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LE CARTOPHILION
4 décembre 2020

Fontaines au faubourg de France de Belfort, 1838 & 1895 (2e partie)

Avec la première partie de l'article, nous avons pris connaissance que le faubourg de France de Belfort eut par le passé, bien avant l'arrivée de la Fontaine de Rougemont, deux fontaines construites dès 1805 (et non 1825).

Cet article s'appuie sur les écrits de deux historiens locaux, Auguste Corret et Henri Bardy, complété par un article de Jean Mansotte présent dans une revue municipale de 1972 et un autre (non signé) dans la revue Horizon de la Chambre de commerce de 1984.

Fontaine Savoureuse Horizon n°131 Sept 1984 p35R

Dessin de Mme D. Guenat (Revue Horizon, doc. BF)

La 2e partie de cet article est consacrée d'une part, à comprendre pourquoi la date de 1838 fut donnée par Jean Mansotte dans son article de 1972, pour la construction de ces 2 fontaines, et d'autre part, quand elles disparurent du paysage belfortain !

Une 3e partie passera en revue les gravures et clichés existants sur la fontaine nord et sa statue.

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à la première partie de l'article.

Pourquoi cette date de 1838 ?

À la fin de la première partie de l'article, grâce à la consuktation des délibérations des conseils municipaux, nous savons que la construction des deux fontaines ne datait pas de 1825 comme écrit par nos deux historiens locaux, mais en 1805 ! Erreur de "plume" ?

On sait aussi que les descriptifs des fontaines par les historiens ne correspondent pas aux informations contenues dans les délibérations de 1804 à 1826 !

CPA Vieux Belfort VB17

Carte postale Belfort Vue prise en 1860 (coll. JM)

Il nous reste, encore, à comprendre pourquoi, Jean Mansotte (1923-2016) dans son article de 1972, "La Grande Fontaine du faubourg de France" écrivit : "La municipalité belfortaine par un louable souci d'embellissement, fit édifier en 1838 deux fontaines monumentales."

Pour comprendre cette affirmation après avoir découvert que les fontaines dataient de 1805, plonger dans les délibérations des conseils municipaux est de nouveau un passage obligé… par la responsable des archives municipales de Belfort (confinement oblige).

Que disent les délibérations de 1838 ?

Tout d'abord, les comptes-rendus des budgets apportent des informations sur les crédits alloués pour les opérations prévues ou supplémentaires…

Délibération du 7 août 1838

Le conseil municipal, lors de la délibération du 7 août 1838, passa en revue les lignes budgétaires et au regard des recettes supérieures aux dépenses, un budget pouvait être dégagé pour effectuer d'autres travaux.

Il fut ajouté une ligne d'un montant de 1200 francs sous le libellé "Reconstruction de deux fontaines de la ville.

1838 08 07 Fontaines Fbg France Délibération CM 1

Extrait de la délibération du 7 août 1838 (doc. AMB)

Dans le récapitulatif des comptes, au chapitre budget extraordinaire qui peut être considéré comme la partie investissement, on retrouve la ligne pour la "Reconstruction en pierre des bassins des fontaines du faubourg de France & Ancêtres" avec la somme de 1200 francs.

1838 08 01 Fontaines Fbg France Budget supplémentaire 1 AMB_1L23_p1R

Extrait compte budgétaire, délibération du 1er août 1838 (doc. AMB)

Dans ce document, il y aussi une ligne avec un montant de 1000 francs pour "Remplacement des tuyaux en sapin dans la ligne des fontaines de la ville et redresser cette ligne depuis le réservoir" !

1838 08 01 Fontaines Fbg France Budget extra AMB_1L23_p1 R2

Extrait compte budgétaire, délibération du 1er août 1838 (doc. AMB)

Dans le budget supplémentaire voté en complément du budget, est présent une ligne de crédit pour un montant de 350 francs pour la "Solde des frais de reconstruction des bassins des deux à l'extrémité des faubourgs & ??? (illisible)"

1838 08 07 Fontaines Fbg France Budget supplémentaire 1 AMB_1L23_p1 R2

Extrait compte budgétaire, délibération du 8 août 1838 (doc. AMB)

Délibération du 30 octobre 1838

Le conseil municipal lors d'une délibération effectuée le 30 octobre 1838, fit un point d'avancement budgétaire sur le dossier de la (re) construction des deux fontaines. Le coût total s'élevait à 1432,85 francs. À l'acompte de 900 francs déjà versé, le 30 juin, il restait à prévoir 92,85 francs auxquels il fallait ajouter 51,35 francs d'honoraires.

1838 10 30 Fontaines Fbg France Délibération AMB_1D1-13-p1R

Extrait de la délibération du 30 octobre 1838 (doc. AMB)

Conclusions

En compilant ces informations, on peut affirmer qu'en 1838, les deux fontaines d'origines, ont été remplacées par de nouvelles en pierre, au minimum les deux bassins d'origine.

Donc quand Jean-Mansotte écrivit "La municipalité belfortaine par un louable souci d'embellissement, fit édifier en 1838 deux fontaines monumentales." Il a parfaitement raison, mais il aurait pu préciser qu'elles remplaçaient de précédentes fontaines !

CPA Vieux Belfort VC16

Carte postale Belfort La place d'Armes en 1860 (coll. JM)

Dans les délibérations, on parle des bassins mais pas des colonnes; ont-elles été remplacées ? Il est fort probable car les nouvelles fontaines possédaient deux sorties et non une comme les précédentes (voir croquis dans la 1ère partie de l'article), du moins cela fut précisé pour la fontaine nord par Auguste Corret (1795-1866), dans son livre "Histoire pittoresque & anecdotique sur Belfort & ses environs".

J'avais émis l'hypothèse qu'Auguste Corret avait écrit (par erreur) 1825 au lieu de 1805, faute "de plume" ! Mais en réalité la description qu'il fit des deux fontaines sont celles de 1838 et non celles de 1805, comment l'expliquer ? Surtout que lors de la construction de ces nouvelles fontaines, il était à Belfort !

Quant à Henry Bardy (1829-1909), il s'est appuyé sur les écrits d'Auguste Corret, d'après moi. Il s'est intéressé à l'histoire de Belfort après 1850 donc trompé… par les écrits de Corret !

La statue "La Savoureuse"

Par contre, dans aucunes délibérations, on ne parle ni du constructeur des fontaines ni de la statue "La Savoureuse"!

Quand est-elle venue prendre possession de la fontaine nord ?

1804, 1825 ou 1838 ?

Personnellement, j'élimine 1804 car Jean-Baptiste Glorieux (1777-1854) travaillait avec son père à cette époque, il était en apprentissage. Je penche pour 1838, car je ne vois pas mettre la statue sur une colonne de la fontaine type 1804, donc 1825 est de fait éliminé aussi.

En 1930, il est de retour à Delle. Il a pu proposer ou s'est vu solliciter par le constructeur des nouvelles fontaines, en 1838, d'orner la fontaine nord d'une statue. Il était apparemment connu pour réaliser ce type d'agrément pour les fontaines de ville, suite à son passage à Nancy.

CPA Delle Fontaine

Carte postale Delle Une fontaine (coll. privée)

La configuration de ces nouvelles fontaines est tout autre à celles de 1804 qui étaient des plus rustiques.

La statue "La Savoureuse" date de 1838

Mais l'existence de la fontaine fut remise en cause !

Pour connaître, la fin de vie de la fontaine, il faut s'appuyer sur les deux articles récents, ceux de 1972 et 1984, qui sont complémentaires en quelque sorte.

Le premier, celui écrit par Jean Mansotte aborde la cause de leur destruction.

"Posant à la municipalité de sérieux problèmes d'alimentation en eau, l'expansion accélérée de Belfort après 1870 fut, comme aux ouvrages de la Porte de France, fatale à la fontaine du faubourg…"

Au fil du temps, la fontaine avait besoin d'une réfection et la municipalité avait mis ce point au programme du conseil municipal du 30 mars 1895. Le coût des travaux, chiffrés par l'agent-voyer, s'élevant entre 700 et 800 francs plus la volonté d'économiser l'eau, fit que le maire Charles Schneider et les conseillers municipaux décidèrent la démolition de la fontaine. Seule une voix s'éleva contre, celle de Noël Lapostolest* qui voulait la conserver ! 

*Noël Lapostolest (1866-1947) : Il deviendra maire en 1920 mais, il y avait longtemps que l'eau ne s'écoulait plus de la fontaine… détruite.

CPA Vieux Belfort VA8

Carte postale Belfort Hôtel de ville en 1860 (coll. JM)

NA : Le livre des délibérations de 1895 n'est pas accessible actuellement, il est en restauration. À son retour, il sera toutefois nécessaire de vérifier les informations et peut-être dans recueillir d'autres.

Ainsi la fontaine nord fut condamnée sans une volonté d'en conserver une trace ! Les travaux furent confiés à Jules Pélisson, fontainier, installé au 30 rue des Bons Enfants.

Il est fort probable que la fontaine sud subit le même sort, dans la foulée.

La naïade sauvée des eaux !

Ce sauvetage nous est décrit par l'auteur de l'article paru en 1984 dans la revue Horizon de la Chambre de commerce, "Jadis, place du Grand Faubourg, trônait la Statue de la Savoureuse" consacré aux fontaines de la ville.

Fontaine Savoureuse Horizon n°131 Sept 1984 p33R

Si le glas avait sonné pour la statue, "La Savoureuse" avait un ange qui veillait sur elle… car elle avait un amoureux inconditionnel, un belfortain du secteur, un dénommé Georges Guldemann (1835-1907); elle était pour lui, en quelque sorte sa muse…

Comme commandé, lors d'une journée, le fontainier Jules Pélisson entreprit les travaux de démolition de la fontaine nord sans précaution particulière; elle était devenue persona non grata !

Son Saint-Bernard passant par-là, il vit et fut catastrophé par le désastre ! Il s'approcha et constata sa nymphe décapitée jonchant le sol ! Ô sacrilège ! Ô désespoir !

Fontaine Savoureuse Horizon n°131 Sept 1984 p36R

La statue "La Savoureuse" (photo 1984 dans Horizon, doc. BF)

Ne pouvant pas accepter une telle fin pour sa muse, il en recueillit le corps ayant pas trop souffert malgré sa chute, la tête qui était comme tuméfiée ainsi que des débris épars dans les gravats. Il emporta le tout chez lui dans sa cour intérieure. Il tenta de reconstituer sa nymphe tel un puzzle pour s'assurer d'avoir récupéré la totalité des morceaux principaux.

Il sollicita quelques temps plus tard Simon Franceschini* pour lui confier la lourde tâche de reconstituer la statue tout en réalisant les opérations chirurgicales nécessaires à lui redonner l'éclat de sa naissance…

*Simon Franceschini : Certainement une connaissance de Georges Guldemann,  homme du bâtiment, était plâtrier-peintre. Par contre, la statue lui lança un sort car son fils, Laurent, qui naîtra trois ans plus tard… deviendra statuaire ! Il participa au concours avec Eugène Lux pour le projet du monument aux morts.

Entrepreneur de travaux du génie, amoureux des belles choses, Georges Guldemann avait l'habitude de collectionner différents souvenirs qu'il ramenait à la maison, elle en fut, pour lui, sa plus belle pièce.

À son décès en 1907, veuf depuis 1900, il laissa à ces enfants ses souvenirs dont la statue, en espérant qu'ils en prennent soin !

Après la Première Guerre Mondiale, sa fille Marie décida de remettre debout "La Savoureuse" reconstituée sur un piédestal de pierre quadrangulaire, comme à l'origine. Elle fut implantée au centre d'un jardinet, pas très loin, à deux longueurs de sa mère nourricière, toute en eau !

1855 Belfort CPA Pont SAvoureuse

Carte postale Belfort Pont sur la Savoureuse (coll. JM)

L'histoire du sauvetage et de sa préservation fut racontée par la petite fille, Madeleine Bollecker au rédacteur de l'écrit, en 1984.

La statue, aujourd'hui !

Presque deux cents ans plus tard, la statue… existe toujours ! J'ai pu la rencontrer. Malgré son âge, stoïque au regard de sa vie chahutée puis réconfortée et à nouveau debout, elle se porte encore bien dans son cocon offert par la famille, malgré ses blessures !

À découvrir dans la 3e partie de cet article.

Épilogue

Donc les fontaines du faubourg de France furent présentes sous deux formes différentes, une version "rustique' (en bois) de 1804 à 1838 et une double version en pierre, plus élaborée de 1838 à 1895, un bassin rond avec une colonne surmontée d'une pomme de pin pour la fontaine sud et, un bassin octogone avec une colonne carrée, placée au centre du bassin, où s'élève une statue de femme en pierre pour la fontaine nord.

La statue, "La Savoureuse", réalisée par le dellois Jean-Baptiste Glorieux, date de 1838; elle est la seule preuve matérielle restante des deux fontaines.

JM

Mes remerciements à Fanny Girardot, directrice des Archives municipales de Belfort

Lien pour accéder aux articles cités

La Fontaine de Rougemont : Cliquer ici

Les fontaines du faubourg de France (1ère partie) : Cliquer ici

Les fontaines du faubourg de France (3e partie) : Cliquer ici

Références : Livre Histoire pittoresque & anecdotique sur Belfort & ses environs par Auguste Corret (coll. BF), Livre Mon Vieux Belfort par Henry Bardy, Articles de la revue Horizon de la Chambre de commerce et de la revue municipale de Belfort, Les délibérations du conseil municipal de Belfort (Archives municipales, AMB),

Infos pratiques  

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