Les Tramways Électriques de Belfort (1898-1951)
MAJ le 17 mars 2024
Souvent dans des articles, j'aborde le sujet des Tramways Électriques de Belfort d'où l'idée de rédiger un article spécifique sur ce sujet.
Il fut déjà abordé dans un de mes premiers articles écrits en 2012, le douzième, intitulé "Les Titres financiers (Épisode n°1) : Les Tramways Électriques de Belfort".
Par contre, je l'ai totalement restructuré, déconnecté de sa thématique des titres financiers et complété tant en termes de texte que de visuels.
Carte postale Belfort Tramway devant la gare (coll. privée)
L'article d'origine est conservé en l'état (en hommage à Bernard Ziegler).
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article d'origine.
L'origine des Tramways Électriques de Belfort
Ce fut sur l’impulsion de l'entrepreneur de travaux publics et conseiller municipal, Chris SCHAD, que la Mairie de Belfort par la volonté de son maire Charles Schneider, décida de doter Belfort d’un moyen moderne de déplacement collectif.
La décision fut prise le 23 mars 1895.
L'entrepreneur avait effectué les démarches et sollicitations nécessaires pour trouver des actionnaires réceptifs au projet, permettant d'élaborer et constituer un budget de 470 000 francs.
Titre financier Tramways Électriques de Belfort (coll. BZ)
Le titre ci-dessus est au nom du conseiller municipal Léon Deubel, épicier en gros et oncle de Léon Deubel, le poète "maudit" !
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article sur le poète.
Parmi les premiers actionnaires, il y avait aussi Georges Stiegler (boulanger), Jules Hoffert (hôtelier), Charles Schneider (le maire), Muller père et fils (fermiers à Froideval), Frey (menuisier aux Forges), Charles Vallet (épicier)…
Une convention fut signée le 16 août 1897, entre les deux entités, la Mairie et la société T.E.B. (Tramways Électriques de Belfort) de construire une ligne de tramways.
Carte postale Belfort Le faubourg de France (coll. JM)
Le cliché ci-dessus permet de voir le début de l'installation des rails dans le faubourg de France.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à ce cliché.
La convention entre les deux parties prévoyait d'une part une liaison entre Valdoie et la place de la Bascule (actuelle place Corbis) et d'autre part une liaison entre la place d’Armes et la gare. Les 2 lignes avaient une distance, respectivement de 3391 mètres pour la première ligne et 1132 mètres pour la seconde. Ces informations sont issues du PV (Procès-Verbal) du chaînage effectué le 3 octobre 1898.
PV de chaînage effectué le 3 octobre 1898 (coll. BZ)
Ligne Gare – Place d'Armes
Donc la première ligne, la plus courte, reliait la gare de Belfort à la place d'Armes par l'avenue de la Gare, le faubourg de France, la place de la Bascule, le boulevard Carnot, la place de la République.
Extrait carte postale Belfort Tramway Av. de la gare vers 1906
(coll. JM)
Extrait carte postale Belfort Tramway Fbg de France vers 1905
(coll. BF)
Carte postale Belfort Tramway Pont Carnot vers 1903-1904 (coll. BF)
Extrait carte postale Belfort Tramway Boulevard Carnot (coll. JM)
Extrait carte postale Belfort Tramway Pl. République en 1905
(coll. BF)
Sur la place d'Armes, l'arrêt final se trouvait au numéro 8, devant l'actuel Café des Marronniers.
Carte postale Belfort Tramway place d'Armes (coll. JM)
Sur la carte postale ci-dessus, à droite, on voit à droite le tramway à son terminal.
Extrait de la carte postale :
Le tramway avec la pub. Chocolat Menier
Ligne Place de la Bascule - Valdoie
Quant à la seconde ligne, la plus longue, partait de la place de la Bascule pour rejoindre le centre de Valdoie, en empruntant le faubourg des Ancêtres et le faubourg des Vosges.
Extrait carte postale Belfort Place de la Bascule vers 1906 (coll. BF)
Sur l'extrait de la carte postale ci-dessus, on visualise le raccordement des 2 lignes à l'entrée du faubourg de France, ainsi que la voie d'évitement. Pour ce dernier point, je reviens dessus un peu plus loin...
Extrait carte postale Belfort Fbg des Ancêtres vers 1922-25 (coll. JM)
Extrait carte postale Belfort Faubourg des Vosges (coll. JM)
Carte postale Valdoie Le centre Tramway vers 1910 (coll. BF)
Le matériel
À l’origine, le parc comprenait 4 véhicules qui furent complétés dans le temps par huit autres véhicules plus spacieux; ils furent fabriqués par la SACM*.
*SACM : La Société Alsacienne de Constructions Mécaniques fut créée à Belfort après le Siège de 1870-1871, en 1879. Sa production était une partie de l'activité de la société mère André Koechlin & Cie, installée à Mulhouse.
Carte postale Belfort L'entrée de la SACM (coll. JM)
On peut différencier relativement facilement les 2 versions de véhicules en regardant la face avant des motrices.
Les véhicules du type 1898 possédaient un tôlage frontal foncé et le numéro était déporté vers la gauche. Leur livrée était verte.
Carte postale Belfort Motrice Faubourg de France (coll. JM)
Quant aux motrices de 1908, elles possédaient un tôlage de couleur clair et le numéro était centré, légèrement à droite.
Extrait carte postale Belfort Motrice type 1908 (coll. BF)
À l'origine, les 4 premières motrices n'avaient pas de publicité en galerie. Elle serait apparue vers 1900-1901 (dates à confirmer ou à infirmer).
A la belle saison, les motrices étaient complétées de "baladeuses" (remorque ouverte).
Extrait carte postale Belfort Motrice + Baladeuse (coll. BF)
Ligne à voie unique
Les 2 lignes étaient à voie unique, avec de nombreux évitements pour permettre les croisements à vue. La sécurité n’était assurée que par le seul wattman (conducteur) qui devait avoir… une bonne vue !
Carte postale Belfort Faubourg de France (coll. JM)
Sur la carte postale, on voit la présence de la voie d'évitement qui se trouvait au début du faubourg de France, du côté de la place de la Bascule. Elle était à gauche de la voie principale placée au centre de la rue.
Extrait carte postale : La voie d'évitement
Alimentation des motrices
Les motrices étaient alimentées par des caténaires dont le courant provenait de la station électrique située faubourg des Vosges, rue du Commerce qui deviendra rue du Tramway en 1900.
Les chaudières à vapeur utilisaient le charbon extrait par les Houillères de Ronchamp et le transformaient en courant électrique. Les caténaires étaient alimentées en 550 volts en courant continu.
Carte postale Ronchamp Puits du Magny (coll. privée)
En 1915, ces machines sont vendues et remplacées par une station électrique transformant le courant provenant directement de Ronchamp.
Carte postale Belfort Station électrique, rue du Tramway (coll. BF)
Le dépôt pour les tramways et les bureaux de la société se situaient sur le même site, rue du Commerce.
Extrait carte postale Belfort Faubourg des Vosges (coll. BF)
Un tramway est engagé dans la rue du Tramway.
Inauguration, le 29 mai 1898
Le grand Jour arriva le dimanche 29 mai 1898, avec l'inauguration des Tramways Électriques de Belfort ! Le scepticisme d'avril 1897 laissa la place à la réalité, Belfort était bien doté d'un nouveau moyen de transport moderne.
Les essais effectués tout le mois mai avaient apporté toute la confiance aux matériels. Les wattmen furent formés par du personnel de la SACM.
Cette inauguration fut un jour de fête, tel un 14 juillet ! La foule avait pris place sur le trajet prévu du jour, entre gare et Valdoie. Comme chaque année pour la Pentecôte, la commune accueillait la fête foraine.
Carte postale Belfort Faubourg de France, jour de fête (coll. JM)
Une tribune fut même installée sur la place du pont de la Bascule qui fut dédiée aux infirmes et anciens de l'hôpital, ainsi qu'aux orphelins.
Pour cette première sortie, les motrices étaient pilotées par les ingénieurs de la SACM, Gaspard Zweiffel, Granguillet, Jules Harang et Lucien Rérot. Ils avaient formé les premiers wattmen qui devaient assurer le service commercial, Christ Klopfenstein, Armand Lerch de Fontaine, Croissant (ex vendeur du journal "Quand-Même")…
Photo Wattman dans son tramway, rue du Tramway (coll. Privée)
La recette de la journée fut excellente, malgré quelques resquilleurs et les forains à Valdoie virent une foule comme jamais vue ! Chris Schad était récompensé de sa ténacité et le maire Charles Schneider était très satisfait d'avoir convaincu le conseil municipal d'adhérer au projet.
Dès le lundi, le service commercial démarrait pour la plus grande joie des utilisateurs.
Les titres de transport
À l'ouverture des lignes, le prix du ticket pour effectuer le trajet Valdoie-Gare coûtait 25 centimes, et le trajet entre la Gare et la place d'Armes, 10 centimes.
Tickets des années 1950, le 2e a été barré et
remplacé par "Trolleybus Urbains"
1912, évolution du réseau
La liaison entre la gare et la place d’Armes fut supprimée en octobre 1912, pour laisser le passage en 1913 au Tramway départemental ou CFIL (Chemin de Fer d'Intérêt Local), venant de Sochaux ou de Réchésy et se dirigeant vers les Errues.
Extrait carte postale Belfort Place Corbis (coll. BF)
NA : Sur cette carte ci-dessus, on voit que la voie entre la Gare et la Place d’Armes a été supprimée et la présence à droite, de la voie pour le Tramway départemental venant du faubourg de Montbéliard en direction de la Vieille Ville.
Suite à cette suppression, resta l'unique ligne desservant de la gare de Belfort à Valdoie. Le Tramway départemental prenant le relais pour emmener les voyageurs place de la République; sa gare se situait rue de la Cavalerie, derrière le Palais de justice.
Carte postale Belfort Gare Tramway départemental (coll. JM)
1921, deuxième émission de titres des TEB
Il fut décidé en 1921, par la société TEB, d'augmenter son capital à 1 200 000 francs sous la forme de 2365 actions de 500 francs et 175 actions de 100 francs entièrement libérées.
Action 1921 TEB de 500 francs (coll. BZ)
Cette démarche fut à l'initiative de Georges Stiegler, seul rescapé du conseil d’administration de 1897.
Actions 1921 TEB de 100 francs (coll. BZ)
À vrai dire, depuis 1918, le réseau est en très mauvais état suite aux conséquences de la guerre. Une réhabilitation était impérative pour la survie de ce transport collectif, en y intégrant un aménagement plus confortable pour les utilisateurs.
Extrait carte postale Belfort Place Corbis vers 1925 (coll. BF)
Ce financement permit d’acquérir en 1922, onze automotrices pour remplacer les devancières fatiguées par tant d’années de parcours au service des belfortains. Elles étaient plus légères (7,5 tonnes) et plus confortables avec 39 places. Elles furent fabriquées par la société Horme & Buire de Lyon avec des équipements électriques fournis par la SACM.
Photo Sortie du dépôt, rue du Tramway vers 1922 (coll. BF)
Les motrices sont complétées de remorque de longueur réduite, fabriquée par la société des Ateliers de Nivelle (Belgique).
Ce financement a permis aussi le remplacement des rails.
Extrait carte postale Belfort Faubourg de France vers 1925 (coll. BF)
On voit sur cet extrait que dans le faubourg de France, la voie d’évitement passa de gauche à droite par rapport aux voies d’origines.
1928, une douzième motrice
En 1928, une douzième motrice rejoint le parc. Elle fut fabriquée par la Société de Construction de Matériel de Chemin de Fer située à Villefranche-sur-Saône avec des équipements électriques d’Alsthom.
*Alsthom : Nouvelle raison sociale de la société suite à la fusion de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques et de Thomson.
Carte photo Belfort Tramway Avenue Wilson* (coll. BF)
Le cliché ci-dessus fut pris en face de la gare devant l'hôtel Moderne vers 1951, une des dernières photos d'un tramway en fonctionnement; on peut voir le pantographe levé et deviner la caténaire...
NA : En 1918, l'avenue de la Gare devint l'avenue Wilson, en hommage au président américain Woodrow Wilson qui engagea son pays dans le conflit de la Première Guerre Mondiale, le 6 avril 1917.
1951, la fin des tramways
En 1951, les tramways laissèrent leur place aux trolleybus; la Société des Tramways Électriques de Belfort changea de raison sociale.
Carte postale Belfort Trolleybus à Valdoie (coll. BF)
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à ce nouveau matériel et aux titres de la nouvelle société.
Les motrices et remorques furent dispersées dont certaines se retrouvèrent chez le casseur "Bussière" rue de Marseille, d'autres à Giromagny et Montbéliard et une remorque servit à l'équipe de football de Plancher-les-Mines… comme vestiaire !
(Je recherche une photo de cette utilisation).
Épilogue
Dès 1898, la ville de Belfort posséda un réseau de Tramways ce qui pour une ville de moins de 28000 habitants était une innovation marquante !
Il faut dire que Belfort était marié au rail, avec l'arrivée de la SACM en 1879, du réseau de Stratégique en 1889 et du Tramway départemental en 1912.
En écrivant cet article, j'ai une pensée à notre ex sociétaire, Bernard, qui nous a quitté en 2019. Il fut un compagnon de route pendant de nombreuses années au sein de l'association des Collectionneurs & Cartophiles du Territoire de Belfort.
JM
Liens pour accéder aux articles cités
Titres financiers (Ép. 1) Tramways Électriques de Belfort : Cliquer ici
Le poète Léon Deubel : Cliquer ici
Titres financiers (Ép. 2) Sté Trolleybus Urbains de Belfort : Cliquer ici
Le faubourg de France, la présence de rails : Cliquer ici
Références : Journal L'Alsace 1946,
Infos pratiques
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