’ pour effectuer la montée !
Carte postale Ballon d’Alsace Un virage (coll. privée)
Avec 4’30’ d’avance, il bascula dans la descente sur sa lancée pour arriver à Belfort où était installé un poste de contrôle fixe, place Corbis devant l’Hôtel de l’Ancienne Poste. Y officiait, comme en 1905, Charles Chaussin, le fils du propriétaire du magasin Chaussin spécialisé dans la vente de cycles, autos & armurerie, installé Quai Vauban.
Carte postale Grand Hôtel de l’Ancienne Poste à Belfort
Ayant eu une mauvaise expérience l’année précédente car rattrapé et dépassé, il n’avait fini que 2e à Besançon, il poursuivit ses efforts pour arriver à Dijon, après 14 heures de course, avec près de 48 minutes d’avance sur George Passerieu et son ami Marcel Cadolle.
René Pottier, le vainqueur du jour à Dijon (coll. privée)
Très régulier sur ce tour où il remporta trois autres étapes, la 4e étape entre Dijon et Grenoble (311 km), puis la 5e étape entre Grenoble et Nice (345 km) et la 13e, dernière étape, entre Caen et Paris (259 km), fit deuxième aux 6e, 11e et 12e étapes, troisième à la 8e étape, quatrième aux 9e et 10e étapes et enfin cinquième à la 7e étape, sa plus mauvaise place… il resta en tête du classement général sur 12 étapes. Un exploit !
Carte postale René Pottier en 1906 (coll. privée)
Cette même année, il participa à 12e édition du Bol d’Or, le 10 septembre. Cette épreuve de 24 heures se déroula sur la piste du vélodrome Buffalo à Neuilly-sur-Seine. Malgré la concurrence de grands champions qui étaient avec lui sur le Tour, il remporta l’épreuve en parcourant 925,2 kilomètres.
Carte postale Départ du Bol d’Or 1905 (doc. Wikipédia)
NA : Initialement, j'avais émis l'hypothèse que la photo pouvait être de 1906 ! Mais grâce aux recherches d'un fidèle lecteur, Philippe, la photo est bien de 1905. René Pottier participa donc en 1905 et abandonna après un déroulement épique de cette édition... Pour en savoir plus, le lien mis par Philippe, dans son commentaire en fin de l'article, permet de lire les articles sur le Bol d'Or 1905 dans le journal L'Auto, disponible sur le site de la BNF.
Elle fut sa dernière victoire.
1907, le Roi René quitte sa Petite Reine
René Pottier que certains lui donnaient comme surnom ‘’l’Homme qui ne rit jamais’’, fut appelé après ses exploits au Ballon d’Alsace, ‘’Roi René’’.
Le 25 janvier 1907, René Pottier fut retrouvé, par son ami Arthur Barthélémy, pendu dans le garage Peugeot, lieu, où il entreposait ses bicyclettes et où il effectuait les réparations et les améliorations de ses bicyclettes, à Levallois-Perret. Il n’avait laissé aucune lettre pour expliquer son geste désespéré…
Carte postale Levallois-Perret
Deux causes s’affrontent, un surmenage l’ayant rendu neurasthénique ou un chagrin d’amour, d’après son frère Arthur !
Pourtant, il s’était marié le 2 mars 1905 avec Marie Zélie Herbet, née à Burtigny commune du Nord, une couturière de ce village de Levallois-Perret où le couple s’installa. Il ne vit pas naître ‘’sa fille’’ Renée, le 25 juin 1907.
René Pottier et son épouse (doc. velo-club.net)
Il fut enterré dans le cimetière de Grez-sur-Loing.
Photo La tombe de René Pottier (doc. Wikipédia)
Ballon d’Alsace, inauguration du monument René Pottier
Henri Desgrange, le directeur du Tour, fit élever une stèle en 1907 en sa mémoire au sommet du Ballon d'Alsace. Elle est installée au début de la descente sur Saint-Maurice.
Carte postale Monument Pottier au Ballon d’Alsace
Lors du Tour 1908, un autre Pottier passa devant le monument, il s’agit d’André Pottier qui fit un salut à ce lieu de mémoire dédié à son frère défunt René.
Le lendemain du 4e passage du Tour de France au Ballon d’Alsace, en 1908, eut lieu l’inauguration du monument élevé à la mémoire de René Pottier (1879-1907), qui lors des Tours de France 1905 et 1906, fut le premier à passer le sommet du col vosgien.
Elle eut lieu donc, le samedi 18 juillet lors de cette journée de repos, en présence d’Henri Desgrange accompagné d’André Pottier son frère, des suiveurs du Tour, de personnalités locales, des coureurs…
Carte postale René Pottier avec son fameux chapeau (La Vie Illustrée 1906)
Sur la plaque de la stèle, il est écrit :
“Dans le Tour de France, course annuelle de 5000 km organisé par l’Auto, René Pottier (1879-1907) arriva en premier en cet endroit en 1905-1906 après avoir soutenu dans l’escalade du Ballon d’Alsace une vitesse moyenne de 20 kilomètres à l’heure et dépassé tous ses adversaires”.
NA : La presse locale n’a pas laissé de compte-rendu sur cet évènement.
La stèle en son lieu d’origine (coll. privée)
Le 25 juin 2006, une plaque fut ajoutée sur le monument rénové pour le 100e anniversaire du 1er passage au sommet du Ballon d’Alsace. Elle représente René Pottier.
La stèle avec la nouvelle plaque (photo JM)
En 2009, le monument a été déplacé, il a traversé la route pour rejoindre un ilot aménagé.
Prix des côtes (ou prix Labor-Hutchinson)
Sur le Tour de France 1908, une nouveauté fut la création du Prix des Côtes sponsorisé par les sociétés Labor et Hutchinson récompensant le meilleur grimpeur.
Buvard publicitaire pour les pneus Hutchinson (coll. privée)
Les premiers points furent attribués lors du passage devant le nouveau monument René Pottier. Ce fut Gustave Garrigou qui passa en premier devant la stèle lors de l’étape Metz-Belfort.
Epilogue
Ce grand champion, décédé bien trop tôt aurait eu certainement un des meilleurs palmarès du cyclisme français, mais il en a décidé autrement !
Un livre lui est consacré dans la série ‘’Le Vélo et ses Champions’’.
En-tête du livre sur René Pottier (coll. privée)
JM
Référence internet : Wikipédia, Site La Grande Boucle, Site velo-club,
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