Le dirigeable "Astra-Torrès", 1er dirigeable sur le Champ de Mars à Belfort

MAJ le 18 juin 2020

Comme annoncé dans l'article récent consacré au dirigeable le "Lieutenant Chauré", je vous propose un article sur le dirigeable "Astra-Torrès".

Carte postale Belfort Dirigeable "Astra-Torrès" (coll. privée)

S'il ne fut pas affecté à la Place de Belfort comme le "Lieutenant Chauré" et le "Conté", il fut le premier dirigeable à se poser sur le Champ de Mars en 1911.

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder aux articles sur ces deux aérostats.

Les dirigeables de la famille "Astra"

Les Ateliers aéronautiques Édouard Surcouf, créés en 1899 par l'ingénieur aéronaute français Edouard Surcouf (1862-1938) étaient implantés à Boulogne (commune à l'ouest de Paris).

Le dirigeable "Lebaudy"

Ils construisirent le premier dirigeable pour la société Lebaudy Frères en 1902, "Le Jaune" premier aérostat d'une longue série ("Astra I"). La conception fut de l'ingénieur Henri Julliot (1855-1923).

Carte postale Dirigeable "Lebaudy 1" (coll. privée)

NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à la description de ce dirigeable dans l'article consacré au "Conté".

Les dirigeables "Ville de Paris"

En 1904, Ils furent aussi le constructeur du "Ville de Paris" ("Astra II") pour l'industriel Henry Deutsch de la Meurthe.  La conception fut assurée par l'ingénieur Henry Kapferer (1870-1958).

Il était propulsé par un moteur allemand Argus de 70 chevaux, ses autres caractéristiques étaient, 60,4 mètres de longueur, 10,5 mètres de diamètre et une enveloppe de 3195 mètres cubes.

Il fut assemblé dans un hangar appartenant au commanditaire, à Montesson (commune limitrophe de Sartrouville, Yvelines).

La première version du "Ville de Paris" (L'Aérophilie, coll. Gallica BNF)

Lors de son vol inaugural en décembre 1904, il eut un grave accident;

Ne voulant pas rester sur un échec, le "Ville de Paris" eut une deuxième vie avec "Astra II" qui effectua son vol libre en 1906 et obtint un record le 20 novembre 1907, en s'élevant pendant 1h45. Il était piloté par Henry Kapferer.

Ses caractéristiques étaient légèrement différentes, un peu plus long, 66 mètres, le volume de son enveloppe passa à 3600 mètres cubes. Son moteur remplacé par un Chenu. Il fonctionnait à l'hydrogène et avait la singularité de posséder en partie arrière, des stabilisateurs formés de quatre paires de tubes de tissu.

Carte postale Dirigeable "Ville de Paris" (coll. privée)

Le dirigeable "España"

La société, devenue Société de Constructions Aéronautiques Astra suite au rachat par d'Henry Deutsch de la Meurthe en 1908, fabriqua aussi des dirigeables pour l'Espagne, le premier en 1909, fut baptisé "España" ("Astra VI").

Il effectua ses essais sur l'aérodrome de Beauvais à partir d'octobre. Après leurs validations, il rejoignit son port d'attache provisoire, à Pau.

Le dirigeable "Espana" rejoignit en février 1910, son port d'attache espagnol, à Guadalajara, au centre du pays.

Le dirigeable "Astra-Torrès"

Le deuxième dirigeable espagnol fut construit dans les ateliers d'Issy-les-Moulineaux par l'ingénieur Leonardo Torres Quevedo (1852-1936), ingénieur en chef du Corps des Ponts et Chaussées de son pays. Il sortit en 1911, sous le nom "Astra-Torres".

Il avait comme caractéristiques, 47,72 mètres de long, 8,4 mètres de diamètre, 1590 mètres cubes et était propulsé par deux moteurs Chenu de 55 chevaux vapeurs.

Carte postale Dirigeable "Astra-Torres" (coll. privée)

Ce dirigeable avait la particularité de posséder une enveloppe formée avec trois lobes attachés à une poutre funiculaire intérieure. Les deux lobes inférieurs portant les ballonnets à air avec les soupapes, le supérieur portant le fuseau de déchirure.

Présentation du dirigeable

Le 5 février, dans son hangar, le dirigeable terminé fut présenté par Leonardo Torres Quevedo à un aréopage de personnalités, le général Pierre Roques, le colonel Auguste Hirschauer, du colonel Victor-Paul Bouttiaux, un représentant du ministre espagnol de la guerre, le capitaine Tamagnero, les aéronautes Edouard Surcouf, Henry Kapferer et Henry Deutsch de la Meurthe.

Extrait FDC Illustration 1983, Leonardo Torres Quevedo (coll. privée)

La première sortie de l'aérostat "Astra-Torrès" eut lieu le 6 mars, avec 3 passagers, pour effectuer une première ascension d'environ 30 minutes dédiée aux réglages.

Poursuivant ses essais, le matin du 23 mars, il effectua un circuit au-dessus des communes environnantes et l'après-midi, il survola Paris où se déroulait le cortège de la mi-carême. Aux départs et retours, une partie des invités du 5 février était présente pour voir son comportement dans les airs.

Carte postale Dirigeable "Colonel Renard" (coll. privée)

Satisfait des résultats, l'aérostat participa, au Prix Deperdussin constituant à effectuer 100 kilomètres sans escale ou avec une escale prédéterminée. Un prix de 5000 francs récompensait le challenge. Le 28 mars, le dirigeable se rendit à Meaux pour le départ mais un vent de 8 à 9 kilomètres/heure vint contrarier sa progression. A la hauteur de Lagny, une avarie obligea les pilotes à retourner au port d'attache. 

Le 25 mai, une nouvelle tentative fut effectuée avec un départ d'Issy-les-Moulineaux à 8h13 pour rejoindre Meaux qui fut atteint à 9h45 pour effectuer un ravitaillement d'hydrogène. Il redécolla pour rejoindre Trilport où était prévu l'escale, il revint à Issy-les-Moulineaux à 16h38, après un périple de 100 kilomètres. La performance fut validée et le prix attribué; le pilote était André Roussel.

Un nouveau challenge fut un vol de nuit, le 5 juillet, où le dirigeable survola Paris, c'était une première. L'atterrissage s'effectua avec quelques feux pour le repérage. Aux commandes, les pilotes étaient Henry Kapferer, André Roussel et André Cohen.

Publicité Dirigeables "Astra Torrès"

Le 7 juillet, il effectua un vol de concert, par temps de brume assez épaisse, avec le "Colonel Renard", un autre dirigeable de la société Astra, ("Astra V"), vers Versailles où il démontra sa souplesse et sa rapidité. Il est vrai que son imposant compagnon de voyage possédait une longueur d'avance, que dis-je, une vintaine de mètres et un embonpoint de 2400 mètres cubes supplémentaires !

Lors de Revue du 14 juillet 1911 à Longchamp, le dirigeable "Astra-Torrès" avec le "Temps-Zodiac" et "Adjudant Vincenot" évolua au-dessus des troupes.

Ce mois de juillet vit donc de nombreuses sorties diversifiées… les 17, 19 et 20 juillet, il se rendit à Châlons-sur-Marne, distant de 200 kilomètres, malgré un vent contraire sur ce type de parcours. Il avait embarqué un officier chargé d'effectuer des observations.

Carte postale Châlons Dirigeable "Astra-Torrès" (coll. Privée)

En début septembre, il fut démonté pour être expédié par voie ferrée à… Belfort où il devait participer aux Grandes manœuvres de l'Est.

NA : Un chapitre est consacré à cette visite.

Après cette excursion dans l'est, il reprit ses activités diverses et variées.

Il fut présenté au Salon de la locomotion aérienne 1911 qui se déroula dans le Grand Palais à Paris, du 16 décembre au 2 janvier 1912.

Carte postale Dirigeable "Astra-Torrès" au Grand Palais (coll. Privée)

Cette 3e édition fit suite aux éditions de 1908 et 1909. Il fut créé par André Granet (1881-1974) et Robert Esnault-Pelterie (1881-1957), pionniers de l'aéronautique et inventeurs. Les deux premiers se déroulèrent dans le cadre du Salon de l'Automobile.

NA : Après cette exposition, plus de trace du dirigeable. A-t-il rejoint l'Espagne, c'est probable !

Dirigeable "Astra-Torrès" à Belfort

Mardi 5 septembre 1911, Belfort recevait un nouveau type d'aérostat, un dirigeable. Il s'agit du "Astra-Torrès" construit par la société Astra. Il était arrivé par la voie… ferrée en pièces détachées pour rejoindre un des hangars du Champ de Mars où il devait être remonté par les aérostiers venus de Versailles.

Carte postale Belfort le Château (coll. JM)

Cet invité de marque fit placer le secteur sous la surveillance supplémentaire de militaires du 11^e Régiment des dragons.

Dès que l'information fut connue des civils, de nombreux curieux s'empressèrent de se rendre sur les lieux pour voir ce monstre d'air, une première pour la très grande majorité de belfortains. Le renforcement du service de sécurité fit que le public fut tenu à distance.

Le pourquoi de sa présence à Belfort ?

Prêté par la société Astra aux autorités militaires, il devait participer avec le 7^e Corps d'armée aux Grandes manœuvres de l'Est se déroulant du 5 au 15 septembre, en Haute-Saône. Le choix s'est porté sur Belfort car elle était la seule place, du secteur, possédant un hangar permettant l'accueil d'un dirigeable avec de telles dimensions, près de 50 mètres de long.

Carte postale Belfort Hangars à dirigeables (coll. JM)

Il fut impliqué à partir du 11 septembre, pour effectuer sa mission du jour et revenir le soir à son port d'attache provisoire.

Préparation du dirigeable

Le montage fut rapidement mis en œuvre par le personnel formé à cette activité. Dès le vendredi, eut lieu le gonflement de l'enveloppe du dirigeable avec l'arrimage de sa nacelle.

La première sortie belfortaine du "Astra-Torrès" eut lieu le samedi 9 septembre, vers 18 heures, pour le plus grand plaisir du public en attente de voir cet aérostat s'envoler. Aux commandes du dirigeable, étaient deux pilotes brevetés de la société, Henry Kapferer et André Roussel, officiers de réserve.

Carte postale Henry Kapferer, fusain de Jacques Weismann (coll. privée)

Il effectua un vol d'environ d'une vingtaine de minutes au-dessus de la Cité du Lion et il rentra se blottir dans son hangar. Le lendemain, à peu près à la même heure, il réalisa un nouveau vol de validation, d'environ une demi-heure.

Carte postale Belfort, le dirigeable "Astra-Torres" (coll. BF)

Les résultats étant probants, le dirigeable pouvait participer aux manœuvres comme prévu.

Participation aux Grandes manœuvres

Lundi soir 11 septembre, sous les lumières de projecteurs, le dirigeable quitta le Champ de Mars à destination de Vesoul pour assurer sa mission consistant à délivrer des plis, certainement cryptés.

Carte postale Vesoul Aérodrome, Grandes manœuvres 1911 (coll. privée)

Ce vol de pleine lune se déroula sans problème et il revint vers 23 heures.

Le lendemain, il quitta son hangar vers 20h15 en direction à nouveau de la préfecture de la Haute-Saône. De retour vers 9h30, le vol avait dû être écourté, certainement que la mission n'était pas sur Vesoul mais sur Villersexel.

Carte postale Villersexel, Grandes manœuvres 1911 (coll. privée)

Avant d'atterrir, il effectua des signaux avec un projecteur pour délivrer un message en morse ou dans un autre code.

13 septembre, les félicitations

Le 13 septembre, à Villersexel, les pilotes Henry Kapferer et André Roussel participèrent à la visite des autorités militaires et civiles sur l'aérodrome. La délégation gouvernementale, pilotée par le Général Pierre Roque, l'inspecteur permanent de l'Aéronautique militaire, comprenait le ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, le président du Conseil, Joseph Caillaux, le ministre du commerce, Maurice Couyba et René Renoult, le ministre du Travail.

André Roussel (L'Aérophile, coll. Gallica BNF)

Les aviateurs ainsi que les deux pilotes du dirigeable furent félicités par le ministre de la Guerre et le président du Conseil pour leurs services pendant ces manœuvres.

La délégation visita les lieux où étaient présents des Breguet démontables, les tentes-abris des Blériot, le train convoyeur automobiles des aéroplanes et les autres installations du camp dédiées aux manœuvres.

Départ du dirigeable

En fin de semaine, le dirigeable "Astra-Torrès" fut dégonflé et démonté pour quitter la Cité du Lion, à nouveau par voie ferrée, le lundi 18 septembre en direction de Paris, pour rejoindre les ateliers de la société.

Carte postale Belfort la gare (coll. JM)

Au départ du dirigeable, Belfort ne savait pas quand reviendrai un dirigeable au Champ de Mars où deux hangars attendaient avec impatience d'avoir entre leurs murs, non pas un visiteur, mais un locataire avec un bail notable en termes de durée.

Épilogue

Le dirigeable "Astra Torrès" parti, la Cité du Lion dut attendre encore deux ans avant de voir arriver deux dirigeables affectés à la Place de Belfort, le "Lieutenant Chauré" et le "Conté", mais eux arrivèrent par les voies… aériennes.

JM

Lien pour accéder aux articles cités

Le dirigeable "Conté" affecté à Belfort : Cliquer ici

Le dirigeable "Lieutenant Chauré" affecté à Belfort : Cliquer ici

Références textes : Le journal la Frontière (coll. Archives Départementales du 90 ‘’AD90’’), L'Aérophilie (Gallica, BNF),

Références Internet : Wikipédia, Divers autres Sites…

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