Statue Quand-Même d’Antonin Mercié, à peine installée déjà déménagée (6e partie) !
En août 1884, Belfort rendait hommage aux Défenseurs de Belfort, le colonel Denfert-Rochereau et Adolphe Thiers, en implantant la statue Quand-Même sur la place d'Armes, œuvre d'Antonin Mercié.
Carte postale Belfort La statue Quand-Même (coll. JM)
En 1905, la municipalité belfortaine dut se résoudre à la déplacer !
La sixième partie de l'article est consacrée à son déplacement.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder au Sommaire et aux parties précédentes de l'Article.
La place d'Armes
La place d'Armes en 1905, bordée de marronniers, comprenait la statue du côté de l'Hôtel de Ville et un kiosque à musique, du côté opposé, en face de l'église Saint-Christophe.
Carte postale Belfort La place d'Armes (coll. JM)
Ce fut ce second équipement qui va être à l'origine du déplacement de la statue Quand-Même !
Le kiosque à musique
À la demande des militaires, un kiosque en bois fut installé en 1876 en face de l'église Saint-Christophe. Mais ce kiosque n’étant point couvert, le commandement militaire demanda à la municipalité d’installer un kiosque couvert pour abriter les musiciens des intempéries.
Extrait carte postale Belfort Le kiosque en bois (coll. JM)
La municipalité qui avait d'autres Lions à fouetter, ne prit la demande en considération qu’à partir de 1896. Lors du conseil du 10 août, le devis proposé fut repoussé même si l’implantation d'un kiosque fut envisagée sur les glacis du Château (la place de la République actuelle).
Il fallut attendre le 25 janvier 1904 pour que le remplacement du kioque soit définitivement acté. Les projets présentés à cette occasion ne furent pas plus retenus. Le conseil municipal décida de détruire le kiosque en bois le 31 mars 1904, il avait trop souffert des intempéries et devenait trop dangereux.
Photo Le kiosque et la statue vers 1896 (coll. BF)
La nouvelle municipalité élue en mai qui avait dans son programme cette construction, préféra faire appel à des spécialistes.
La musique n'adoucit pas toujours les mœurs…
Si le kiosque en bois installé permettait à la musique le droit de cité, elle n'était pas toujours appréciée !
Sa présence et surtout les aubades jouées le dimanche attirèrent le courroux des fidèles et des prêtres officiant la messe. Des plaintes transmises aux édiles de la ville vinrent à plusieurs reprises interférer le déroulement des conseils municipaux.
Carte postale de l’entrée de l'église Saint-Christophe (coll. JM)
Léon Deubel (oncle du poète Léon Deubel), dès le 10 septembre 1904, fut le porte-parole des non-mélomanes et proposa au conseil municipal de déplacer la statue et d’installer le nouveau kiosque à musique à sa place.
Déplacement de la statue
Lors de celui du 7 janvier 1905, le sujet revint à nouveau sur la table par l’entremise du conseiller Léon Deubel qui renouvela sa demande de déplacement de la statue.
Carte postale Belfort La statue avec le kiosque en bois (coll. BF)
Après discussion, il fut décidé de réimplanter la statue en lieu et place du kiosque en bois, dans l'axe de la rue de la Porte de France.
NA : En fin de texte, un lien permet d'accéder à l'article consacré à la Porte de France.
Ce dernier devait être remplacé prochainement par un nouveau kiosque confié à la Maison Schwartz et Meurer* de Paris.
*Maison Schwartz et Meurer : Cette société venait de construire la halle du Marché Fréry.
Carte postale Belfort Construction de la halle (coll. JM)
Des conseillers, Albert Muller, Casimir Schultz et Christ Schad, proposèrent, même, de déplacer la statue sur la place de la République, vide en 1905. Cette proposition ne fut pas retenue.
Un budget de 2500 francs fut voté par le conseil municipal pour les travaux de déplacement de la statue. Il fut prévu de rehausser le monument.
La décision du déplacement fut acceptée et actée le 24 janvier 1905 par l'administrateur du territoire, Eugène Schmidt.
Les travaux
Le réaménagement et l'installation de la statue dans son nouvel emplacement, furent confiés à l’artisan (Jean-Baptiste) Dupont.
Ce ne fut pas un simple déplacement car il fut prévu plusieurs modifications et améliorations, dont le rehaussement du monument de 0,75 mètre.
Une dalle en béton armé de 9,60 mètres de côté, et de 0,40 mètres de haut, servant de fondation, fut implanté sur l'emplacement prévu pour recevoir une nouvelle rehausse, le socle et la statue.
Les pierres utilisées pour le piédestal furent récupérées pour être réagencées sur le tertre pour former un bâti de 1,20 mètre de haut, pour recevoir le socle de la statue.
Plan de la partie inférieur de la statue (doc AMB)
L'artisan fournit gratuitement les 500 kilogrammes de ciment nécessaires pour confectionner la dalle.
Les travaux de déplacement de la statue débutèrent le mardi 28 mars 1905; la durée prévue était d'environ un mois.
À cette occasion, le socle de la statue fut retaillé suivant les instructions à titre gracieuses, du sculpteur Antonin Mercié.
Le socle d'origine de la statue en 1884
Le nouveau socle de la statue en 1905 sur sa dalle*
*La dalle et les 2 niveaux inférieurs du piédestal d'origine sont cachés par la terre ajoutée et damée en pente entre la bordure de la grille et le troisième niveau du piédestal.
L'évolution du socle est bien visible car sa forme parallélépipédique d'origine fut très significativement améliorée, apportant une esthétique moins brute. Il fut retaillé par l'entreprise, comme on peut le constater, entre-autre, en partie supérieure où il est pourvu d'une petite moulure saillante.
L'écusson travaillé présent en face principale du socle, maquetté par Antonin Mercié et réalisé par le sculpteur belfortain M. XXX Franck fut modifié lui aussi. Son cartouche où étaient présentes les inscriptions "THIERS" et "DENFERT", accueillit un médaillon en bronze avec les profils de Thiers et Denfert. À l'origine, les deux défenseurs étaient dans un écusson fixé au-dessus de celui en pierre.
La position de l'écusson Thiers-Denfert sur le socle qui était à l'origine au-dessus de l'écusson en pierre
Carte postale Le médaillon intégré dans le cartouche (coll. JM)
L’inscription "Aux défenseurs de Belfort" fut ajoutée sur la face, en remplacement de l'écusson devenu médaillon.
Extrait carte postale de la statue avec le texte (coll. JM)
Le feston cannelé présent sur la face côté Hôtel de Ville fut retiré lors de l'amincissement du socle; il est vrai qu'il avait subi des dommages, détérioré par des feux de Bengale.
Photo Le feston présent sur le socle d'origine (coll. BF)
Une autre modification fut l'orientation de la statue dont le buste de l’Alsacienne dirigée face à l’Hôtel de Ville donc vers le sud et non plus vers le nord. Par contre, apparemment cette réorientation ne donna pas satisfaction à tout le monde… le sujet principal, l’Alsacienne, n’étant plus visible de face en entrant sur la place.
Carte postale L'Alsacienne regardant l'ouest (coll. privée)
Derrière la statue avant son déplacement, le toit de la prison, bâtiment à gauche de l'Hôtel de Ville, l'Alsacienne regarde vers l'ouest.
Carte postale L'Alsacienne regardant Saint-Christophe (coll. JM)
Derrière la statue après son déplacement, l'immeuble à l'opposé de l'Hôtel de Ville, l'Alsacienne regarde vers l'est.
Après moins d’un mois de travaux, la statue fut réinstallée définitivement le 25 avril 1905. Apparemment, cette réimplantation ne fut point accompagnée d’une inauguration.
Carte postale Statue réimplantée devant Saint-Christophe (coll. privée)
La nouvelle grille
Pour protéger le monument, la pose d'une grille en fer forgé fut reconduite. L'initiale ne put pas être récupérée car la nouvelle configuration engendrait un périmètre développé plus important permettant d'agrémenter le pourtour du monument, d'un massif ornemental.
Plan de la nouvelle grille (doc. AMB)
La grille fut fournie par l'artisan belfortain Adrien Guiton pour un montant de 564,80 francs, y compris la pose.
Extrait carte postale La grille du monument (coll. JM)
L'entourage formé par la nouvelle grille délimitait un carré de 9 mètres de côté avec un rayon aux quatre angles.
Le massif de la statue
Sur le cliché qui suit, on voit la présence de la terre nue autour du monument, venait-elle d'être récemment déposée ?
Carte postale Belfort La terre au pied de la statue (coll. privée)
Certainement, un des premiers clichés de la statue Quand-Même déplacée !
Indices permettant d'avancer cette hypothèse, la terre vient d'être nivelée avec le socle ravalé "blanc" très récemment, à minima...
Un autre cliché existe qui montre les jardiniers de la ville affairés à ornementer le massif avec une composition de plantes.
NA : Un lien en fin de texte permet d'accéder à l'article consacré à cet instantané.
Parmi les clichés permettant de voir le massif, sur l'un d'entre-deux, on peut constater que les jardiniers avaient représenté… les armoiries de la ville.
Extrait carte postale Les armoiries de la ville (coll. privée)
Présence de l'initiale "B" et de la "Tour"; certainement que le "F" est présent ensuite. La mosaïculture fut donc présente à Belfort bien avant la création du square Lechten, la référence pour ce type de décoration florale !
NA : Un lien en fin de texte permet d'accéder à l'article consacré au square cité.
Le nouveau kiosque
Suite au déplacement de la statue, le nouveau kiosque à musique put être implanté devant l'Hôtel de Ville.
Carte postale Belfort Kiosque à musique (coll. JM)
Le kiosque fut inauguré le samedi le 3 juin 1905 et ce fut la Lyre Belfortaine qui eut l’honneur d’utiliser pour la première fois ce havre à la musique ou plutôt aux musiciens.
Épilogue
La statue Quand-Même ne resta que 21 ans à son emplacement d'origine; les paroissiens de l'église Saint-Christophe préférant un emblème militaire à ses portes que d'être envahis par des notes de musique…
Pour la suite de cet article, un lien ci-dessous permet d'accéder au Sommaire ou à la partie suivante de l'article.
JM
Liens pour accéder aux articles cités
Statue Quand-Même Le sommaire : Cliquer ici
La Porte de France : Cliquer ici
Les jardiniers de la statue Quand-Même : Cliquer ici
Le square Lechten : Cliquer ici
Statue Quand-Même, son déplacement en 2014 (7e partie) : A venir
Références : Dossier Statue Quand-Même (doc. Archives municipales Belfort, AMB), Les journaux La Frontière et L'Alsace (coll. Archives Départementales du 90),
Infos pratiques
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