Fêtes de la Mi-carême 1923 à Belfort, le Bal paré et masqué & la Fête de la Commune libre de la rue Thiers
Après l'élection des Reines du Commerce et de l'Industrie qui s'était déroulée le 28 février dans le cadre des Fêtes de la Mi-carême 1923, le Comité avait prévu une deuxième animation.
Affiche modifiée (réal. JM & BF)
Il s'agissait d'un Grand Bal paré et masqué organisé le 11 mars à la Salle des Fêtes de Belfort.
Troisième partie
Cette troisième partie est donc consacrée à un Bal masqué et paré.
L'après-midi se tint la Fête de la Commune libre de la rue Thiers.
NA : En fin de texte, un lien permet d’accéder au sommaire listant les autres parties de l'article.
Préambule
Initialement, le programme élaboré par le Comité des Fêtes prévoyait pour le dimanche 11 mars, l'organisation d'une Cavalcade et d'un Bal masqué. Mais suite aux difficultés rencontrées pour monter le cortège, il avait dû prendre la décision de reporter la Cavalcade au lundi de Pâques, le 2 avril. Il décida aussi, d'une part de conserver le Bal masqué à la suite comme prévu à l'origine et d'autre part de conserver, tout de même, l'organisation d'un Bal masqué en soirée du 11 mars !
Cette décision permettait de créer une animation entre l'élection des Reines, qui avait eu lieu le 28 février et la Cavalcade reportée au 2 avril !
De plus la Commission "Bal masqué" dirigé par Eugène Stuber avait ficelé ce projet en menant les actions à entreprendre et mit au point les moindres détails pour rendre cette soirée magistrale. Le choix des décorations et les illuminations pour agrémenter la Salle des Fêtes était défini, tout comme l'orchestre.
Carte postale Belfort Salle des Fêtes (coll. JM)
Une bataille de fleurs était prévue au cours de la soirée.
Les Reines et des Demoiselles d'honneur rendraient une visite mais sans leur costume d'apparat ! Pas nues non plus, on n'est pas aux Césars !
Bal masqué et paré, le 11 mars à la Salle des Fêtes
La Salle des Fêtes, toute lumineuse, accueillit en ce 11 mars, une foule bigarrée à partir de 21 heures; il est vrai qu'en cette soirée était donné un Bal masqué et paré, organisé dans le cadre des Fêtes de la Mi-carême 1923.
Carte postale Arrivée au bal masqué (coll. privée)
Droits d'entrée
Prix d'entrée 3 francs par personne et 2 francs si réservation; l'abonnement au bal, 5 francs par cavalier.
Concours
Un concours, bien doté, des plus beaux costumes était prévu dans trois catégories, prix individuel, couple et groupe pour cette soirée.
Les travestis
L'orchestre choisi, par ailleurs excellent, va rythmer la soirée et entraîner les travestis sur la piste de danse dans un tourbillon multicolore, où certains effectuaient leurs propres chorégraphies quel que soit le type de danse joué.
Carte postale Belfort Orchestre The Moritz Jazz (coll. JM)
Le bal n'ayant pas imposé de thématique, la créativité fut de mise.
Parmi les travestis, certains avaient dû se donner le mot pour représenter le Far-West ! Un groupe d'une petite dizaine de Peaux-rouges au visage cuivré et à la chevelure noir geai empennée, côtoyait un Mexicain basané pas spécialement allongé sur le sol (au contraire de Marcel Amont) et un Cow-boy géant !
Toujours dans les groupes, une basse-cour formée de jeunes Coqs et jolies Poules voulant éviter la casserole ou de se faire plumer, était venue se réfugier en ce lieu.
L'histoire apportant une infinie richesse de sujets, on put voir des Sans-culottes tout de même habillés, un Aiglon sans un Napoléon en poche, un couple de Marquis et Marquise qui esayait d'éviter les premiers voulant conserver leurs têtes…
Dans les travestis individuels, la variété des costumes était internationale, car nombre de pays était représenté : Chinois et Chinoise, Japonaise, Kurde, Arabe, Sultan…
Carte postale Belfort Différents travestis à la soirée (coll. JM)
Au niveau de l'originalité, la Tour de la Miotte avec ses cigognes était en concurrence avec un Astrologue avec sa lunette ainsi qu'une Femme sapin, une Cérès (déesse de l'agriculture) aux gerbes parsemées de bleuets, de coquelicots et de marguerite et Jolis bois avec son avion.
L'extinction des insectes n'étant pas encore en marche, Coccinelle, Libellule noire et Papillon pouvaient s'éclater sans risque d'être soumis au pesticide.
Carte postale Marquis, Marquise et Coccinelle (coll. privée)
Quelques autres travestis : Ramoneur, Ballerine, Matelot, Baigneuse, Bohémienne, Méphisto (diable)…
Venue des galeries, une nuée de serpentins s'abattirent sur les danseurs provoquant un nuage de poussière. Il fallut un entracte pour nettoyer la piste, qui fit fondre les gosiers vers la buvette.
Carte postale La piste de danse en folie (coll. privée)
Après cet entracte, vint le temps du concours de travestis. Peu avant, les Reines et les demoiselles d'honneur firent leur entrée sous les applaudissements. Elles étaient accompagnées de membres du Comité des Fêtes dont certains étaient naturellement déguisés, si j'ose l'écrire, portant le costume de pingouin avec queue de pie. Mais ils ne furent pas primés !
Le palmarès du concours
Catégorie A : Prix individuels
Beauté et richesse du costume
1er prix : Le Sphinx
2e prix : Infante espagnole
3e prix : Odalisque
4e prix : Papillon
5e prix : Clownesse
Originalité de costume
1er prix : Maneyrol
2e prix : Crépuscule
3e prix : Le Chat Botté
4e prix : Le Sapin
Image publicitaire Couple de travestis (coll. privée)
Catégorie B : Couples
1er prix : Sultane et son Esclave
2e prix : Les Tutus
3e prix : Amours
Catégorie C : Groupes
1er prix : Coqs et Poules
2e prix : Peaux-Rouges
3e prix : Sans-Culottes
4e prix : Pigeons Voyageurs
Poursuite de la soirée
Après le palmarès, la piste nettoyée fut de nouveau livrée aux danseurs et danseuses, travestis ou pas, dont certains tinrent jusqu'au petit matin, car la fermeture n'arriva qu'à 6 heures.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article du Bal masqué des Fêtes de la Mi-carême 1922.
L'après-midi du 11 mars, la rue Thiers en fête
Avant le Bal masqué, un quartier belfortain avait organisé une Fête, celui de la Commune libre de la rue Thiers !
Quelques jours avant, les habitants avaient tenté de décorer leur rue mais une pluie incessante les en empêcha ! Ils durent installer le matin même leurs cordons d'oriflammes, les drapeaux et les guirlandes multicolores, les pieds dans la neige tombée la nuit mais, avec un soleil rayonnant au-dessus de leurs têtes !
Carte postale Belfort Rue Thiers lors des Fêtes Patriotiques (coll. JM)
Cette animation fit que les rues et les faubourgs de la Cité du Lion furent très animés, les trottoirs avaient du mal à absorber les piétons et… les travestis.
Un quartier plus qu'un autre, du moins une rue, fut dès 14 heures, pour ainsi dire, inabordable, les belfortains s'étaient dirigés vers ce lieu où fête était donnée ! La rue Thiers et sa République libre savaient recevoir !
Au numéro 12, un espace entouré était aménagé car ici se trouvait la mairie où tables et chaises attendaient la municipalité et ses invités, gardé par la maréchaussée du secteur composée de gendarmes, pompiers et gardes-champêtres; par contre, point de caméra en ce lieu…
Immeuble au n°12 de la rue Thiers (photo Google Earth)
Le maire, Edouard Lévy, légèrement indisposé, fut remplacé par le syndic de la commune, le boulanger Eugène Stuber qui donna le bras à Mlle Ramet, vêtue de blanc coiffée du bonnet phrygien rouge, pour se diriger vers l'entrée de la rue, côté faubourg de Montbéliard, pour accueillir les invités !
Carte postale Belfort Entrée rue Thiers côté fbg de Montbéliard (coll. JM)
Car le Commune libre recevait les Reines et les demoiselles d'honneur qui arrivèrent non pas en carrosse mais en autos pavoisées où elles furent accueillies par le secrétaire général, Jean Bruy qui s'inclinant devant les majestés, leur tendit un plateau d'argent où sont offerts le pain et le sel, puis la clé de la commune. Il tint ce langage :
"Majestés, Citoyens
Quoique profondément attaché aux institutions républicaines, l'État libre de la rue Thiers s'honore de recevoir, aujourd'hui, en ses murs, les souveraines d'une dynastie qui n'a rien de tyrannique, puisqu'elle symbolise à nos yeux, la beauté, le devoir noblement accompli et la grâce souriante de la jeunesse.
Le pain que nous vous avons offert, Majestés, est celui dont on peut manger sans aucune appréhension, quant à notre sel, il est exempt de toute arrière-pensée caustique. En vous offrant les clefs de la ville, nous vous avons ouvert, en même temps, toutes grandes, les portes de notre cœur, sachant que vous en étiez dignes et que vous emporteriez, de votre court séjour parmi nous, un souvenir attendri."
Carte postale Belfort Rue Thiers (coll. JM)
Il s'adressa aussi aux citoyens de la commune :
"Citoyens ! Nous devons à notre vieille république de gais compagnons de montrer à nos hôtes illustres que la mélancolie n'a point droit de cité parmi nous. Bien rire et ne pas s'en faire! Telle est notre devise ! Si les Etats voisins se confinent dans la neurasthénie et ne se sentent plus l'élan nécessaire pour perpétuer les joyeuses traditions de nos pères, la rue Thiers, nombril du monde et sentinelle avancée de l'esprit, continuera à porter haut et ferme, comme par le passé, l'étendard de la gaité. Vivent les Reines de Belfort ! Vive la rue Thiers !"
Des ciseaux sont présentés aux reines sur un coussin et elles coupèrent le ruban qui les séparait de la libre République. Après avoir reçu chacune un beau bouquet, le cortège se forma, précédé de la musique municipale, pour rejoindre la mairie sous la protection des soldats de la République.
Réunis en ce lieu, le président du Comité des Fêtes, Paul Marx, les adjoints François Géral (cordonnier) et (Léon) Prévot (postier), Eugène Stuber (boulanger) le syndic, le secrétaire général Jean Bruy (teinturier), les conseillers Charles Marthey (épicier), (Auguste) Masson (pharmacien), Joseph Keller (employé chemin de fer), le garde-champêtre Henri Lienemann (peintre), Jean Goetz (coiffeur), l'ingénieur du Comité des Fêtes Marc-Louis Genevois (électricien), le Trésorier payeur général Bernard Muhr (libraire) et Mme Muhr en charge de l'Imprimerie Nationale. Il y avait aussi les notables de la commune et d'autres communes, ainsi que la presse.
À cette occasion, un voile tricolore fut enlevé par les Reines découvrant une plaque signalétique portant l'inscription "Mairie de la rue Thiers".
La nouvelle plaque dévoilée du lieu de la mairie(réal. BF)
Le cortège se reforma pour défiler jusqu'à l'extrémité côté gare puis fit demi-tour pour rejoindre le restaurant au n°9 où une table fleurie était dressée, garnie de pâtisseries et de bouteilles de Champagne.
Carte postale Belfort Entrée rue Thiers côté avenue de la Gare (coll. JM)
Plusieurs discours furent prononcés par Paul Marx, Eugène Stuber et Pelot pour la presse.
Immeuble au n°9 de la rue Thiers (photo Google Earth)
Des quêteurs vendaient au profit de bienfaisance une chanson de Grolle l'Ancien, "Le Thiers-État" (retrouvée dans un manuscrit de la Bibliothèque Nationale), musique arrangée par le Marquis Nau sur un air de musique de chambre.
Amis, je vous engage à boire
Afin d'mieux absorber mes vers.
Je m'en vais vous conter l'histoire
De la Commune de la rue Thiers.
Courageux à la b'sogne toujours,
Aimant à rire après l'turbin,
Quelques gais compères un beau jour
Transformèrent leur rue en pat'lin.
Aussitôt leur fallut un Maire
Pas trop bouché, assez roublard
Il y a moyen d'les satisfaire
En en recrutant un DES DOUARS.
NA : La suite de cette chanson est à découvrir via un lien en fin de texte.
Elle fut imprimée le 10 mars 1923 sur les rotatives de l'École Muhr, 30 rue Thiers à Belfort !
Épilogue de l'article
Cette journée communiant un Bal masqué et une Fête, celle de la Commune libre de la Rue Thiers, furent très réussies.
Les travestis mirent un peu de baume au cœur et la dérision proposé rue Thiers, permit à la Cité du Lion de sortir un peu d'un quotidien morose où le mauvais temps présent depuis plusieurs semaines fut remplacé par un soleil resplendissant.
Les Fêtes de la Mi-carême étaient bien parties mais loin d'être terminées, il y avait encore au programme, l'élément phare, la Cavalcade et un autre Bal masqué !
La suite de l'article (partie 4) est consacrée à la Cavalcade.
JM
Liens pour accéder aux articles cités
Sommaire de l'article sur les Fêtes de la Mi-carême 1923 : Cliquer ici
La Cavalcade des Fêtes de la Mi-carême 1923 : En cours de rédaction
Chanson complète "Le Thiers-Etat" (fichier PDF) : Cliquer ici
Le Bal masqué des Fêtes de la Mi-carême 1922 : Cliquer ici
Références : Journaux La Frontière et L'Alsace (collection Archives municipales de Belfort, AMB et Archives départementales du 90, AD90),
Infos pratiques
Vous pouvez laisser des commentaires sur cette présentation via le lien "Commentaires" en fin de l'article après la liste des tags.
En cliquant sur une photo, vous pouvez l’agrandir.
---o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o-----o---