Monument aux Morts de Belfort, la préparation de l’Inauguration (4e partie)
Avec cette 4e partie, on aborde le contexte du choix de la date et l’organisation de l’inauguration du Monument aux morts.
Le projet de l’érection du Monument aux morts de Belfort en l’honneur des morts pour la France lors de la Première Guerre Mondiale fut acté lors Conseil municipal du 27 novembre 1920. Après les phases de sélection du 1er et 2e degré, ce fut le projet de l’architecte Albert Le Monnier et du statuaire Georges Vérez qui fut retenu le 9 avril 1922 et commandé le28 janvier 1924.
Carte postale Le Monuments aux morts de Belfort
En parallèle de la fin de la construction, la municipalité de Belfort et le Comité d’exécution préparèrent l’organisation de son inauguration dans le futur Square du Souvenir à une date devant répondre à plusieurs critères.
NA : En fin de texte, un article permet d’accéder à l’article sur le square du Souvenir, lieu d’implantation du Monument.
Le choix de la date de l’inauguration
Si initialement la date du 11 novembre 1924 était la cible du Comité d’exécution pour l’inauguration du Monument aux morts, sa construction subit une grève des metteurs au point et des patineurs* pendant un mois et demi, mettant en péril cette date d’après le sculpteur Georges Verez !
*Metteurs au point et patineurs : Ces deux corps de métier avaient la charge de réaliser le façonnage des pierres brutes d’Euville pour réaliser les hauts-reliefs de la partie inférieure du Monument.
NA : Pour plus de détails, se reporter à la partie 3 de l’article, consacrée à sa construction.
Cette situation ainsi que la volonté de la municipalité et du Comité d’exécution de donner un certain faste à cette inauguration provoqua un choix cornélien pour arrêter une date permettant d’avoir un Monument disponible, de pouvoir effectuer les invitations fermes, non remises en cause, et surtout que la cérémonie s’effectue sous la présidence d’une personnalité gouvernementale de premier plan !
Almanach des PTT de l’année 1924
Dans le cadre de la préparation de la plénière prévue le 11 septembre, le président du Comité Léon Marx avait rédigée une note le 5, mettant en concurrence deux hypothèses pour le choix de la date, une rapprochée avec le 11 novembre difficilement tenable avec une météo incertaine et une éloignée, le dimanche des Rameaux 1925, permettant au futur Square du Souvenir d’avoir pris forme et d’alléger ainsi les finances de l’année en cours !
Extrait de la note rédigée par Léon Marx (doc. AMB)
Lors de cette plénière, vu l’avancement du Monument et des informations données par le sculpteur Georges Vérez, la décision fut prise de prévoir l’inauguration le dimanche 16 novembre.
NA : Le choix de cette date au lieu du 11 novembre, permettait d’obtenir plus facilement la présence d’une autorité gouvernementale.
Les membres du Comité suggérèrent d’inviter, pas moins que le Président du Conseil, Edouard Herriot ! A la charge du maire, Noël Lapostolest, d’effectuer la démarche pour le solliciter et obtenir sa présence.
Carte postale Edouard Herriot, le Président du Conseil (coll. Privée)
A la réunion suivante du 25 septembre, le maire informa sur ces démarches pour obtenir la participation du Président du Conseil, mais celui-ci n’était disponible que le 14 décembre !
A la plénière du 29 septembre, la date du 16 novembre fut entérinée. Le ministre de la Guerre, Charles Nollet, devait être sollicité par les parlementaires belfortains ou à défaut les Maréchaux Joffre, Foch ou Pétain.
Pourtant le 24 septembre, le maire de Montbéliard, Georges Benjamin Bernard, avait écrit à son homologue pour l’informer que la Ville de Montbéliard avait prévu d’inaugurer son propre monument le 9 ou le 16 novembre, afin d’éviter une date identique ! Noël Lapostolest lui répondit que la date ne serait arrêtée que le 4 octobre mais que la date du 16 était fortement envisagée !
Carte postale Monument aux morts de Montbéliard (coll. privée)
Lors du Conseil municipal du 4 octobre, le maire informa les conseillers que la date du 16 novembre avait été arrêtée par le Comité lors de sa dernière plénière… La date fut entérinée par le vote des conseillers.
Un crédit de 34000 francs fut voté pour l’organisation de la cérémonie.
Lors de cette même réunion, il fut abordé le choix du nom que porterait le futur jardin. Le maire avança le nom de ‘’Clémenceau’’ mais le choix porta sur ‘’Le square du Souvenir’’, appellation proposée par le conseiller René Naegelen.
Extrait du compte-rendu du 4 octobre 1924 (collection AMB)
Le député Jean-Baptiste Saget informa le maire que le ministre de la guerre pourrait venir présider l’inauguration… le 30 novembre. La proposition, soumise aux membres de la plénière du 9 octobre, fut avalisée permettant d’avoir l’assurance de la présence d’un membre important du gouvernement et d’avoir un petit plus de délai pour son organisation.
Le Livre d’Or
Dès 1914, la qualité de ’’Mort pour la France’’ est attribuée aux civils et aux soldats victimes de la Première Guerre mondiale. Le 3 mai 1915, le ministère de l’intérieur pond une circulaire demandant d’établir les listes du personnel qui devront figurer sur le Livre d’Or du ministère. Cette démarche fut reprise par les communes.
La création du Livre d’Or de la ville de Belfort fut décidée lors d’une séance extraordinaire du Conseil municipal, le 17 novembre 1915. Il devait recueillir la liste des soldats belfortains tués lors du conflit de la Première Guerre Mondiale.
Extrait du compte-rendu de la séance du 17 novembre 1915 (doc. AMB)
Lors de cette séance, furent nommés les membres de la commission en charge du Livre d’Or : MM. Julien, Giroud, Dié, Hosatte, Jeanneret, Scheurer et les conseillers municipaux, Louis Herbelin et Lucien Meyer.
Extrait du compte-rendu de la séance du 17 novembre 1915 (doc. AMB)
En 1919, l’Etat instaure par la loi n°15135 du 25 octobre intitulée ‘’Loi relative à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la grande guerre’’ que chaque commune établisse un registre ‘’Le Livre d’Or’’ sur lequel est inscrit des soldats Morts pour la France suivant trois critères : tué ou disparu entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, tué ou mort de maladie contractée lors du service et natif ou habitant de la commune.
Belfort avait anticipé et son Livre d’Or s’articula sur trois composantes :
- le Livre d’Or individuel de chaque soldat Mort pour la France, recensant les informations disponibles à son sujet
La page d’en-tête d’un Livre d’Or individuel (doc. AMB)
- le Livre d’Or des Enfants de Belfort tombés au champ d’honneur 1914-1918 recensant en 75 pages les 1081 fiches des soldats dans l’ordre alphabétique, chacune donnant pour chacun d’entre-deux : affectation, lieu, date et circonstances du décès, les décorations et citations si possédées.
Les premières pages du Livre d’Or (doc. AMB)
- les deux reliures Nos Morts Belfort Grande Guerre 1914-1918 recueillant les photos données par les familles
Extrait d’une reliure recueillant les photos des soldats (doc. AMB)
La première édition du Livre d’Or de Belfort sortit le 9 octobre 1926, recensant 1081 morts. Un exemplaire fut donné à chaque famille.
Aujourd’hui par le travail effectué par Bernard Cuquemelle et Christophe Grudler, le nombre de Morts pour la France a été nettement réévalué !
Ce travail de recherche s’est finalisé par l’édition d’un livre paru en 2016, intitulé ‘’Livre d'or des enfants de Belfort morts en 1914-1918’’, fort richement documenté avec 208 pages, recensant 1438 Belfortains Morts pour la France.
La page de garde du livre où se dresse fièrement le Lion, le symbole belfortain
Un deuxième document est aussi à faire découvrir.
De leur côté, les Archives municipales de Belfort après avoir exposé les photos possédées des Belfortains Morts pour la France sur les grilles de la préfecture en 2018, ont réalisé un Album souvenir reprenant l’ensemble des photos du Livre d’Or, intitulé "Tous les jours il y a des hommes qui s’en vont".
La page de garde de la brochure des Archives municipales de Belfort
Ce travail fut réalisé sous la responsabilité de Fanny Girardot, la directrice des Archives municipales de Belfort.
NA : C’est d’ailleurs de cette brochure que sont extraits les différentes photos présentant le Livre d’Or de Belfort ?
Les invités d’honneur à l’inauguration
Les familles
A partir de son Livre d’Or, la municipalité belfortaine avait adressé une invitation aux familles endeuillées par la perte d’un des leurs lors de la Première Guerre Mondiale, à participer à l’inauguration du Monument prévue le 30 novembre 1924.
Mais par prudence, n’ayant pas l’assurance d’avoir l’exhaustivité des noms des Morts pour la France, elle fit insérer dans la presse locale le 19 novembre une information invitant les personnes non contactées de se rapprocher du secrétariat de la mairie pour obtenir des invitations. A la suite de l’invitation, figurait la liste des Belfortains Morts au Champ d’Honneur répertoriés dans le Livre d’Or.
Extrait de l’article paru dans La Frontière du 19 novembre 1924 (coll. AMB)
Vu le nombre de Belfortains recensés, la liste parue, répartie sur deux éditions consécutives dans la presse.
Le ministre de la Guerre
Au milieu de la première quinzaine de novembre, le maire et le président du Comité s’étaient rendu à Paris pour rencontrer le ministre de la guerre, Charles Nollet, pour organiser le déroulement de la cérémonie et avoir la confirmation de sa présence.
L’information fut communiquée aux conseillers municipaux, lors de la séance du 22 novembre.
Les Associations
Les présidents de nombreuses associations avaient invité leurs sociétaires à être présent à la cérémonie, en leur donnant rendez-vous de regroupement en différents points de la ville. On peut en citer quelques unes :
- la Solidarité militaire à la Grande Taverne,
- la Société Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole Normale à la place Corbis,
- les Pupilles de la Nation au théâtre,
- l’Association Fraternelle des Mutilés et des Réformés du Territoire de Belfort dans la rue Degombert derrière le Champ de foire,
- la Sainte Barbe à leur siège sociale,
- la Baïonnette au Café du Commerce, faubourg de France,
- l’Union Générale des Anciens Officiers,
Une partie des hauts-reliefs, les poilus (photo BF)
- l’Association Amicale des Anciens Prisonniers du Territoire de Belfort au Café d’Alsace,
- la Société de Secours Mutuels La Jeanne d’Arc au quartier Vauban,
- les Médaillés Militaires de la 56e section à la Grande Taverne,
- la Société de Secours Mutuels Alsace-Lorraine au quartier Vauban,
- l’Amicale des Officiers Militaires au Cercle militaire,
- les Diables Bleus à la Brasserie Wagner,
- la 594e section des Vétérans des Armées et de Terre, rue de la Suze,
- la Pédale Belfortaine à la Brasserie Vauban,
- les Engagés Volontaires Alsaciens et Lorrains, à la Brasserie Kuntz, rue Voltaire,
- …
Le programme du dimanche 30 novembre 1924
Les grandes lignes du programme s’articulaient ainsi :
9h00 : Réception du Ministre de la guerre, Nollet à la gare
9h30 : Réception des autorités et des corps constitués à la Préfecture
11h30 : Diner de réception au Grand Hôtel offert par la Ville
En parallèle auraient lieu les offices religieux pour chaque communauté.
13h00 : Arrivée des sociétés, délégations et invités au Champ de foire
13h30 : Arrivée du Ministre et des autorités, début de la cérémonie par les interprétations des sociétés de musique :
- La Marseillaise par la Lyre Belfortaine,
- La Symphonie de Beethoven par l’Harmonie de la SACM,
- Stance aux Morts de M. Neury par M. Dufour,
Une partie des hauts-reliefs, les poilus (photo BF)
14h15 : Appel des morts par les Mutilés ou Pupilles avec réponse par des sous-officiers ou soldats délégués par les régiments du 35e RI, 42e RI, 47e R.A.C. et 11e Dragon.
Pendant l’Appel aux morts, sonnerie des cloches des édifices religieux.
Après cet hommage rendu aux Belfortains Morts pour la France, viendrait le temps des discours :
- du président du Comité, Léon Marx,
- du Maire, Noël Lapostolest,
- du ministre de la Guerre, Charles Nollet
15h30 : Défilé (pendant les mouvements, la Lyre Belfortaine entonne Le Champ du Départ).
16h00 : Fin de la cérémonie
16h30 : Réception du Ministre et des autorités dans la Salle d’Honneur à la mairie, avec un lunch.
17h35 : Départ du Ministre
Le soir, des édifices publics seraient illuminés.
La presse
Bien entendu, la presse belfortaine, La Frontière et L’Alsace, annonça l’inauguration du Monument aux morts.
Extrait du journal L’Alsace (coll. AMB)
Extrait du journal La Frontière (coll. AMB)
La journée du samedi 29 novembre 1924
En ce samedi, veille de l’inauguration, le Monument aux morts fut baigné par un vigoureux soleil mettant en valeur le nouveau venu au sein de la Cité du Lion.
Lors de cette journée se déroula la répartition des subventions allouées par le conseil municipal par le bureau de Bienfaisance, l’Office des Mutilés, les Pupilles de la Nation et les Veuves de guerre.
Une partie des hauts-reliefs, les poilus (photo BF)
L’après-midi fut consacrée à la réception provisoire du Monument.
NA : Un lien en fin du texte permet d’accéder à l’article concerné.
Photographies du Monument aux morts
La mairie informa par voie de presse qu’elle se réservait jusqu’à nouvel ordre le droit de reproduction par cartes postales ou photographies du Monument pour permettre au Comité d’exécution de se procurer des ressources nouvelles !
Annonce parue dans La Frontière le 26 novembre (do. AMB)
NA : Cette information permet d’avoir aussi l’information que le monument est bien terminé, du moins, l’entourage protégeant le travail des ouvriers et du sculpteur Georges Verez a été enlevé !
La carte postale officielle et seule autorisée, fut réalisée par l’imprimeur et éditeur Schmitt.
Certainement la carte officielle éditée par Schmitt (coll. JM)
A noter, que régulièrement, Léon Marx, le président du Comité d’exécution, informait par voie de presse, le versement de dons pour le Monument.
Information parue le 26 novembre dans La Frontière (doc. AMB)
Trois personnes furent désignées et chargées par le président du Comité, de la vente la carte postale; Georges Steiger, Gaston Chamagne et Victor Bosset.
Epilogue
Il m’a semblé intéressant de rédiger et de présenter cette partie de l’article avant de livrer la partie retraçant le déroulement de la cérémonie.
Après les difficultés rencontrées pour la construction du monument, la municipalité de Belfort voulut que l’inauguration du Monument aux morts soit un grand moment de solennité en hommage à ses enfants Morts pour la France.
JM
Lien pour accéder aux articles cités
Pour consulter les parties précédentes de l’article : Cliquer ici
Pour consulter la partie Construction : Cliquer ici
Pour consulter l’article sur le square du Souvenir : Cliquer ici
Références textes : Dossier des Archives municipales de Belfort (AMB), les journaux La Frontière (collections AMB) et L’alsace (collection Archives Départementales du Territoire de Belfort), Brochure Tous les jours il y a des hommes qui s’en vont, Livre d'or des enfants de Belfort morts en 1914-1918
Référence Web : Wikipédia
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