Quid de la carte photo d'un groupe de Carnavaleux ?

Poursuivant ce travail d'identification (localisation et/ou datation) des cartes photos, je vous en propose une nouvelle de saison, avec ce groupe de Carnavaleux !

Carte photo à localiser et à dater (collection JM)

Rédigeant actuellement l'article sur les Fêtes de la Mi-carême de 1923 à Belfort, cette carte photo possédée depuis 2018 va peut-être retrouver son "état civil".

Cette carte photo vient rejoindre la rubrique "Carte postale localisée du 90". En voici le processus d'identification.

NA : En fin de texte, des liens permettent d’accéder au répertoire des articles de cette thématique et au sommaire de ces Fêtes de la Mi-carême 1923.

Verso de la carte photo

Quelle (s) information (s) au dos de celle-ci ?

Le verso de la carte photo comporte un cachet qui peut être potentiellement celui de l'éditeur ou du photographe ayant pris le cliché.

Verso de la carte photo portant le cachet

Il s'agit de "H. Muller 26, rue Pékin, 26 Belfort"

Extrait de la carte photo : Le cachet

La rue de Pékin est une perpendiculaire à l'avenue Jean Jaurès (côté nord), située côté est, débouchant sur l'avenue en face du quartier de Dardel.

Concernant l'auteur du cachet, j'ai un doute sur l'hypothèse avancée dans un premier temps, car un professionnel aurait-il apposé son cachet en cet emplacement si envahissant ! J'en doute. Avançons.

Recherches via les annuaires

On trouve une "Vve Henri Muller" dans l'annuaire de 1924, à cette adresse.

Par contre dans l'annuaire de 1922-23, pas de trace de ce nom !

Recherches via l'état civil

Ayant fait appel aux Archives municipales de Belfort, pour confirmer l'existence d'un "H. Muller" à cette adresse, la recherche via les listes électorales (entre 1910 et 1923) et les actes de décès sur cette période n'a pas débouché; pas de "Henri Muller" dans ces états.

Par contre, dans le recensement de 1921, on retrouve la veuve, Marie Muller (née en 1884 à Ingersheim, journalière à la SACM) et le fils, Henri (né en 1904 à Wintzenheim, ajusteur à la SACM).

Extrait du recensement 1921 (doc. AD90)

NA : À cette époque, beaucoup de fils, principalement l'ainé, recevaient le prénom du père.

Est-ce le "H" du tampon ? Surprenant un tampon pour cette profession, avait-il une seconde activité le nécessitant ?

J'ai consulté celui de 1926, la mère vit maritalement avec Eugène Kettler (né en 1899 à Zimmersheim, ouvrier à la SACM); mariage célébré le 22 mars 1924 à Belfort. Le fils Henri vit toujours dans ce foyer.

Recto de la carte photo

Le cliché présente un groupe de travestis devant des spectateurs, photographié à Belfort ?

 

 Carte photo à localiser et à dater (collection JM)

Personnellement, je n'ai pas localisé le lieu !

J'ai fait appel à mon ami Bernard, notre référent belfortain qui a confirmé que le cliché fut bien photographié à Belfort et plus précisément rue de Cravanche (aujourd'hui rue de la 1^ère Armée). Il y avait une place contigüe (square Engel actuel) qui était le point de ralliement et de départ des défilés lors des évènements qui se déroulaient dans la Cité du Lion !

Plan situant les différents lieux (support doc. AMB)

Les maisons qu'on aperçoit derrière les personnes sont celles du faubourg des Vosges (aujourd'hui avenue Jean Jaurès), ce sont les Habitations à Bon Marché de la Société Belfortaine construites vers 1891, dites "Cités du Barcot".

À l'occasion de quel évènement fut éditée cette carte photo ?

Au regard de cette scène, on peut avancer que ce fut pour un Carnaval ou pour la Mi-carême ! Les arbres dépouillés confirment la période février-mars de l'année.

Extrait de la carte photo : Les carnavaleux

Pour mémoire, le distinguo entre les deux fêtes

La période de Carnaval débute le jour de l'Épiphanie, le 6 janvier et finit le jour de Mardi-Gras, jour précédent le début du Carême, le mercredi des Cendres. Le Carême, lui dure 40 jours et se termine la veille de Pâques, le Samedi Saint.

Le jour de la Mi-carême est le jeudi de la troisième semaine du Carême, donc pas tout à fait la moitié, comme le laisse supposer l'appellation.

Revenons à notre recherche…

Sur le verso de cette carte photo est imprimé un texte, ce qui est extrêmement rare pour ce type de support !

"CHAR DU BRISTOL
Gd BAL DE FAMILLE LES JEUDI,SAMEDI ET DIMANCHE"

Extrait de la carte photo : Texte imprimé

Quid du Char du Bristol ?

En premier lieu, ce char est bien caché, à moins que ce soit le landau !

Vu le libellé, on peut penser que le "Bristol" est un lieu où on pouvait danser…

Je sais qu'il existe un Bristol… mais à Montbéliard, rue Velotte, par contre à Belfort, ce lieu m'est inconnu !

Une vérification dans les annuaires à cette date, choux blancs; pas de commerce nommé Bristol ! Donc un mystère ou the mystake ?

Mon ami Bernard contacté, n'a pas la connaissance d'un tel établissement à Belfort, par contre, il a effectué une recherche sur le Web et à trouver sur un site de vente des photos concernant l'orchestre Marcel Legagneur dont l'une portait l'information "Brasserie Bristol Belfort Juin 1928".

Donc une brasserie Bristol a bien existé à Belfort, mais où ?

Recherches via les permis de construire

Mon interlocutrice des Archives municipales a consulté aussi les permis de construire pour vérifier s'il y avait existence d'un tel document concernant ce commerce. Bonne pioche ! Un permis de construire fut déposé en janvier 1958 par une dénommée Ana Guth pour modifier la devanture du bar … Bristol ! Son adresse : 220 avenue Jean Jaurès.

Dessin associé à la demande de modification de la devanture en 1958 (doc. AMB)

En 1931, une précédente demande fut pour transformer… la salle de bal en logement en 1931.

Plan associé à la demande de réaménagement en 1931 (doc. AMB)

Donc confirmation de son existence et de sa localisation qui, surprise, est à l'angle de la rue de… Pékin !

Un tour sur place m'a fait découvrir que l'immeuble portait le numéro 220 côté avenue jean Jaurès et… 22 côté rue de Pékin ! A un certain moment, l'immeuble eut deux entrées indépendantes, certainement une pour le commerce et l'autre pour l'habitat.

Façades de l'immeuble, av Jean Jaurès et rue de Pékin (photo JM)

Mais dans les recensements de 1921 et 1926, la rue possédait aussi le numéro 28 ! Comment expliquer cette situation, seule hypothèse envisageable, une ré numération de la rue. Il est vrai que l'urbanisation de la rue a beaucoup évoluée, en 1922, il y a 6 immeubles (n°2, 4, 6, 20, 26 et 28), aujourd'hui 11 (du n°2 au 22)

Le 22 d'aujourd'hui était certainement le 28 en 1923 (ou l'immeuble était-il en totalité affecté au faubourg des Vosges ?).

Quand fut pris ce cliché ?

Quand j'ai rédigé l'article sur les Fêtes de la Mi-carême 1922, j'avais éliminé cette hypothèse au regard de deux éléments ! Le temps pluvieux donc pas en cohérence avec ce cliché photographié sous le soleil et l'absence d'un descriptif concordant avec ce cliché dans la presse consultée !

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article, plus précisément à son sommaire.

Rédigeant actuellement un nouvel article sur les Fêtes de la Mi-carême mais celles de 1923, j'ai trouvé une information significative dans le compte-rendu de la Cavalcade paru dans l'édition du 4 avril 1923, du journal La Frontière!

Le journaliste énumérant et décrivant les participants à la Cavalcade, écrit : "Un couple très mignon de jolis enfants représentant une nounou et un zouave, montre une endurance incroyable en suivant toute la cavalcade."

Extrait article du journal La Frontière (coll. AD90)

Ne serait-ce pas les deux bambins présents vers le landau ?

Extrait de la carte photo : Les deux enfants

Si on peut avoir un doute pour la "Nounou", mais encore, il en est tout autre pour le petit "Zouave" qui correspond étonnement bien au descriptif du journaliste; les deux formant ce petit couple très vaillant car le parcours du cortège dans les rues de la Cité du Lion devait avoisiner les 6,5 kilomètres, mais dans ce contexte de déambulation paresseuse, la distance réelle parcourue est plus proche des 10 kilomètres !

À la suite de ce premier texte, un second suivait : "Ce couple, une des belles trouvailles du Bristol, se retrouve au bal le soir, où il se fait primer (1^er prix, couple de géants) que berçait amoureusement dans ses bras l'inénarrable ….…..s."

 Extrait article du journal La Frontière (coll. AD90)

Donc ce texte cite ce fameux "Bristol" et d'un couple de géants ! Sur le cliché, on peut admettre que l'un des travestis peut être considéré comme "Géant" !

Extrait de la carte photo : Le géant

Peut-être que seul l'homme du couple était un géant !

De qui parlait-il, le journaliste à la fin de sa phrase "…l'inénarrable ….…..s."!

Il est à peu près sûr que ces travestis avaient une relation étroite avec le commerce ! Son propriétaire était un dénommé Léonard Quénaudon (né en 1871 à Barr) ayant épousée Berthe (née Balzer à Illzach en 1871) le 23 avril 1898 à Belfort, parents d'une fille, Suzanne (née à Belfort en 1896).

Tout comme, il pouvait y avoir un lien avec la famille Muller !

Épilogue

Donc ce cliché de travestis fut photographié rue de Cravanche (aujourd'hui, rue de la 1^ère Armée), le lundi 2 avril 1923, lors du rassemblement avant le départ du cortège de la Cavalcade.

Lors du défilé, on retrouve notre fameux quatuor de travestis, sur un cliché du cortège, rue Voltaire.

Extrait carte photo : Les 4 travestis rue Voltaire

Restent des énigmes : pourquoi ce terme employé "Char" et quel est le rapport entre le cliché et le tampon "H. Muller" !

Donc, une nouvelle carte photo sur Belfort, localisée et datée.

JM

Mes remerciements à la directrice des Archives municipales de Belfort pour son aide précieuse.

Liens pour accéder aux articles cités

Catégorie "Carte postale localisée du 90" : Cliquer ici

Fêtes de la Mi-carême 1923, le sommaire : Cliquer ici

Fêtes de la Mi-carême 1922, le sommaire : Cliquer ici

Référentiel presse : Journal La Frontière (collection Archives départementales du Territoire de Belfort, AD90), Plans (collection Archives municipales de Belfort, AMB)

Infos pratiques  

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