Insolite, le dirigeable "Adjudant Réau" vint survoler le Ballon d'Alsace en 1911 !
MAJ le 27 juin 2020
Si en 1911, la Place Forte de Belfort attendait avec impatience l'arrivée des dirigeables qui avaient été affectés par les autorités militaires… elle dut se contenter de voir survoler le Ballon d'Alsace, le 19 septembre, par le dirigeable "Adjudant Réau" !
Carte postale Ballon d'Alsace Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. BF)
Ce dirigeable ne fut pas le premier à venir dans le secteur !
Il fut précédé, au début du mois par le "Torrès" qui utilisa l'un des hangars construit sur le Champ de Mars du 5 au 18 septembre.
Les deux aérostats prévus initialement pour la Cité du Lion, le "République" et le "Liberté" ne vinrent pas suite à la tragédie du premier, survenu le 25 septembre 1909. Leur conception fut remise en cause provoquant un report des livraisons voir de remplacement comme ce fut le cas pour le parc belfortain qui reçut en fin de compte, le "Lieutenant Chauré" et le "Conté" mais ils n'arrivèrent qu'en 1913 !
NA : En fin de texte, des liens permettent d'accéder aux articles consacrés à ces cinq dirigeables.
Le dirigeable "Adjudant Réau"
De la famille des Astra, ce dirigeable fut construit par la Société Astra des constructions aéronautiques, implantée à Issy-les-Moulineaux. Il effectua sa première sortie en 1911.
Cet aérostat, du type croiseur, fut un des plus imposants construits à cette date, il possédait comme caractéristiques géométriques, une longueur de 86,78 mètres, un diamètre de 14 mètres, une enveloppe Hutchison de 8950 mètres cubes et sa nacelle mesurait 43 mètres.
Carte postale Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. privée)
Il était équipé de deux moteurs, comme imposée par l'Armée suite à l'accident du "République", des Braziers de 125 chevaux et trois hélices, deux latérales de 3 mètres et une hélice centrale de 7 mètres. Il pouvait transporter 2 tonnes en plus de l'équipage.
Onzième de rang, il fut baptisé "Adjudant Réau" par décision des autorités militaires, en mémoire du militaire qui décéda avec les trois autres membres de l'équipage, lors de l'accident du "République", le 25 septembre 1909.
Carte postale Naintré Monument Albert Réau (coll. privée)
La mémoire des trois autres militaires fut aussi honorée par l'attribution de leur nom, à un dirigeable. Pour le capitaine Lucien Marchal, ce fut un modèle offert par la société Lebaudy, le lieutenant Jean Chauré, un Astra et l'adjudant Henri Vincenot, un Clément-Bayard offert par le journal parisien Le Temps via une souscription lancée le 27 septembre, à la demande des lecteurs du quotidien. Elle avait permis d'acquérir aussi celui de l'adjudant Albert Réau.
Première sortie
Sa première sortie eut lieu le matin du 8 septembre 1911, pendant un vol d'environ une heure. Parti d'Issy-les-Moulineaux, il effectua un circuit au-dessus de Vanves, Clamart, Billancourt, Meudon, Sèvres, le bois de Boulogne, Auteuil puis retour à son lieu de départ. Il avait atteint l'altitude de 1500 mètres. A la manœuvre, le pilote André Cohen et les copilotes Mugnier et le lieutenant Caussin du Génie et sept autres personnes.
Carte postale Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. privée)
Deux jours plus tard, l'aérostat effectua un vol de présentation dans l'après-midi, d'environ une heure, où avaient pris places 17 personnes dont le constructeur Edouard Surcouf et son épouse Marie, le Comte de la Valette et son épouse… le dirigeable était piloté par M. Mugnier et le lieutenant du Génie Caussin.
Record de distance
Le lundi 18 septembre, le dirigeable quitta Issy-les-Moulineaux pour un périple à destination de l'est de la France où il devait réaliser une reconnaissance des places fortes du secteur. Il avait embarqué du carburant et du lubrifiant au maximum de sa capacité, deux tonnes.
Carte postale Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. privée)
Pour cette mission, la nacelle accueillait neuf passagers, sous les ordres d'Edouard Surcouf le constructeur, le pilote Munier, André Cohen, second pilote, Henri de la Valette en tant qu'observateur, le délégué du ministère de la Guerre, le lieutenant du génie Caussin, l'adjudant Legros, le sergent Fontaine mécanicien, le chef mécanicien Antoine, le mécanicien Chéron.
Le parcours ne fut découvert qu'en vol, le lieutenant ouvrant le pli cacheté pour découvrir le trajet à accomplir pour cette mission.
Publicité Dirigeable Astra "Adjudant Réau" (L'Aérophile, Gallica BNF)
Le dirigeable "Adjudant Réau" décolla à 17h11 en direction de Châlons-sur-Marne en passant par Meaux, Nogent, Épernay, qu'il survola à 20 heures. Il poursuivit son trajet à destination de Verdun, atteint à 23h30, puis Toul à 0h30 le 19 septembre. Il effectua un petit circuit au sud-ouest de Nancy et continua, par Mirecourt, vers Épinal pour un premier passage à 2h40. La suite du vol les emmena à Saulxures, la partie la plus à l'est du parcours. Il passa à la hauteur du Ballon d'Alsace en direction de Remiremont puis à nouveau Épinal à 4h25. L'équipage prit cap au sud-ouest pour atteindre Luxeuil puis Vesoul. Nouveau changement de direction vers le nord-ouest par Jussey, Langres, Chaumont pour rejoindre Bar-sur-Aube à 8h55 puis Troyes à 10h02, Provins 11h50, Mormant à 12h56 et enfin Issy-les-Moulineaux à 14h31.
Itinéraire parcouru par "Adjudant Réau" (doc. L'Aérophile, Gallica BNF)
Il avait parcouru les 989,5 kilomètres, sans escale, en 21h 20mn 55s.
Après cet exploit, il poursuivit différents types d'essais pour vérifier son comportement comme fin novembre, il effectua un essai de vitesse où il atteint les 56 kilomètres/heure.
Nouveau record, celui d'altitude
Le 6 décembre 1911, le dirigeable "Adjudant Réau" va obtenir un nouveau record en atteignant l'altitude de 2150 mètres en 50 minutes ! Pour ce vol, André Roussel était le pilote, avec Pierre Cohen en tant qu'aide-pilote, toujours avec la présence du délégué du ministère de la Guerre, le lieutenant du génie Caussin, l'adjudant mécanicien Legros, les mécaniciens Antoine et Chéron.
Carte postale Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. privée)
Il avait décollé à 12 heures pour réaliser cet exploit obtenu au-dessus de Billancourt. Le record précédent était détenu par le dirigeable "Adjudant Vincenot" qui avait atteint 1954 mètres à Compiègne le 19 juin 1911.
Carte postale Dirigeable "Adjudant Vincenot " (coll. privée)
Le nom du dirigeable honorait un autre membre de l'équipage du "République" tué le 25 septembre 1909 à Trévol, commune de l'Allier.
Vols de réception
Fin décembre, il effectua des vols de préparation en vue d'une épreuve prévue au programme de réception du 30 décembre avec plusieurs officiers qui seraient à bord. Ce vol sur les capacités du dirigeable dura une heure et répondit à l'attente de tous les militaires embarqués.
À partir de 1912, le dirigeable "Adjudant Réau" fut aux mains de l'Armée. Il effectua de nombreuses sorties pour la prise en main par les militaires. Il participa aux Grandes manœuvres de septembre qui se déroulèrent en Touraine et au Poitou.
Carte postale Grandes manœuvres 1912 (coll. privée)
En 1912, il avait totalisé 8845 kilomètres pour 106 heures de vol et transporté pas moins de 470 personnes (données du journal L'Auto).
L'année suivante, il subit des modifications, effectua de nombreux vols et participa, à la nouvelle édition des Grandes manœuvres organisée en septembre 1913, dans le Gers.
Carte postale Grandes manœuvres 1913 "Adjudant Réau" (coll. privée)
Il poursuivit ses vols de formation avant de rejoindre en novembre Belleville, son port d'attache pour la Place forte de Verdun. Drôle d'arrosage que son voyage, car il dut se dérouter, une journée, sur Chalons suite à de fortes pluies.
Carte postale Chalons "Adjudant Réau" (coll. privée)
Après une campagne assez poussée demandant une révision et quelques réparations, le 2 mai 1914, lors de la fin du gonflement de l'enveloppe, la rupture inexpliquée de son filet va la propulser contre l'armature métallique de son hangar. Le choc provoqua son explosion et un début de feu ! Il n'eut pas heureusement de victime.
Son enveloppe fut remplacée et il réalisa des vols d'essais. En août 1914, quand débuta la Première Guerre Mondiale, il effectua une ascension le 6, le 8 pour une reconnaissance associée à un bombardement qui furent avortés pour cause de vents violents. Le 9 août, la mission fut renouvelée mais n'eut pas plus de réussite suite à une insuffisante de lest et à problème de moteur.
Il fut décidé de réformer le dirigeable "Adjudant Réau".
Le dirigeable "Adjudant Réau" au Ballon d'Alsace
Revenons à notre carte postale où figure le dirigeable au Ballon d'Alsace…
Carte postale Ballon d'Alsace Dirigeable "Adjudant Réau" (BF)
D'après l'éditeur vosgien Weick de Saint-Dié, le dirigeable a salué la statue de Jeanne d'Arc le 19 septembre 1911 !
"Le Dirigeable Adjudant-Réau saluant Jeanne d'Arc au Ballon d'Alsace le 19 septembre 1911"
Extrait carte postale "Adjudant Réau" & Statue Jeanne d'Arc
La statue équestre fut installée deux ans plus tôt avant cette visite. Sa présence, en ce lieu, fut à l'initiative de Napoléon Marchal, un industriel de Saint Aimé, commune proche de Remiremont (Vosges). Elle fut réalisée conjointement par le sculpteur Mathurin Moreau (la pucelle) et Pierre Le Nordez (le cheval).
NA : Je reviendrai sur cette statue via un article prochainement.
Au regard de son périple, le dirigeable passa donc aux abords du Ballon d'Alsace vers 3 heures du matin, le 19 septembre 1911, deux ans jour pour jour, après l'inauguration de la statue.
Carte postale Ballon d'Alsace Dirigeable "Adjudant Réau" (coll. privée)
Donc la carte postale mémorise le passage de l'aérostat. L'éditeur, via sa légende, joue sur le doute mais n'avance pas que c'est un cliché pris lors de ce 19 septembre. Ce qui aurai été impossible vu qu'on était en pleine nuit.
De plus, le dirigeable ne serait pas représenté dans le bon sens… Comme par ailleurs, on n'est même pas sûr que les membres de l'équipage aient pu saluer Jeanne d'Arc !
Épilogue
Donc la Place forte de Belfort, élargie géographiquement, reçue la visite d'un deuxième dirigeable en septembre 1911 ! La particularité de cette seconde visite, un Ballon vit passer un aérostat allongé, nommé "Adjudant Réau".
JM
Lien pour accéder aux articles cités
Le dirigeable "République" affecté à Belfort : Cliquer ici
Le dirigeable "Liberté" affecté à Belfort : Cliquer ici
Le dirigeable " Lieutenant Chauré " affecté à Belfort : Cliquer ici
Le dirigeable "Conté" affecté à Belfort : Cliquer ici
Le dirigeable "Torrès" affecté à Belfort : Cliquer ici
Références textes : Les journaux L’alsace et la Frontière (coll. Archives Départementales du 90 ‘’AD90’’), L'Aérophile et autres journaux (Coll. Gallica),
Références Internet : Wikipédia, Divers autres Sites…
Infos pratiques
Vous pouvez laisser des commentaires sur cette présentation via le lien "Commentaires" en fin de l'article après la liste des tags.
En cliquant sur les photos, vous pouvez les agrandir.
---o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o---